samedi 20 novembre 2021

Écrire : travail ou hobby ?

Comme l’indique la biographie admirablement concise que vous pouvez lire sur cette page à gauche, mon temps se partage entre trois activités principales : l’écriture, la foresterie et le dessin (la peinture). Je n’ai aucun doute sur le statut de deux d’entre elles. La foresterie, quoiqu’assez plaisante en fait, est un travail. Le dessin est incontestablement un hobby : je suis une sorte de peintre du dimanche, assez littéralement d’ailleurs. Mais qu’en est-il de la troisième ? me suis-je alors demandé et la réponse m’a semblé nettement moins claire.

D’emblée, pour y répondre, j’ai écarté les notions vaseuses de passion ou de vocation dans la discussion qui suit puisqu’il me faudrait écrire un volume de la taille de La Critique De La Raison Pure pour donner un peu de solidité à des concepts aussi étrangers que la nécessité intérieure et que de toute façon je déteste ce genre de livres qui coupent les cheveux en quatre. Ensuite, j’ai écarté tout ce qui n’est pas littérature sérieuse, essais, chroniques, dissertations philosophiques pour rire ou articles comme celui que je suis en train de taper et qui appartiennent évidemment à la catégorie du hobby, de la distraction oiseuse pour riche dilettante, de la conversation pour passer le temps, voire des ruminations silencieuses d’un promeneur solitaire fort délassantes à dire vrai quoique peut-être uniquement pour le promeneur en question

Qu’est-ce qui différencie fondamentalement le travail d’un hobby ? Les deux angles que je vais retenir sont l’étymologie et l’utilité. Étymologiquement, le travail est la peine, le châtiment, tandis que le hobby est le plaisir, la récompense. L’utilité première et souvent unique du travail, sauf pour les esclaves et les forçats (et les femmes ajouteraient certain(e)s), est de gagner de l’argent, assez pour survivre tout au moins, à la sueur de son front, dans la peine et l’ennui ; la fonction d’un hobby est précisément le contraire, de vous faire dépenser votre argent péniblement gagné par le travail pour satisfaire un plaisir (et remplir au passage les poches d’autrui).

Examinons l’aspect étymologique et voyons dans quelle catégorie se range l’écriture.

Mais d’abord, quelques précisions. Dans mon cas au moins, le processus d'écriture comporte trois phases : ce qu’on appelle le premier jet, la réécriture, le polissage ou correction. Le premier jet, avec la découverte, la marche irrésistible vers l’inconnu, le jaillissement spontané de l’inspiration, pourrait être un plaisir mais le fait est que dans l’ensemble, sauf rares exceptions, il ne l’est pas. Pourquoi ? Parce que je ne suis pas dans mon état normal. Parce que je suis tiré du lit à quatre heures du matin, ou en fait à n’importe quelle heure de la nuit. Parce que je n’aime pas sentir ma main échapper à tout contrôle et courir sur le papier de gauche à droite à une allure très excessive sans jamais prendre conseil de mon cerveau, jusqu’au moment où elle arrive dans une impasse et alors je dois retracer laborieusement sa piste encore fumante, armé d’une gomme jusqu’à ce que j’ai retrouvé l’embranchement fatal où elle s’est égarée. Naturellement, le résultat est un torchon infâme, parfaitement illisible, même pour moi. Peu importe, je n’ai de toute façon aucune intention de le relire ni de m’en servir en aucune manière si ce n’est éventuellement comme pense-bête ; le premier jet est juste une façon compliquée de rassembler des éléments épars, de séparer le bon grain de l’ivraie et de me les imprimer dans la tête. Le statut de la première phase est donc ambigu, au mieux. 

La seconde phase, toujours réalisée plusieurs mois ou plusieurs années après la première, peut-être aussi bien l’un que l’autre, labeur ou plaisir. Si tout se déroule selon le plan, qui est d’arriver à un texte lisible (et presque publiable) au bout de l’opération, c’est un plaisir. Mais c’est le cas le plus rare. Très souvent, il faut plus d’une réécriture — deux, trois, quatre, six, dix, treize — et plus il y en a, plus on s’approche de la définition habituelle d’un travail au sens étymologique du terme pour finir par les tourments du damné, tel Sisyphe roulant sa pierre éternellement au sommet de la montagne, uniquement pour la voir redescendre beaucoup plus vite. D’ailleurs taper quatre cent pages avec deux index exclut d’emblée toute idée de plaisir.

Quant à la dernière phase, si elle arrive, elle se range sans discussion possible dans le pur labeur du scribe à loupe et lunettes à double foyer, méticuleux, routinier, sans intérêt.

Et donc, tout compte fait, écrire devrait plutôt appartenir à la catégorie travail selon ce premier angle. Qu’en est-il du second ? Un bilan financier s'impose.

Voyons pour la première phase. J’écris tous mes premiers jets à la main, au crayon de bois, sur des feuilles volantes, dont le recto a été préalablement utilisé pour d'autres besognes. On peut donc considérer que le coût en papier est nul, d’autant que ces feuilles auront une troisième et ultime fonction en me servant d’allume-feu pour ma chaudière à bois. J’ai besoin de cinq crayons de bois, de deux gommes et deux taille-crayons (au cas où l’un viendrait à flancher, je suis prévoyant) pour noircir quatre cent versos de feuilles, ce qui reste modique. Malheureusement, ça se gâte avec la seconde phase. Il me faut alors un PC ou Mac (je ne suis pas sectaire) tous les 10 ans, un logiciel d’écriture non gratuit et un autre de dessin pour les illustrations, car j’adore les livres illustrés, du moins en tant que lecteur (beaucoup moins en tant que fabricant). Si j’ajoute quelques frais promotionnels obligés, le rachat d'un ou plusieurs exemplaires pour le contrôle qualité, il est mathématiquement certain que je ne gagne pas d’argent avec l’écriture et ma centaine de lecteurs, malgré un sens de l’économie que d’aucuns jugent remarquable. D’un point de vue strictement comptable, je peux donc avancer cette affirmation paradoxale que plus je publie de livres, novellas, romans ou recueils de nouvelles (ces derniers sont vraiment terribles à cet égard), plus je perds de l’argent. Et encore, je n’ai pour l’heure pas osé publier de recueils de poèmes !

Le statut de l’écriture est donc étrange. Il combine chez moi tous les défauts ou presque des deux catégories et n’en possède à peu près aucun des avantages : écrire ne me fait ni gagner de l’argent ni ne me procure beaucoup de plaisir et me donne encore moins de satisfaction intellectuelle, puisque j’ai la maladie du perfectionnisme en ce domaine (et uniquement en celui-ci) et qu’il n’y a point de fond ni de fin à cette quête. 

Drôle de hobby.

Pour terminer cet article (hé oui, il n’était pas terminé), et pour élargir sa perspective quelque peu autocentrée, je voudrais citer le cas d’un autre écrivain, très fameux lui, Rousseau. Alors déjà célèbre auteur du Contrat Social ou de La Nouvelle Héloïse, aussi adulé que détesté, invité, souvent sans succès, dans tous les salons des dames à la mode et toutes les cours d’Europe, et voyant donc qu’une richesse condamnable le guettait, il eut une idée géniale pour rester pauvre contre vents et marées. De mauvaises langues diront qu’il a alors inventé le dumping de l’écrivain, ou disons du producteur de livres électroniques, chose courante de nos jours quand on voit ces monstrueux pavés de mille pages et plus (ceux-là se pèsent en Ko), vendus à 0,99€, mais ces mauvaises langues auraient tort. Rousseau était un idéaliste, un vrai, et qui allait au bout de ses idées, du moins jusqu’au point ou ses faiblesses de caractère et de constitution le lui permettaient. Rousseau, à cette époque, était écrivain professionnel, mais pas le genre d’écrivain auquel on pense. Il écrivait ou plus exactement copiait des partitions de musique, des livrets d’opéra, ce genre de choses, car il était aussi musicien. Et pour ce travail, il prenait tant du mot ou j’imagine de la ligne puisque je ne vois guère de mots dans une partition excepté les glissando, piano, moderato et tutti quanti. Son prix n’était pas cher et je suppose qu’à sa porte, il y avait un écriteau vantant la modicité de ses tarifs. Eh bien, pour ne pas risquer de devenir riche à cause de tous ces inconnus oisifs qui voulaient absolument sinon lire au moins avoir le plaisir supérieur d’arborer son dernier livre dans leur bibliothèque, il eut l’idée géniale, quoique burlesque, presque délirante à nos yeux de laborieux petits commerçants de troisième classe, d’imposer à ses éditeurs (quelle belle imposition ! devaient-ils se dire) de ne le payer que le tarif exact qu’il prenait comme copiste de musique, en une seule fois, comme pour un forfait, tant du mot et pas un sou de plus. J’imagine qu’il n’a pas eu trop de mal à trouver éditeur avec ce type de condition draconienne.

Drôle de travail.


jeudi 11 novembre 2021

Merveilles de Terres et de Ciels

 Comme il s'agit avant tout d'un livre d'art graphique, autant débuter ce bref article par une des "merveilles" qu'il recèle.


En faisant cette peinture, je pensais à un monde gazeux, ou plutôt semi-liquide, puisque les nuages sont faits de gouttelettes liquides en suspension dans une masse gazeuse. Ici, la différence se fait dans la densité de liquide entre les différentes couches de cette atmosphère. Celle-ci est probablement plus épaisse que l'atmosphère terrestre : elle sert ici à soutenir ces flotteurs en forme de poisson mais qui me semblent plutôt des dirigeables touristiques. J'ignore comment on peut faire tenir un phare dans de pareilles conditions et à quoi ils peuvent bien servir : il faudrait leur demander. J'aurais pu intituler cette peinture Un monde de nuages. En fait, j'aurais probablement dû.





Cette peinture est la seule du livre qui ne comporte ni titre ni commentaire parce que je n'en ai pas trouvé alors. Je n'en trouve toujours pas aujourd'hui.



Je ne sais pas si des ciels de ce genre existent près des pôles terrestres. Qui sait? En croyant inventer, on ne fait souvent que découvrir. Et en croyant découvrir, on ne fait quelquefois que se remémorer. J'ai oublié quel titre j'ai donné dans le livre à cette peinture (l'astronaute du premier plan est un montage) mais cela aurait pu être Sculpture sur glace.



Certaines peintures du livre — un bon tiers, je dirais — me semblent tirer plus du côté du fantastique que de la science-fiction. C'est le cas de celle-là. Il y a des influences picturales ici que j'ai du mal à définir. Ernst peut-être pour le géant de pierre bariolé. Plus profondément, j'y verrais bien une inspiration venue de plus loin, des primitifs italiens. Néanmoins, il manque alors le chevalier en armure sur son destrier caparaçonné, venu pourfendre le dragon. Et du coup, il manque peut-être aussi la belle éplorée.



Si vous désirez faire l'acquisition ou en savoir plus sur ce bel objet qui n'a d'autre ambition que de faire voyager vers des mondes inconnus, imaginaires ou peut-être réels, en tout cas à jamais hors d'atteinte par les moyens de transport ordinaires et même extraordinaires, vous pouvez allez voir ici. Ce n'est vraiment pas cher pour voyager aussi loin. Le livre existe en version brochée (28 cm X 21, 5 cm) ou en version e-book, légèrement adaptée étant données les exigences spécifiques variées d'un livre virtuel consultable sur tablette, liseuse, voire smartphone (évidemment, dans ce dernier cas, le téléchargement est un peu long).

Autre article sur le livre: ici.
Où trouver le livre en question : .