vendredi 19 janvier 2024

Qui est le numéro 1 ? Quel est son plan ?




    Dans le grand chamboulement du monde à peine croyable qui est en train de s’opérer sous nos yeux effarés ou émerveillés selon les goûts, on peut discerner grosso modo deux lignes de pensée pour expliquer l’inexplicable. Il y a la première ligne à laquelle je souscris majoritairement (il y a en effet beaucoup de voix en moi) dont vous pouvez vous faire une bonne idée en lisant ou en relisant mes excellents articles de ces trois dernières années que vous pouvez trouver à droite dans la catégorie « transformation de notre monde ». Mais aujourd’hui, par souci démocratique, je vais laisser le crachoir à cette voix très minoritaire qui est en moi et parler donc un peu de la seconde ligne de pensée. Pour cela, j’ai choisi de prendre comme guide et métaphore la vieille série des années 60 : Le Prisonnier, excellente série, même encore pour le spectateur moderne.
    Celle ligne de pensée part du principe que nous sommes rentrés de plain-pied dans une dystopie, qui, comme toujours, commence par se masquer sous les traits d’une utopie (liberté, démocratie, égalité, etc. dont chaque terme pourrait, comme dans 1984, être remplacé par son contraire avec plus de vérité). Le nous dont je parle ici est l’homme occidental collectif. De même que dans la série, la dystopie semble s’arrêter aux frontières du Village, la nôtre s’arrête plus ou moins là où commence le reste du monde (oui, nous sommes vraiment devenus un village, un grand village disons, surtout ici en Europe occidentale). Comme dans la série, il existe un numéro 1 que nous ne voyons jamais et qui tire toutes les ficelles dans l’ombre. Souvent, l’identité de ce personnage omniscient et omnipotent est assimilée à la vague personnalité de Klaus Schwab, ce qui est profondément grotesque, mais soit, admettons qu’il y a bien un numéro 1, juste que nous ignorons son identité comme dans la série avant l’épisode final. Dans ce cadre d’idées, le but du numéro 1, pas dans la série mais dans notre monde, serait de détruire la civilisation occidentale de l’intérieur, en sapant ses fondements — recherche constante de l’innovation et de la connaissance, dur travail, efficacité à tous les niveaux — ses valeurs traditionnelles, en remplaçant tout ce qui marche ou marchait par ce qui ne marche pas et qui très probablement ne marchera jamais (type éoliennes, voitures électriques, robots « intelligents », etc.) du moins pour une société comptant tout de même plus d’un milliard de personnes. Et donc, logiquement, le but ultime du ce numéro 1 inconnu serait de décimer la population, décimer au sens moderne qui est à peu près l’inverse du sens antique, soit de réduire de neuf dixième au moins nos cohortes d’inutiles et de parasites (rendus tels par la volonté du cerveau machiavélique qui nous gouverne depuis son antre des ténèbres). Car la justification principale de ce génocide programmé, de cet Homocide comme je l’appelle ici ou , et en fait la seule un peu sérieuse que j’ai pu trouver, est que l’espèce humaine serait dans l’ensemble, avec de rares exceptions, les élus, est une espèce parasite et/ou prédatrice de la nature et donc de la planète, qu’il convient de limiter fortement pour le bonheur des petites fleurs et de nos amis les loups. En fait, dans ce cadre de pensée, il n’est même pas sûr que l’espèce humaine fasse partie de la nature, de la planète ; peut-être sommes-nous des extra-terrestres, des aliens sans le savoir ?
    Le numéro 1, contrairement à la série, use de nombreux numéros 2, pas seulement successivement mais aussi simultanément. Ceux-là sont bien connus, au moins pour la plupart, et nous les retrouvons logiquement aux commandes de la salle de contrôle : nous pouvons nommer ici cette bonne Clinton, Saint Obama, ce véritable yankee de GW Bush (mais on doute qu’il ait jamais su ce qu’il fabriquait là), Sleepy ou Slippy Joe (selon les jours), ce bon Hollande, l’affreux Sarkozy, le derviche tourneur Macron, les non-entités qui dirigent depuis deux décennies Le Royaume-Uni (à peu près aussi uni que l’est son maître américain), l’Italie et l’Allemagne, sans parler des postes avancés d’Israël, du Japon et des antipodes. Disons pour préciser qu’il y a des numéros 2 et des numéros 2bis là-dedans, voire des troisièmes couteaux.
    Parfois, très rarement, car la société a érigé tout un système de blocages et garde-fous contre ce genre d’événements, un faux numéro 2, une sorte de numéro 6, parvient jusque dans la salle de contrôle et tâche de faire quelque peu dérailler cette machine si bien huilée. Oh, ils ne font pas la révolution quoiqu’on dise mais ces intrus — comment les qualifier autrement ? — peuvent se révéler très gênant, soit parce qu’ils n’écoutent pas les instructions du numéro 1, soit qu’ils ne les comprennent pas. Le dilettante Trump est à peu près ce qu’on a fait de mieux dans le genre, ce qui est bien peu. Soyons clair, même s’il parvient de nouveau à éviter les écueils et les colis piégés pour retrouver sa place de (faux) numéro 2, ce ne sera jamais un vrai numéro 6, rusé comme un diable, déterminé comme le destin, féroce comme un loup et teigneux comme une teigne. Il faudrait un homme du calibre de Poutine dans la passerelle de commandement et on peut être raisonnablement certain que cela n’arrivera pas. Pas de ça chez nous. C’est d’ailleurs la raison principale pour laquelle Poutine est si détesté par nos élites. Ils ont cru de bonne foi — les pauvres, on les a trompés ! — dans les années fastes, fastes pour les profiteurs, que Poutine allait être un second Yeltsine, version sobre mais pas vraiment plus chic, aussi malléable et aux ordres du numéro 1, ce qui aurait considérablement étendu les frontières de l’Empire, et ils ont eu à la place l’empêcheur de tourner en rond depuis un quart de siècle, l’ennemi numéro 1.
    Contrairement à une légende moderne, les numéros 2, sont majoritairement, tout comme dans la série, des personnes intelligentes, intelligentes dans le sens qu’elles possèdent un QI fort élevé, plus élevé que le vôtre ou le mien selon toute probabilité. Il faut en effet un QI très élevé pour découvrir et décrypter les instructions du numéro 1. C’est un peu comme de lire l’Ancien Testament : tout est sujet à interprétation, tout est énigme qu’il faut résoudre s’il on ne veut pas partager le sort des mauvais répondeurs du Sphinx. Car à la différence de la série, les numéros 2 de ce monde ne reçoivent pas leurs instructions par téléphone, même par ligne spéciale. Ils doivent les chercher, scruter les moindres indices, les lire entre les lignes de communiqués apparemment banals, dans les mouvements des courbes de la Bourse ou des monnaies. C’est aussi difficile que de lire l’avenir dans le mouvement des astres ou dans les entrailles de poulets. Oh non, ce n’est pas à la portée de tout le monde ! Notez bien que cette intelligence n’a rien à voir avec la compétence dans leur fonction, du moins si leur fonction était d’améliorer le sort des peuples qu’ils dirigent, ce qui n’est pas du tout le cas, comme déjà dit. D’une manière générale, la compétence exclut la corruption. Ou plutôt c’est l’inverse : la corruption exclut la compétence. Or, si vous me suivez bien, un objectif évident du numéro 1 est d’amener des personnes corruptibles, c’est-à-dire déjà corrompues, aux postes de numéro 2, de sorte qu’elle aura plus de levier sur elles, en cas de réticence ou plus invraisemblablement de rébellion. Dans ce monde, les aspirants numéros deux, tout comme dans les bandes de malfrats, doivent commencer par montrer leur obéissance et leur fidélité au maître en exécutant quelque acte contre nature, quelque crime contre l’ennemi désigné, surtout si cela comprend femmes et enfants (l’exemple n’en sera que plus édifiant).
    Dans la série Le Prisonnier, celui-ci finissait, dans les toutes dernières minutes par apprendre la vraie identité du numéro 1. Ce n’est certes pas le meilleur épisode de la série ; c’est même le pire. En dehors de servir le penchant à la mégalomanie de l’acteur, producteur, réalisateur, scénariste principal de la série, Mac Goohan, cette révélation n’a guère de sens. Tout au plus pourrait-on arguer pour sa défense que dans la dystopie qui est la sienne et la nôtre (si on suit cette ligne de pensée), la victime, le numéro quelconque, le citoyen x, est aussi son propre bourreau puisqu’il contribue au système en votant pour le numéro 2 de son choix, ignorant ou voulant ignorer que le jeu est pipé puisque les choix possibles ont déjà été canalisés vers un résultat qui de toute façon conviendra au système.
    Dans la réalité et dans cette ligne de pensée, l’innommable numéro 1, ce prince dans l’ombre, ce menteur, ce corrupteur, ce destructeur, ne peut être qu’une seule personne, que nous connaissons sous divers noms ou vocables, très probablement fantaisistes. 
    Eh bien, je crois que le portrait est à peu près complet et que répondre à la devinette du titre n’est plus maintenant qu’une formalité.

Un autre article de moi concernant la série Le Prisonnier: ici.
Et ci-dessous, pour ceux qui auraient loupé les multiples diffusions TV (mais généralement très tard le soir), le premier épisode intégral de la série originale (il y a eu depuis, évidemment, un remake!)


samedi 13 janvier 2024

Le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest : quoi de plus naturel ?



   Il n’est sans doute pas nécessaire d’être particulièrement éveillé pour comprendre le double sens de mon titre digne de M. de La Palice. J’ai précédemment consacré quelques articles — comme celui-ci ou celui-là — au basculement de civilisations qui est en train de se produire sous nos yeux mais je m’étais jusqu’ici focalisé sur la Russie. J’avais laissé un peu dans l’ombre son voisin chinois pour deux raisons : d’abord par manque d’affinités et ensuite par méconnaissance. Ayant quelque peu rectifié le second point (je ne peux pas faire grand-chose pour le premier encore qu’on pourrait argumenter qu’une plus grande connaissance est généralement associée à une plus grande empathie), je vais centrer cet article sur la Chine, puisque tout le monde, en dehors des sourds et des aveugles, est d’accord pour lui reconnaître la fonction de principale et peut-être seule locomotive de l’économie mondiale actuelle.
   Tout d’abord, admettons un biais évident : la Chine n’est pas ma tasse de thé, ce qui signifie que je dois combattre une sorte de répulsion atavique pour m’intéresser au sujet. Selon la définition la plus habituelle d’une dictature, je suis prêt à accepter le fait que le Parti Communiste Chinois exerce une dictature sur ce pays depuis la bagatelle de huit décennies. Que cette dictature soit de nature communiste est en réalité un détail parfaitement secondaire à mes yeux. Là où je diffère de la doxa en vigueur par ici est que je n’attribue aucune valeur morale à cette constatation. Je ne nous crois pas supérieur parce que nous aurions la chance de pouvoir voter pour Tweedledum ou Tweedledee. Le seul fait que ce PCC a sorti huit cent millions de Chinois de la grande pauvreté en deux ou trois décennies est à mes yeux un argument suffisant pour fermer le bec à tous ces occidentaux donneurs de leçons. C’est la preuve incontestable que ça marche… pour les Chinois. Ça ne veut pas dire que ça marcherait pour les Français. En fait, je suis à peu près sûr du contraire (même si l’épisode incroyable du Covid, cette suspension presque totale du contrat démocratique pour une bagatelle sous les applaudissements de la très grande majorité, pourrait laisser espérer le contraire à certains).
   L’idée que la politique des leaders chinois a été imposée depuis tout ce temps à une population docile et abrutie est évidemment un conte pour faire peur aux petits enfants blancs. La vérité est que l’immense majorité des Chinois approuvent sans se faire prier leur gouvernement, aussi autoritaire puisse-t-il être, et avec d’excellentes raisons. J’ai fréquenté durant ma vie un certain nombre de Chinois, à l’école, au travail et même j’ai eu l’honneur d’en avoir dans ma famille proche par ce phénomène d’appariement involontaire qu’on nomme belle famille et j’ai toujours été frappé par le fait qu’ils réagissaient à notre vision de leur pays avec un mélange d’indignation et d’incrédulité. Hé oui, semblaient-ils nous dire, on vous a complètement lavé le cerveau pour croire de pareilles balivernes. Et ils avaient raison pour l’essentiel. La propagande antichinoise est tellement prégnante par ici, qu’on la respire depuis la naissance, qu’on n’y fait même plus attention. Je sais bien sûr tout des tropes du Chinois fabricant de seconde classe, du Chinois dissident qui voit sa carte de crédit social s’amenuiser comme peau de chagrin jusqu’à son arrivée fatale au Ministère de l’Amour, du Chinois mangeur de Ouïghours et de corne de rhinocéros, du Chinois constructeur de villes fantômes qui font croire que l’économie est florissante, du Chinois fourmi, du Chinois qui fait chiiiin… puis tok en s’écrasant lamentablement du haut de sa tour de Babel. L’histoire de la catastrophe imminente qu’est ce château de sable de l’économie chinoise, j’y ai eu droit depuis des décennies : c’est un peu comme le nouveau peak oil ; on en parle sans cesse mais on doit sans cesse le reporter… dans dix ans. En attendant, les Chinois continuent de bâtir des villes fantômes ou pas, des voies à grandes vitesse, des fusées lunaires et bientôt martiennes, des centrales nucléaires par dizaines, à peine moins que les Russes (ah, ah, rappelez-moi combien de centrales on a construit ces vingt dernières années, c’est-à-dire des centrales qui produisent, hein, pas comme l’Arlésienne dont on parle tout le temps mais qui n’arrive jamais, histoire de rire), des bateaux, des avions, des voitures*, et bien entendu des puces dernier cri, investissent massivement en Afrique, en Europe, en Océanie, en Asie évidemment. Quand un nain essaie de regarder un géant en face, cela lui fait tellement mal au cou qu’il préfère ne pas le voir du tout. Nous sommes maintenant dans cette position.
   J’ai connu à l’école une Chinoise qui a tenté un moment de m’inculquer les rudiments de son écriture. Si elle avait été plus à mon goût, j’aurais sûrement poursuivi la leçon, d’autant qu’elle semblait particulièrement désireuse de m’apprendre tout sur les idéogrammes qui disent je t’aime. Sérieusement, l’écriture est leur point faible. Quand dans dix, vingt ou trente ans, nos descendants auront le choix entre le chinois et le russe pour ne pas mourir idiot (ou le ventre vide, ce qui est encore plus désagréable), il est à parier qu’ils opteront massivement pour le russe. Certes le russe est une langue difficile, franchement ardue même, aussi horriblement compliquée que le français, mais comparée à ce saut culturel qu’est la langue mandarin, cela leur semblera une promenade de santé.
   Un point important pour la période qui s’ouvre, cette domination culturelle de l’orient sur l’occident que j’entrevois dans mes moments d’optimisme, qui devrait modérer la terreur de Mme Dupont ou Mr Smith devant ce grand chamboulement à venir tient justement à une de nos divergences culturelles les plus profondes : l’absence chez les Chinois de désir de « réformer » les autres peuples, les autres cultures. Ils ont la main lourde pour réformer leur propre nation, leur propre peuple, comme on a pu le voir, mais rien de ce que j’ai pu entendre de la bouche d’un politicien chinois ou mieux d’un intellectuel chinois, ne laisse à penser une seconde que c’est un objectif à moyen ou long terme en ce qui concerne ces peuplades étrangères et exotiques dont nous sommes. Je ne sais pas si c’est à mettre sur le compte d’une indifférence bouddhiste, d’un égoïsme ou de quelque sagesse supérieure, mais de toute évidence, ils nous laisseront tranquilles dans nos choix politiques et culturels, aussi désastreux soient-ils, et se satisfairont comme toujours de faire hi-hi ! tant que nous n’essaierons pas de leur apprendre à vivre. Et ça, c’est justement ce que nous sommes le moins capable de faire : la psychologie occidentale est fondamentalement celle de « tu es avec moi ou contre moi » et de « si j’ai raison, c’est que tu as tort » et « puisque je suis bon et que tu ne penses pas comme moi, c’est que tu es un méchant » et enfin le très fameux « je sais ce qui est bon pour toi et je vais te l’inculquer à grands coups de botte ». C’est le plus grand problème pour tous les peuples qui ont affaire avec nous. Et cela peut mener aux plus grandes folies, comme on peut le voir en ce moment avec les Israéliens dans leur opération de nettoyage ethnique des plus vertueux (la liquidation du ghetto de Gaza est la quintessence de ce travers que je vais décrire plus loin).
   La grande et la seule question vraiment existentielle aujourd’hui est : est-ce que nous allons réussir à apercevoir enfin l’autre bout du tunnel sans que quelqu’un d’intensément vertueux, certainement dans l’Ouest, ou en Israël (qui n'est autre qu'un poste avancé de l'Empire), n'appuie sur le bouton rouge ? Malheureusement, il y a en ce moment de nombreux signes que Washington cherche un conflit majeur, que ce soit avec la Russie, avec l’Iran ou avec la Chine, et les leaders yankee n’ont pas besoin d’Israël pour les inciter à nous faire un bel Armageddon (Si, si, c’est très beau une explosion nucléaire, la nuit… mais c’est bref). L’Iran est actuellement devenu leur cible numéro 1. Bien sûr, on peut estimer que la puissance militaire yankee (je ne compte pas son inséparable acolyte, ce champion par procuration, plus matamore que Macron, le roquet d’outre-Manche) est probablement encore capable de vaincre l’armée iranienne, même aussi loin de ses bases, et sans faire usage de moyens non conventionnels, mais il faudrait être particulièrement crédule pour penser que la Russie et la Chine laisseront faire à l’Iran ce que nous (excusez-moi d'insister lourdement sur le nous) avons fait à la Lybie, sous le prétexte grotesque de lui apporter liberté et démocratie, ou à l’Irak, sans nous pour cette fois (la dernière où un gouvernement de ce pays aura montré un sens de l’intérêt national, sans parler de la justice, qui n' a pas de frontières). Et à partir de ce point, il devient très difficile d’imaginer que nous puissions échapper à la troisième guerre mondiale.
   Les Biden, Blinken, Bolton, Kirby, Nuland, Sullivan et consort ont la mentalité du joueur désespéré qui vient d’encaisser une série perdante. Au lieu de prendre ses pertes et de quitter la table, son instinct le pousse à tenter letout pour le tout, dans l’espoir irrationnel qu’il va au moins refaire ses pertes. Un esprit plus froid aura beau lui dire que les chances sont horriblement contre lui, il ne peut pas s’en empêcher. Ils ont aussi la mentalité de ceux qui sont restés impunis durant des décennies, qui pensent qu’ils vont continuer à faire et défaire les règles du jeu mondial quand bon leur semble, la mentalité de ceux qui pensent : quoi que je puisse faire, c’est légal (ou du moins légitime) puisque je suis le plus vertueux. Il semble que cette particularité psychologique leur a été léguée par le lobby juif, très actif à Washington. Un autre trait bien yankee est son ignorance de la défaite, la vraie (je ne parle pas des multiples débâcles, en Corée, au Vietnam, en Afghanistan, en Irak, etc.), de la défaite écrasante qui vous détruit les fondements même de votre société (un excellent exemple est l’Ukraine actuelle). Intellectuellement, bien sûr, ils peuvent la concevoir mais ce n’est qu’un jeu de l’esprit, bon à alimenter en thrillers ou films catastrophe la machine à fantaisies qu’est devenu ce pays. Ils ne le sentent pas vraiment, ils n’en ont pas eu un échantillon depuis leur guerre civile. Cette ignorance les rend d’autant plus téméraires, d’autant plus aveugles, comme le joueur qui ne croit pas qu’il peut finir assis sur un carton dans la rue avec sa sébile à la main.
   Aussi, tout bien pesé, je corrige mon titre : si le soleil se lève, ce sera à l’est ; mais il pourrait bien aussi ne pas se lever du tout, par la faute de ces dangereux fanatiques que j’ai nommés, les plus sanglants terroristes qu’on ait vu de mémoire d’homme, et dont certains spécimens se trouvent malheureusement à l’heure actuelle aux commandes d’une puissance potentiellement létale pour l’espèce humaine.

* Note du 21/01/2024 : coïncidence amusante, je viens d'apprendre que la Chine vient de dépasser le Japon pour les exportations de voitures pour 2023 (en nombre, mais c'est bien ce qui compte) et est devenue de ce fait le premier exportateur mondial pour cet article aussi.

vendredi 5 janvier 2024

Le cauchemar

J’ai fait un cauchemar, se plaignit la jeune fille en se réveillant.

— Raconte, j’adore les cauchemars, répondit le garçon qui se trouvait près d’elle.

— J’étais dans la nuit noire, j’étais seule…

— Bon, et après ?

— J’étais sur un bateau. En tout cas, je sentais le mouvement de tangage : je n’aimais pas ça du tout. Il faisait toujours noir mais j’ai vu qu’un arbre fruitier poussait à travers la cale. Je crois que j’étais dans la cale.

— C’est naturel, on met souvent les pommes dans la cale. L’un des pépins a dû germer et pousser en arbre.

— Sur le pont, l’arbre a commencé à développer un houppier tout rond, comme dans les livres d’images.

— Comment peux-tu le savoir si tu étais dans la cale ?

— Dans mon rêve, je le savais. Je le voyais plutôt. Tu sais bien comment cela se passe dans les rêves, non ?

— D’accord. Et tu avais très peur de cet arbre qui poussait à travers la cale, pas vrai ?

— Non. 

— Comment sais-tu que c’était un arbre fruitier ?

— À cause de la suite.

— Et c’était quoi la suite ?

— Sur le pont, il n’y a pas d’équipage, pas un seul matelot. Mais il y a un garçon que je n’ai jamais vu : c’est le capitaine du navire. Il m’apprend qu’il m’a enlevée. « Pourquoi ? » je lui demande. « Pour être ma femme pardi » répond-il. 

— Ah, ça devient intéressant. As-tu très peur maintenant ?

— Non parce que maintenant je sais que je rêve. Au contraire, je m’endors. Dans mon rêve, je m’endors et le pirate en profite pour m’embrasser. Quand je me réveille, c’est-à-dire quand je rêve que je me réveille, j’ai un gros ventre et je sens quelque chose qui remue à l’intérieur. Je vois que l’arbre sur le pont a encore grandi et qu’il a des fruits au bout de ses branches. Des fruits tout ronds comme des boules de noël dorées.

— Des pommes d’or. C’est ça le cauchemar ? fait le garçon, un peu dépité.

— Non.

— Quand est-ce qu’il vient alors ?

— Le cauchemar, c’était bien avant, quand j’étais dans la nuit noire et que j’étais seule.

— Tu n’as pas peur du pirate ?

— Non.

— Tu l’aimes ?

— Pas vraiment. Il est très laid. En tout cas, ce n’est vraiment pas l’homme de mes rêves.

— Qui c’est l’homme de tes rêves ?

— Celui que j’aime, celui à qui je suis en train de raconter mon rêve. Tu comprends maintenant ?

Le garçon ne répondit rien. Il faisait nuit noire et elle était seule.


(J’ai trouvé, non sans surprise, la matière de ce texte bref dans mon carnet de notes. Tout me laisse à penser qu’il s’agissait d’un rêve rapidement décrit, avec sans doute le peu qui me restait au réveil, bien que je n’aie aucun souvenir d’avoir fait ce rêve. Le fait que le rêveur soit de sexe féminin n’est pas forcément un problème insurmontable. Les transformations sont monnaie courante dans les rêves. Et je me souviens d’avoir été, au moins une fois, changé en fille dans un rêve que je ne qualifierais pas de cauchemar ((dans la réalité, ça le serait, sans le moindre doute, mais pas dans un rêve)). Mais il est possible aussi que le vrai rêveur, c’est-à-dire moi, est le garçon à qui la fille raconte ce rêve, qui, du coup, devient le rêve d’un rêveur qui rêve d’un rêveur qui rêve de rêver. Il est dit ((dans le carnet de notes)) que la scène est racontée sous forme d’une conversation entre la rêveuse et son compagnon. Outre un symbolisme frappant et sa mise en abîme des plus vertigineuses, du genre qu’on aimerait inventer, j’ai été saisi par une curieuse coïncidence qui est qu’en y ajoutant une brève conclusion de mon cru qui n’existait pas dans le carnet, j’avais là une illustration métaphorique parfaite de l’idée centrale de mon article récent, intitulé non-éloge de la folie, à propos de la folie et des cauchemars.)