samedi 14 janvier 2023

Enfin des lendemains qui chantent !

Savrassov


   Le commencement d'une époque formidable, comme celle que nous vivons, se traduit par des années de vache maigre, voire des décennies entières pour ce qui concerne l'Europe "illuminée", des troubles considérables, et souvent des guerres. C'est un problème. Néanmoins quel sentiment de soulagement, de consolation, de joie spirituelle pourrait-on dire, d'assister à la débâcle d'une société qui a depuis longtemps dépassé sa date de péremption!  Après des décennies passées au point mort, à se lever chaque matin avec l'horizon inchangé, morne et gris, un océan de bêtise et de mensonges dans toutes les directions, et soudain ce soleil inespéré qui se lève à l'Est. Assister au commencement de la fin de l'Empire du Mensonge comme le qualifie avec une concision et une justesse inégalables Vladimir Poutine qui n'est pourtant pas poète, c'est vraiment quelque chose. Hélas, il se trouve que nous faisons nous aussi, Français, partie de cet empire. Nous avons résisté peut-être un peu plus longtemps que d'autres en Europe ou en Asie mais il faut se rendre à l'évidence, nous ne sommes plus qu'une dépendance sacrifiable de l'Empire dont le siège officiel est à Washington (notre dernier acte de résistance aura été notre véto à la guerre d'Irak, la seconde, il y a juste vingt ans, qui a tout de même fait au final un million de morts, presque tous civils, une bagatelle pour un massacre comme aurait pu le titrer Céline). Pour l'Europe, le cheval de Troie de l'Empire, aura incontestablement été l'OTAN, bien aidée par toute la kyrielle d'ONGs qui ont leur mangeoire outre-atlantique à commencer par la plus louche de toutes qu'on appelle l'ONU (d'une manière générale, tout ce qui commence par un O en français ou finit par un O en anglais est suspect). L'opération, si elle a été préméditée, aura été menée de main de maître : d'abord la démilitarisation des armées européennes (préalable indispensable à la suite) puis destruction de l'industrie lourde puis destruction des réseaux énergétiques fonctionnels et enfin -- quand la dépendance envers l'Oncle Sam est complète -- création d'un conflit avec un géant comme la Russie, nains que nous sommes devenus. Maintenant nous sommes mûrs à point, tant que nous sommes encore bien gras et juteux, pour être dévorés par le maître, qui a très faim, toujours très faim, et qui n'a plus grand chose d'autre à manger en ces temps de crise.

Remarquons que tout cela aura été fait dans les formes, très poliment, très agréablement somme toute. La suite risque de l'être beaucoup moins. Remarquez aussi que j'ai commencé cet article au présent et que j'en suis au futur antérieur, temps rare mais absolument adéquat pour parler d'une civilisation disparue.

La période de vache maigre sera pour tout le monde (hormis la petite minorité qui parvient toujours à être du bon côté du manche) mais les grands perdants, comme presque toujours dans ces cas-là et particulièrement dans le cadre de l'empire US, seront les plus loyaux serviteurs du maître, songeons au roquet britannique, à la grosse dinde d'Outre-Rhin ou à l'abject toutou du soleil levant, le spécialiste incontesté il est vrai du seppuku. Et que dire de l'agneau sacrificiel ukrainien ! Celui-là aura été consommé avant même d'être gras et juteux. Déjà, il n'en reste plus guère que des os. Il faudra bientôt trouver un nouveau candidat : sera-ce la Pologne, Taïwan? Sont-ils assez maigres, pauvres, affamés, corrompus, ignorants et méchants pour le rôle ? c'est toute la question.

Les grands gagnants, relativement parlant, seront comme je l'ai dit dans un article précédent les principaux pays de l'Eurasie, moins bien entendu l'Europe occidentale. La Russie et la Chine, adossées qu'elles sont l"une à l'autre, idéalement complémentaires, ont tout pour connaître un coup d'accélérateur aussi brutal qu'inespéré dans les années à venir (car en vérité la défaite du bloc occidental est principalement sa propre faute). Mais nul doute que ça ne s'arrêtera pas à ces deux-là. L'Inde , l'Iran, l'Indonésie devraient elles aussi accrocher la locomotive. Possiblement, à un degré moindre, quelques pays d'Afrique et d'Amérique du Sud. Cela signifie que le monde de demain (mais c'est un demain tout proche, qu'on peut déjà sentir à défaut de toucher) sera multipolaire et mieux encore multiculturel (les occidentaux parlent beaucoup d'échanges culturels mais cela consiste toujours chez eux à échanger avec des sauvages de la verroterie (ou de la monnaie de singe) contre de l'or et des pierres précieuses -- là-dessus, on n'a pas fondamentalement changé depuis cinq cents ans).

Nous nous trouvons donc au bord du grand basculement des forces, non pas à la fin mais au commencement d'une nouvelle civilisation, plus partagée, plus équitable, plus diverse, et c'est une formidable nouvelle (puisque c'est ce que nous avons sans cesse à la bouche, n'est-ce pas?). L'ancienne civilisation, la nôtre disons-le, qui avait le contrôle du monde entier dans sa main avec ou sans son accord est en train de lâcher prise, éreintée, à bout de souffle et le peu de souffle qui lui reste est si nauséabond qu'on préfèrerait ne plus le sentir du tout. Une formidable nouvelle pour le monde dans sa globalité mais, j'en ai peur, pas pour nous. Nous regarderons, si nous vivons assez longtemps, ce magnifique spectacle de loin. Pour les gens d'esprit, ce n'est pas une mince consolation.

Oh bien sûr, tout ne se fera pas en quelques jours ou même quelques années. Le plus grand bras de l'Empire, qui n'est pas son armée mais sa monnaie, le dollar, a de telles ramifications, de telles tentacules infiltrées dans presque tous les rouages de la finance et du commerce mondial qu'il faudra au moins une décennie avant de l'en extirper (je ne parle évidemment pas de l'Europe qui elle sera pompée jusqu'à la dernière goutte de jus par la pieuvre vampire). 

Soyons donc impartial et réjouissons-nous pour ces futurs radieux qui s'annoncent, même s'ils ne nous concernent pas vraiment. La seule inquiétude que nous devons avoir est la réaction de l'Empire à sa démission forcée, devant le rejet universel dont il fait déjà l'objet. Qui peut prévoir avec certitude la réaction de la bête méchante et encore puissante une fois acculée. On sait quel est le calcul actuellement dans les centres de décisions US (je parle à leur place): affronter nos ennemis russes et chinois (ils pensent toujours en terme d'amis ou d'ennemis) est très dangereux mais si nous attendons davantage, nous serons en situation d'infériorité, non seulement militairement mais économiquement. Alors pourquoi ne pas jouer notre va-tout sans attendre, même si c'est à la roulette russe (qui soit dit en passant n'a rien de russe mais tout du film hollywoodien type) ? Ce raisonnement ou ce discours est plus que dangereux et complètement irresponsable. Et l'histoire ne parle pas en faveur de la raison ou d'un sens moral minimum du côté de Washington; après tout ce sont les seuls dans toute l'histoire à avoir utilisé l'arme nucléaire contre l'ennemi, qui alors était le méchant Jap. Avec les Américains et d'une manière générale les Anglo-saxons, on peut être certain d'une chose : s'ils ont la possibilité d'employer une arme, et s'ils sont convaincus qu'il n'y aura pas de réponse à la hauteur, ils le feront. La situation est toutefois différente aujourd'hui : les Russes, les Chinois ont eux aussi l'arme nucléaire et dans le cas du premier en plus grand nombre et avec une puissance de feu très supérieure à celle de l'OTAN. Mais le problème est que ces bons raisonnements ne raisonnent que les gens de raison. La preuve est faite depuis un bon moment que les gens de raison ont pour la plupart déserté Washington ou ont été expulsés loin des leviers de commande. Le désespoir commence à être palpable dans le camp du "bien", de "la liberté et de la démocratie" (demandez aux Amérindiens, aux Indiens d'Inde, aux Vietnamiens, aux Yougoslaves, aux Irakiens, aux Lybiens, aux Syriens ce qu'ils pensent de cette merveilleuse démocratie porteuse de liberté). Et le désespoir rend fou et méchant quand vous avez perdu depuis longtemps tout compas moral, quand vous avez été si longtemps habitués au crime de masse en toute impunité. Songez un peu encore une fois si ça n'a pas bien percuté la première fois : la Corée, le Viet-Nam, le Guatemala, Grenade, Timor, une foultitude d'états d'Amérique latine que j'oublie, la défunte Yougoslavie, la défunte Irak, la Syrie (qui résiste), l'Afghanistan et tous ceux qui ont été des victimes par proxys comme le Yemen, la défunte Lybie (là, c'est nous, directement, qui avons commis le massacre tout en apportant liberté et démocratie comme on a pu le voir) ou maintenant l'Ukraine (coup d'état, création d'une armée de mercenaires russophobes (j'inclus les Ukrainiens : l'armée ukrainienne est devenue de facto une légion de mercenaires, grassement payés -- mais l'est-on jamais assez ?-- pour aller se faire massacrer en lieu et place du principal intéressé), persécutions tous azimuts et bombardement incessant des populations civiles russophones du Donbass depuis 2014, le tout entériné et confirmé par les bouches stupides de Merkel et de Hollande encore tout récemment si on gardait le moindre doute)).

Oui, l'avenir pourrait encore être radieux pour l'Humanité à condition que le parti des fous à Washington et son grotesque satellite de Bruxelles ne l'emporte pas. Et ça, ce n'est pas encore gagné. Une lueur d'espoir peut toutefois être entrevue même venue du fond de l'Empire (l'Europe est un cas désespéré, n'en parlons plus) dans de récentes déclarations de militaires haut-gradés qui semblent reconnaître, si on sait lire entre les lignes, que le Pentagone au moins est conscient de l'impossibilité d'une guerre frontale avec la Russie sans risquer des pertes tellement gigantesques (du côté américain bien sûr, les pertes Russes n'ont aucune importance) qu'ils rendraient le troisième reich presque avenant en comparaison pour les futurs livres d'Histoire. Et ça, la publicité, la vitrine, l'image, les Américains y sont immensément sensibles. C'est à peu près le seul guide qui leur reste... avec le pognon mais ça va sans dire.


Deux articles du Postil Magazine très éclairant :

Le premier en relation directe avec l'article ci-dessus, écrit par un Russe vivant en France, certainement un des plus lucides que j'ai pu lire sur la mutation en cours de notre monde.

Le second traitant plus spécifiquement de la guerre en Ukraine avec des précisions indispensables sur les bombardements civils (crimes de guerre) en hausse constante depuis le début de l'année dernière, répertoriés par un organisme occidental et non pas russe comme on pourrait le croire ainsi que les preuves incontestables de l'influence nazie dans l'armée et les partis au pouvoir (en fait le parti dorénavant) en Ukraine.

Et enfin celui-ci de moi.



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