vendredi 23 novembre 2018

10 superbes pochettes pour 10 albums mémorables


1. Dans la grande majorité des cas, les grands albums ont de belles pochettes. Je veux dire qu'elles sont suffisamment esthétiques, attirantes, tout en collant étroitement à la musique qu'elles "illustrent". Je connais pourtant quelques rares exceptions, particulièrement déprimantes pour moi qui aime les belles choses. Je pourrais citer ainsi l'horrible pochette du "Attack" de Magma (1978) avec probablement les plus beaux titres qu'ait jamais écrits Vander, ou le totalement à côté de la plaque "Hats" de The Blue Nile, un des rares disques mémorables pour moi des années 80 (même si comme celui de Magma, je l'ai découvert bien après cette époque) ou encore la très banale et insipide pochette d'Astral Weeks de Van Morrisson, qui est tout sauf banal et insipide. Celle de Kid A réunit au contraire tout ce que j'aime avec au pinceau un bon peintre Stanley Donwood, très inspiré par la musique, et ça n'était pas gagné vu le style musical de l'album. En voyant la pochette, on a déjà un aperçu grandiose de la splendeur glaciale et brûlante de ce disque apocalyptique qui clôt le vingtième siècle.


2. Une photo cette fois mais une très belle photo. Le cadrage, malgré les apparences, est particulièrement judicieux. Le lettrage, tout simple, est également réussi. The Walkmen fait partie de ces groupes, peu nombreux, qui n'ont jamais loupé un seul de leurs albums depuis le premier, déjà très abouti et personnel, Everyone Who Pretended To Like Me Is Gone (2002) jusqu'à leur dernier avant séparation, le bien nommé Heaven (2012). Néanmoins j'ai une petite préférence pour leur quatrième opus, ou cinquième si on compte leur album de reprises,  You And Me (2008). Peut-être justement à cause de la pochette. C'est un des rares albums, peut-être le seul d'ailleurs, que j'ai choisi pour sa pochette, à une époque où j'ignorais tout de ce groupe. Car hélas, il n'est pas difficile de passer à côté des Walkmen, tant leur reconnaissance populaire est sans rapport avec la qualité de leur musique. Et maintenant, c'est trop tard. Cet oubli est incompréhensible quand on le met en contraste avec le succès incroyable du précédent groupe dont la musique peut être qualifiée sans exagération de difficile (au moins pour l'album ci-dessus). La musique des Walkmen n'est pas difficile. Elle est chaude, très chaude même, vibrante, bien écrite et encore mieux jouée (quel guitariste! quel batteur! quel vocaliste!) avec un son original sans être trop déconcertant. Pourquoi sont-ils inconnus est un des mystères de l'industrie musicale.


3. Pour être honnête, ce n'est pas forcément ma pochette préférée des Jack The Ripper. Mais c'est leur  album le plus mémorable, d'assez loin je crois. Et c'est un très joli tableau, signé Machado, collant très bien à leur univers, très sombre, assez sexuel, mais esthétique et plein de l'entrain d'un cabaret du diable. C'est aussi le seul disque de musique française qui figure ici.

4. Il n'y a pas d'ordre de préférence dans ma liste. Cette pochette n'est probablement pas ma préférée des dix mais une fois encore elle fournit une bonne idée de la musique, ou disons de son esprit, et après tout c'est une jolie peinture réalisée par l'artiste lui-même, Don Van Vliet (véritable nom du Captain) à laquelle cette photo ne rend pas vraiment justice. Tout le monde ne connait pas Captain Beefheart. C'est très "arty". Mais avec des tripes. Son titre le plus connu, "Tropical Hot Dog Night" se trouve sur cet album et vous le connaissez peut-être sans le savoir. Certainement sur ce titre le chanteur le plus génial et le plus délirant et le plus effrayant à la fois. Shiny Beast est dans l'ensemble, avec quelques titres plus dispensables, un heureux mélange entre sa veine dadaïste, bruitiste et sa veine folk mélancolique, très américaine, comme la très belle ballade Harry Irene. Si mes souvenirs sont bons, c'est aussi son avant-dernier album; après il abandonnera la musique pour se consacrer à la peinture. Préférer un petit talent de peintre à un grand talent de musicien chanteur est un drôle de choix, difficilement compréhensible à mes yeux. Mais Captain Beefheart avait la réputation d'être un peu fou, pour de vrai, ce qui explique peut-être cela.



5. Ah, celui-là, qui ne le connaît pas ?! Le choix iconographique est vraiment excellent, rendant parfaitement l'impression de menace souterraine, de peur, de noirceur, de puissance dévastatrice qui se dégage de ce disque jointe au côté chromé, métallique et parfaitement huilé de l'instrumentation. Et pourtant, ce n'est qu'un pauvre petit insecte, absolument inoffensif (pour nous). Il fallait avoir l'idée et le talent du photographe.


6. Non, ce n'est pas mon scan qui est flou. J'adore cette pochette où on voit à peu près ce qu'on a envie de voir mais je ne suis pas sûre qu'elle plaira beaucoup. Les Besnard Lakes aiment le flou impressionniste. Moi aussi, dans une certaine mesure. En tout cas, elle correspond tout à fait à la musique évocatrice, envoûtante et mystérieuse de ce groupe. Il y a peut-être bien un ovni caché dans ce paysage si on cherche bien, mais ce qui est sûr est que ces musiciens adorent vous faire planer dans des espaces infinis. Et ils sont drôlement bons pour ça, tout spécialement dans cet album qui est en somme la quintessence de leur style. Pour moi, ce sont les Pink Floyd du XXIe siècle, avec un guitariste, Jace Lazek, qui n'a pas grand chose à envier au grand ancêtre David Gilmour. Pourquoi ils n'en ont pas le dixième de la reconnaissance publique est inexplicable. Peut-être parce qu'ils sont Canadiens. Ou parce que la chanteuse n'est pas sexy? Allez savoir.


7. Encore une superbe photo (oui je sais il y a toujours des filles sur ces photos mais c'est un pur hasard). Malgré le nom du groupe, qui pourrait signifier fille d'Allah, il n'y a ni fille ni bon musulman derrière cette pochette mais une bande d'Américains poilus qui jouent de la musique qu'on pourrait qualifier de folk rock avec surf et lunettes de soleil. C'est dire s'ils sont cools. Cools mais très bons. Et donc trop bons pour être aussi cools qu'ils le paraissent. Je suis sûre que la fille au long cou écoute leurs romances doucement mélancoliques dans son coquillage. Idéal pour les longs voyages en voiture.


8. Mon disque préféré des Doors avec L.A. Woman. Et de très loin leur meilleure pochette. La cause indirecte de cette réussite est le refus de Jim Morrisson de figurer sur la couverture. Le photographe a fait le reste, plus un zeste de chance apparemment. Si les streets performers - certains sont des acteurs - étaient prévus, je n'ai trouvé en revanche mention nulle part du rôle réservée à la femme en robe de chambre, somptueuse, qui ouvre au petit comique. Or, c'est sa présence qui crée le décalage, l'ouverture sur un autre monde, et donc une bonne partie du sel de cette photo. A noter que Morrisson apparaît finalement bien sur la pochette par l'entremise d'une affiche de concert, aussi bien sur le recto que sur le verso (astucieux de la part de la maison de disque).


9. Curieux destin que ce disque. Composé et réalisé (par Geoff Barrows de Portishead) presque 10 ans avant sa sortie en 2014, sortie décidée alors que le groupe s'était séparé. Pourquoi garder dans un tiroir de pareilles pépites ? Décidément l'industrie musicale est un mystère. Jim Skelly est un excellent chanteur auteur compositeur et il est particulièrement inspiré dans cet album. La musique atteint ici un degré d'aboutissement rarement atteint par le groupe.

10. Je ne suis pas fan des portraits d'artistes en guise de pochette. Mais celui-là est justifié. D'abord, c'est une très belle photo, la plus belle que je connaisse de Lhasa de Sela. Elle est tombée malade durant cet enregistrement et est décédée peu après la sortie de l'album, le premier de l'an 2010. Cela se ressent évidemment dans la musique. En bien. Certains titres au début paraissent vraiment austères, arides, mais le chant de Lhasa n'a jamais été plus émouvant. Et elle possède naturellement une des voix féminines les plus émouvantes que je connaisse. Le concours du très talentueux Patrick Watson apporte un plus indéniable à la musique. Cette fois, Lhasa a abandonné les fantaisies, les paroles en français ou en espagnol pour revenir à sa langue maternelle, l'anglais, ou plutôt l'américain.
Un détail insolite pour finir : Lhasa a écrit une chanson en 2003 qui s'intitule "Para el fin del mundo o el año nuevo", soit "Pour la fin du monde ou le nouvel an". Pour elle, la fin de ce monde a eu lieu effectivement le premier de l'an.

Sur Radiohead : ici.

dimanche 18 novembre 2018

Les avantages de l'auto-édition par rapport à l'édition traditionnelle


En lisant ou en entendant parler des écrivains auto-édités, indépendants, des amateurs pourrait-on dire si le terme n’était pas devenu bizarrement si péjoratif, on arrive rapidement à la conclusion qu’ils ne sont « indépendants » que par la force des choses, qu'ils font de nécessité vertu, et qu’à la moindre opportunité se présentant, même douteuse, ils passeraient aussitôt au statut envié de « pros », pieds et poings liés s’il le fallait et même avec la corde au cou. Je vais ici prendre le contre-pied de cette tendance et montrer que dans la jungle sans foi ni loi de l’édition actuelle, rester un écrivain amateur indépendant a de grandes vertus, si grandes en fait que même les inconvénients, nombreux, sont peu de choses comparés à elles.
Qu’est-ce que nous offre une maison d’édition traditionnelle, quels services objectifs réellement utiles pour l’écrivain ?
- Un tri pertinent entre le bon grain et l’ivraie, parmi les auteurs et dans la production d’un auteur, pas toujours le meilleur juge,
- Une collaboration étroite et éclairée avec l’auteur destinée à améliorer encore le manuscrit, si possible (par principe, on dira que c’est presque toujours possible),
- Une correction, une maquette de couverture et une mise en page de qualité professionnelle,
- Un rayonnement grâce à la force de promotion, au carnet d’adresses et au statut plus flatteur attaché à ce mode de publication.
Bien, ceci est vrai dans l’absolu et dans un monde idéal. Mais qu’en est-il dans le monde dans lequel nous vivons ?
Le point numéro 1 est aisé à réfuter : l’abondance des livres médiocres issus de l’édition traditionnelle est accablante ; en fait la difficulté est d’en dénicher un bon, un vrai livre intéressant, mémorable, qu’on n’oublie pas aussitôt la dernière page tournée, si tant est qu’on atteigne la dernière page.
Le point numéro 2 est plus ou moins une blague : la seule collaboration qu’on aura visera le plus souvent à abaisser les critères de l’écrivain pour satisfaire une demande réelle ou supposée du public.
Les points numéro 3 et 4 dépendent énormément de la maison d’édition. Néanmoins, si on est en contrat avec une maison sérieuse, ayant pignon sur rue, on peut en effet attendre des services réels sur ces plans. Dans tous les autres cas, mieux vaut veiller soi-même à la correction, à la mise en page et à la confection de la couverture. Quant à la promotion que peuvent assurer de petites maisons d’édition, que vaut-elle par rapport à celle que peut assurer un géant comme Amazon, pour prendre un exemple qui ne doit rien au hasard ? Seules des maisons d’édition possédant en son sein ou en « partenariat » des prescripteurs et des électeurs auront un impact vraiment significatif sur la diffusion d’un livre. Et ces éditeurs sont peu nombreux. Les électeurs dont je parle sont ceux qui choisissent les livres pour les distributions de prix. Les prescripteurs, pièces encore plus essentielles, sont les critiques capables de prescrire votre livre à des milliers de lecteurs : ils sont eux aussi peu nombreux. Sans prescripteur digne de ce nom, il est impossible de toucher le lectorat auquel pourrait prétendre un livre, quelle que soit sa qualité.
On voit donc que l’édition traditionnelle n’apporte rien ou presque pour les deux premiers points et que seule une petite partie des maisons d’édition est capable d’offrir des services de qualité pour les points 3 et 4. À ce sujet, on peut être stupéfait de voir le nombre de maisons d’éditions existantes en tapotant sur Internet quand on considère l’état de la littérature française. Que diable peut-il les attirer tous là-dedans ? L’argent des lecteurs ? Non, c’est celui des auteurs avant tout, celui qu’ils devraient toucher si ils n’étaient pas en contrat avec un éditeur. C’est la combine habituelle du tiers qui se met entre le producteur (l’écrivain) et le consommateur (le lecteur) en lui ponctionnant la plus grande part des recettes mais qui ne donne aucun service justifiant la dite ponction (et d’après ce que j’ai lu, elle peut être énorme). Avant, c’est-à-dire avant l’avènement de l’édition en ligne, on appelait cela de l’édition à compte d’auteur, ce qui voulait tout dire. En gros, on payait pour fournir un travail, ce qui est un concept tout à fait bizarre et qui ne peut fonctionner que dans des domaines très particuliers comme la littérature. Ces soi-disant éditeurs se sont reconvertis pour essayer de reprendre à leur hameçon tous ces écrivains sans éditeur et rêvant d’en avoir un, en inscrivant sur leur vitrine un joli nom d’éditeur et en proposant en apparence les mêmes contrats que les éditeurs traditionnels, mais en réalité, leur but est simplement de capter les royalties de l’auteur, du moins une grande partie, en s’interposant entre lui et le distributeur, Amazon ou un autre. Avec l’édition à compte d’auteur, vous payiez d'avance pour un service qui n’arrivait jamais ou de si piètre qualité qu’on ne peut plus appeler ça décemment un service ; maintenant vous payez pendant un temps indéterminé pour un service tout aussi douteux. Le procédé est plus long et plus doux mais le résultat est le même.
La perte financière n’est pas le seul ni le principal problème. De façon plus générale, rester amateur peut s’avérer, dans le monde actuel, la dernière possibilité de créer un objet artistiquement satisfaisant. Si vous n’êtes pas tenu par l’objectif de vivre de vos écrits, vous ne vous sentez pas obligés de vous conformer au courant mainstream, au goût du grand public, au goût des éditeurs, etc. Prendre des risques artistiques n'a que très rarement été payant, surtout au début, à toutes les époques. Mais dans certaines, il existait des mécènes éclairés, des personnes vraiment éclairées. Maintenant, le seul mécène qui existe est l’Etat et ce n’est vraiment pas une lumière. À notre époque, je conseillerais à tout écrivain un tant soit peu ambitieux d’avoir un travail rémunéré sans rapport avec le monde littéraire. Cela a un double avantage : celui de garder le contrôle qualité de sa production sans trop se soucier des modes et des tendances et celui de garder le contact avec la vie « réelle ».
Un des pièges de l’écrivain professionnel est en effet de s’enfermer dans sa tour d’ivoire. L’autre est de se trahir pour appâter le lecteur moyen. Le meilleur exemple que je connaisse est l’écrivain américain Gene Wolfe. Il écrit pour l’essentiel de la SF et du fantastique. Durant une quinzaine d’années, il est resté un écrivain amateur, ou disons semi-professionnel (mais bien incapable de subvenir à ses besoins sans ses jobs rémunérateurs d’ingénieur mécanicien puis de rédacteur scientifique). Presque tous les textes qu’il a écrit à cette époque sont remarquables, de par le style, l’imagination, l’originalité, les qualités de narration hors pair. Au début des années 80, il a eu du succès, critique surtout mais aussi populaire, avec son long roman Le Livre Du Nouveau Soleil et a décidé de quitter son job pour devenir écrivain à temps plein, un vrai professionnel qui ne vit que de ses livres. Il s’est produit alors, en quelques années, une évolution désastreuse dans la qualité de ses écrits, en particulier ses romans. Tâchant de se rapprocher des standards associés aux best-sellers, il a changé complètement son style, limé tout ce qui pouvait déranger l’éditeur, tout ce qu'il pouvait y avoir de trop « difficile » pour le lecteur grand public. De façon un peu ahurissante, il a soudain limité son lexique à quelques centaines de mots en usant volontiers un langage très familier. En même temps, la structure de ses histoires s’est relâchée fortement. Et ce n’est pas étonnant car là où il passait des années à reprendre et à peaufiner une histoire, il devait produire et produire encore plus pour faire vivre sa famille. Et tout ça pour quels résultats ? Est-il devenu plus populaire ? Absolument pas. A-t-il vendu plus de livres par titre ? Non plus, au contraire. Aujourd’hui encore, son livre le plus vendu (facile à voir sur Amazon) est celui cité plus haut, un livre que je n’aime pas beaucoup pour plusieurs raisons que je n’exposerais pas ici mais qui, objectivement, a toutes les qualités de sa grande époque : imagination débordante, originalité, style, virtuosité narrative, poésie, ce à quoi il faut ajouter une architecture d’une complexité et d’une grandeur sans équivalent dans le domaine de la SF. Pourquoi a-t-il échoué alors ? Le talent de pasticheur de Wolfe et sa gamme de tonalités ont beau être considérables, il n’a jamais vraiment réussi à contrefaire l’écrivain à best-sellers qu’il rêvait d’être. Il n’est pas Stephen King ou Dan Simmons. Il ne le peut pas et ne le doit pas. Il est bien mieux que ça. En fait, il a dû faire fuir autant de lecteurs anciens qu’il en a obtenus de nouveaux avec sa nouvelle manière d’écrire et ceux-là étaient bien plus fidèles, dans l'ensemble, que ceux-ci. En exagérant à peine, on pourrait dire que Wolfe a fait un pacte avec le diable. Et comme toujours, il s’est fait rouler.
Ma conclusion est qu’il n’aurait jamais dû abandonner son statut d’écrivain amateur. Sans doute y a-t-il d’autres raisons plus personnelles qui expliquent la flagrante diminution de qualité de sa production, des raisons tenant à sa personnalité propre, à un manque de lucidité, à de mauvais choix, à l'âge peut-être, mais il m’est très difficile de croire que la coïncidence des deux événements soit fortuite.
Pour en revenir à notre pays, soyons lucide, si un écrivain n’est pas dans la droite ligne éditoriale de ce qui se vend ou de ce qui est censé se vendre (on peut avoir des doutes quand on voit l’évolution de la littérature française), il n’a aujourd’hui à peu près aucune chance de se voir publier dans une maison d’édition valable (celles qui rendent de vrais services aux auteurs). Et les autres n’ont aucun intérêt. Si on veut produire de bons livres en dehors du mainstream, mieux vaut donc rester son propre éditeur, avec les petites imperfections inévitables qui découlent de l’autoédition, mais qui permettent de garder le contrôle ainsi que les vertus principales de l’écriture : l’imagination, l’originalité, la sincérité.

jeudi 1 novembre 2018

Mes 10 couvertures de livres préférées

The Devil In A Forest de Gene Wolfe dans l'édition américaine d'Orb Books (1996)

   Cette couverture est pour moi la plus emblématique car c'est un des très rares livres que j'ai achetés principalement pour la beauté de leur couverture.
   Ce n'est jamais la seule raison mais dans ce cas, il est certain que je ne l'aurais pas acheté sans la couverture même si j'apprécie beaucoup l'auteur par ailleurs. Je n'aime pas beaucoup les romans historiques ni les romans de fantasy au décor moyenâgeux et ce roman semblait appartenir aux deux catégories si j'en croyais le texte de présentation (mais il ne faut jamais trop les croire). De plus, il était réputé convenir plus particulièrement aux jeunes lecteurs - réputation parfaitement usurpée - catégorie dont je me méfie encore plus.
   A mes yeux, cette couverture est réussie dans le sens où elle est belle, attirante et donne des informations non mensongères sur le contenu du livre (probablement davantage que le texte de présentation). Il s'agit plus d'un roman mystérieux et plutôt réaliste, se déroulant au Moyen-Age avec un jeune villageois vivant une sorte de parcours initiatique que le roman de fantaisie et de sorcellerie débridées que semblait annoncer l'argument de vente. La peinture est belle bien sûr mais elle est surtout en parfaite adéquation avec le roman, le lettrage est également bien choisi et bien disposé.
   Il faut aussi signaler que les belles couvertures dans les éditions anglo-saxonnes sont choses plutôt rare, ce qui donne encore plus de prix à ce livre. Comme on le verra, nous sommes en France et dans l'ensemble bien mieux loti de ce côté.

Les Mystères de Morley Court de Le Fanu aux éditions Phébus (2010)

   A voir mon choix, on pourrait croire que je ne lis que des romans fantastiques. Ce n'est pas le cas. Mais il est certain que le fantastique se prête merveilleusement aux belles couvertures, mystérieuses et évocatrices tout à la fois. Celle-ci est remarquablement évocatrice de l'atmosphère et du décor où se déroule la majorité des histoires fantastiques de Le Fanu. Mais justement, ce roman, pas plus que tous les romans que j'ai pu lire de cet auteur, n'est en fait fantastique. Si vous cherchez de bonnes histoires fantastiques, les meilleures peut-être qu'on ait écrites avec celles de Poe, Maupassant et quelques autres, il faut lire les nouvelles de Le Fanu, pas ses romans. Non qu'ils soient mauvais - ils peuvent être excellents - mais ils sont avant tout des romans à mystères, généralement dépourvus de tout événement qu'un Français tiendrait pour fantastique.


Le pays de la nuit de Hodgson aux éditions Terre de Brume (2015)
   Voici encore une très bonne couverture. Terre de Brume fait d'ailleurs en général des couvertures remarquables, très soignées, avec un très bon choix iconographique, un très beau lettrage. Le Pays de la nuit serait à mon sens le plus beau roman de science-fiction  si tout était à la hauteur de ses premiers chapitres. Je ne connais rien de plus authentiquement mystérieux, de plus radicalement dépaysant, que ces premiers chapitres du roman. Hodgson est un écrivain un peu maladroit, qui parfois même fleure bon l'amateurisme. Mais il a une imagination et une puissance d'évocation, à son sommet, presque sans équivalent. Pas étonnant que Lovecraft qui partage ces qualités et ces défauts l'ait pris pour modèle.

La chose dans les algues de Hodgson aux éditions terre de brume (2007)

   Je n'ai pas résisté à ajouter cet autre livre de Hodgson toujours chez le même éditeur. Superbe couverture à la disposition idéale. Il s'agit cette fois d'un recueil de nouvelles maritimes fantastiques, un croisement étrange entre Melville (Hodgson a été marin comme ce dernier) et Poe, ou plutôt Lovecraft, sauf qu'il a écrit bien avant. Certaines de ces nouvelles sont excellentes comme La voix dans la nuit.

Carmilla de Le Fanu aux éditions Babel (1997)

   Encore Le Fanu. Cet auteur, comme Hodgson, a de toute évidence inspiré les éditeurs et les créateurs de jaquette. En fait, la disposition de la couverture n'est pas si bonne que ça. En revanche, la peinture est superbe, créée pour dirait-on, avec juste la dose de mystère et d'érotisme qu'il faut (beaucoup de mystère, un peu d'érotisme). De tous les titres de Le Fanu, c'est le plus édité et de très loin bien que ce ne soit pas pas, à mon avis, un de ses meilleurs textes. On doit compter une centaine d'éditions différentes dans le monde anglo-saxon et au moins une dizaine en France, surtout si on compte les inclusions dans des anthologies. Et un point commun qu'ont à peu près toutes ces éditions est la hideur de leur couverture. Cette édition-ci, bizarrement, est actuellement introuvable si j'en crois Amazon.

Solaris de Lem aux éditions Faber & Faber (1970)

   Merveilleux roman. Scientifiquement, surtout quant à la partie physique, il ne tient pas la route mais poétiquement, il est immense. La couverture traduit assez bien la poésie quasi abstraite de la planète Solaris. Si vous voulez voir Solaris en film, choisissez la version de Tarkovsky : le film peut sembler long à démarrer mais il capte l'essence du roman et ajoute encore à sa poésie. Personne ne manie une caméra comme Tarkovski et ce qu'il arrive à faire avec est tout simplement incroyable. Le film américain avec Clooney est regardable mais anecdotique, passe complètement à côté de l'essentiel.

Le promontoire du songe de Hugo édité par La République Des Lettres (2013)

   C'est bien pratique quand l'auteur du texte est aussi dessinateur. Hugo était un bon dessinateur. Celui-ci est un de ses meilleurs. Et il colle évidement parfaitement à son titre. Le lettrage, très sobre, est bienvenu, bien disposé.

Traduction d'Une saison en enfer de Rimbaud chez Crescent Moon Publishing (2012)
   
   Là encore, je suis fortement influencé dans mon choix par la beauté de l'iconographie. et peut-être aussi par mon goût pour les couvertures au fond sombre. Le décentrage de la photo me laisse un peu perplexe et donne un drôle d'effet avec le lettrage du haut. Mais bon, cela reste une très belle couverture. Nettement meilleure que toutes les éditions française que j'ai pu voir de l'oeuvre de Rimbaud : soit on a droit à un portrait de l'auteur soit à un gribouillage de je ne sais qui.

William Blake and the age of aquarius chez Princeton University Press (2017)

   Je voulais absolument un livre de Blake dans cette sélection. Blake est le meilleur dessinateur des grands auteurs. Il a fait de merveilleux dessins. Malheureusement, je n'ai pu trouver une édition de ses livres poétiques ayant une belle couverture, ce qui est un comble. Celle-ci est belle mais  appartient à un livre davantage sur Blake que de Blake.







   J'ai terminé par celle-ci, qui, cela ne surprendra pas grand monde, est  une de mes préférées. Après tout, on n'est jamais mieux servi que par soi-même. La peinture est plutôt  ici  un écho poétique au roman qu'une fidèle description. Mais il y a bien une déesse de l'amour dedans, et orientale; la cour représentée pourrait être celle du château du récit; alors pourquoi pas. Quant au sympathique petit animal qui fait l'objet de l'attention de la belle, il est tout à fait dans le ton de l'histoire. Allégoriquement parlant, on pourrait en effet dire qu'il s'agit d'une version contemporaine du conte du crapaud transformé en prince charmant par la magie de l'amour.