vendredi 15 juillet 2022

La Déesse : mélo champêtre ensoleillé ou sombre roman fantastique contemporain


 

  Ce livre rassemble le roman La Déesse et la nouvelle Desseins éternels qui partagent le même univers champêtre et apparemment terre à terre, un certain nombre de personnages ainsi que le thème principal, celui de la quête de l’amour éternel. Tous deux sont fantastiques. Le premier pourrait être qualifié d’allégorie tandis que le second est un récif à clef, le seul que j’ai écrit (vous pouvez lire l’article que je lui ai consacré ici, aussi n'en dirais-je pas plus).
Ce présent article a pour objet le roman La Déesse. J’en avais donné à lire plusieurs versions antérieures, en particulier les versions de 2018 puis de 2020 qui se sont toutes révélées quelque peu insatisfaisantes après un certain temps de décantation. D’une manière générale, La Déesse est sans doute mon récit le plus atypique à ce jour. On peut admettre que je travaille très peu dans l’allégorie, l’étude psychologique, le fantastique champêtre, le mélo, l’histoire d’amour qui finit bien, toutes caractéristiques qui pourraient servir à décrire le roman. Ce n’était pas une volonté de ma part, encore moins un défi que je me serais lancé.
La Déesse est une histoire fantastique à mes yeux mais il est certainement possible de discuter ce point. Le "ou" du titre est d'ailleurs inclusif et non exclusif. Tout dépend de ce que le lecteur entend par fantastique et du poids qu'il accorde à l'ultime paragraphe du livre. Si le fantastique est pour lui, comme souvent chez les Français, l'irruption d'un événement surnaturel dans un cadre réaliste, voire quotidien, irréductible à toute explication naturelle, alors on ne peut certainement pas qualifier l'événement majeur du récit, l'apparition finale de la déesse Anahita, de fantastique. Ce serait plus, en effet, du fantastique dans le sens des récits de Gaston Leroux, où les événement les plus rocambolesques et improbables sont expliqués rationnellement, de façon plus ou moins convaincante. Personnellement, je rétorquerais à cette objection hypothétique que les solutions de Leroux à ses intrigues me semblent à moi bien moins raisonnables et plus fantastiques que s’il s’était contenté de faire appel à la baguette magique d’une bonne fée ou au mystère insondable de la création poétique. Je suis d’ailleurs plus qu’à moitié convaincu que ça fait partie du charme merveilleux du Fauteuil ou du Fantôme.
Mais je ne voudrais pas envoyer mon tout aussi hypothétique lecteur sur une fausse piste : La Déesse n’a pas pour projet d’imiter les imaginatives créations de Gaston Leroux. Car je peux vous dire au moins ce que vous n’y trouverez pas : de la truculence, du baroque endiablé, des rebondissements rocambolesques, du macabre grotesque ou de l’humour noir le plus débridé (et pas toujours à bon escient). En revanche, j’ai certainement été la victime plus ou moins consentante de ces puissantes réminiscences venues de très loin que connaissent tous les écrivains. Ainsi, je me suis aperçu avec une surprise un peu ennuyée en relisant récemment un échantillon de contes de Gogol que la scène au début du roman entre Mansour et le marchand d’antiquité ressemble étrangement à celle qui se trouve dans Le Portrait, nouvelle que je ne me rappelais même plus avoir lue (ce n’est pas la meilleure histoire de Gogol, de loin, ni certainement la plus mémorable, mais comme dans les rêves, ce ne sont pas toujours les événements ou les personnes que vous aimeriez qui s’y retrouvent). De manière plus consciente, je me suis rendu compte à un moment donné que l’idée centrale du roman était plus ou moins celle de Gradiva, la nouvelle de Jensen (très recommandable). Est-ce que ces emprunts sont problématiques ? À mon avis, non. Je doute fortement qu’un lecteur aurait pensé à Gogol ou à Jensen en lisant le roman si je ne l’avais pas averti de ces points communs.
Comme toujours, je ne dis pas grand-chose du background de mon personnage principal. Et Mansour, qui n'est pas porté sur les confidences, n'aide pas beaucoup. Il est donc laissé pas mal à l'imagination du lecteur. Ici, je peux en dire un petit peu plus. Mansour est un étudiant mais un vieil étudiant, une de ces personnes qui n'adorent rien tant que d'étudier, chercher, éventuellement trouver. Probablement a-t-il fait bien d'autres choses avant d'étudier les Beaux-Arts. Il doit avoir une trentaine d'années. C'est un homme simple dans son genre, maître de ses émotions, distant mais entouré, économe de ses mots mais sachant les distiller avec à-propos, qualité très appréciée en société. Les femmes le trouvent habituellement très attirant, peut-être par ses qualités physiques et intellectuelles, mais surtout parce qu’il est absolument indifférent à leurs efforts ou manigances. Chez lui, ce n’est pas une pose, un calcul pour exciter l’esprit de séduction féminin, même si tel est en effet le résultat. Ce n’est pas non plus l’effet d’un penchant secret pour son propre sexe. C’est juste que son esprit est ailleurs. Sans le savoir, il est une sorte de moine laïque, de preux chevalier, l'un des derniers, combattant pour l'art véritable contre les hordes toujours plus nombreuses des Philistins (sans aucune intention d'offenser les Philistins ou même de les critiquer, il s'agit juste d'un constat). Et c’est pourquoi, lorsque son amie russe, Irina, le décrit comme l’homme le plus « tellliblement » romantique qu’elle connaît, elle n’est pas loin de la vérité quoique pour de mauvaises raisons. En réalité, si je comprends bien Mansour, il est plutôt indifférent aux beautés de la nature, de même qu’à celles de l’architecture, comme le montre assez clairement sa curieuse appréciation des paysages solognots (il est certainement presque impossible de trouver une ville ou une campagne dans cette région sans une curiosité digne d’intérêt, ce qui montre précisément son absence d’intérêt) et rares sont chez lui les êtres ou objets qui peuvent lui soutirer de grandes émotions. On sait qu’il n’aime pas non plus le vin ni les alcools forts et que cela n’a rien à voir avec une fidélité à des préceptes religieux. Il n’a vraiment rien pour le rattraper sous cet aspect. Et s’il n’est pas végétarien ou végan, c’est probablement que cela demande une forme de passion qu’il n’a pas. Sa passion exclusive va en effet à des choses et des êtres qui ne sont pas de ce monde. 
Pour toutes ces raisons, il est donc parfaitement mûr pour tomber dans le filet que lui tend la Déesse.
Ce roman peut enfin être rangé dans la catégorie des portraits de femmes. Anahita, sous ses diverses incarnations, en est le vrai protagoniste. C’est pourquoi j’ai jugé qu’il n’était finalement pas très important de faire figurer dans le récit les divers renseignements que je viens de donner sur Mansour. Il est, en somme, un portrait en creux, comme on dit chez les graveurs et donc Anahita, bien sûr, est marquée en plein.

Vous pouvez lire un échantillon du roman à cet endroit ou l'acheter ici.

dimanche 10 juillet 2022

Russie : le géant s'éveille après hibernation

 



    L'image ci-dessus illustre le point de départ très simple de ce bref article. La Russie est un pays, selon nos normes européennes, disproportionné en plus d'être immense. Considérez l'Ukraine, l'Ukraine d'avant le 24 février, que montre cette carte déjà désuète. L'Ukraine semble minuscule; et pourtant c'est, ou plutôt c'était, le plus vaste pays d'Europe si on exclue sa voisine de l'Est. L'échelle spatiale d'un Russe ne peut être celle d'un Français, sans parler d'un Belge ou d'un Maltais (essayez donc de trouver Malte sur cette carte). Si on compare, comme je vais le faire, la Russie à un navire, il faut alors choisir pour la personnifier un paquebot, un super-container ou un supertanker si on apprécie l'allusion à une citation de John Mac Cain qui a prétendu que la Russie est une station service déguisée en nation. Bien sûr, on ne manoeuvre pas un tel géant des mers comme on manoeuvre la felouque française ou le hors-bord des Helvètes, ou plutôt le you-you suisse puisque la rapidité  n'est pas le trait le plus saillant de nos voisins outre-jurassiens à ce qu'on m'a dit. Les questions de logistique, de transport, de communications et toutes les infrastructures allouées sont également sur une toute autre échelle. Arriver à ce qu'une information passe du point A au point B quand ces deux points sont distants de sept ou huit fuseaux horaires et traverse et surtout imprègne des régions aussi différentes culturellement que disons la Russie européenne et les peuples sibériens ou caucasiens (les différences qu'on pourrait trouver entre Bretons et Alsaciens par exemple deviennent alors microscopiques) est une réelle gageure. Donner de la cohérence et une direction à une pareille structure multiplie les problèmes selon une croissance qui n'est certainement pas simplement arithmétique. Les problèmes d'échelles que connaissent nombre d'entreprises quand elles passent de la maquette à la grandeur nature ne sont certainement pas inconnus des Russes, et cela simplement pour que leur Etat fonctionne. Mais la Russie, contrairement aux USA, est un très vieux pays, elle a donc eu largement le temps d'apprendre à gérer ce type d'inconvénients. De plus, de tels poids super lourds démarrent, accélèrent, virent et stoppent en beaucoup plus de temps qu'il n'en faut à de plus petits esquifs (je pense faire tous les synonymes de bateau avant la fin de cet article, s'il dure un peu longtemps). On voit donc que la dimension spatiale de la Russie a pour conséquence une dimension temporelle, ou disons un rythme différent. Tout demande plus de temps. C'est pourquoi les Russes ont appris la patience. La fin de la monarchie peut être datée en France par l'an Un du calendrier révolutionnaire, ou si vous préférez 1789, la fin des tsars n'a eu lieu qu'en 1917;  la tentative communiste n'aura duré, au mieux ou au pire, que cinq ans en France, soixante-quatorze en Russie (URSS). Dorénavant, alors que l'Europe a largement entamé sa longue descente vers les Limbes où elle pourra rêver tout à son aise sur sa splendeur passée avec les Grecs, les Égyptiens ou les Babyloniens, la Russie commence tout juste à s'éveiller, à savourer sa vigueur retrouvée, son triomphe sur les anciens empires de l'Occident. Sa puissance militaire actuelle, qui n'est un sujet de controverse que pour les ignorants et les insensés, n'est pourtant que la prémisse de sa nouvelle puissance économique, politique, culturelle, morale et spirituelle à venir.

De par ce simple fait, l'Histoire va être réécrite, le basculement sera complet et comme la Russie est un géant des mers, que les choses chez elle prennent plus de temps pour se mettre en branle mais durent aussi beaucoup plus longtemps un fois mises en branle,  son ère (aire) sera aussi plus importante.

Pour conclure sur une note plus légère, je note que la récente Opération Militaire Spéciale de la Russie en Ukraine (qu'on peut voir comme une sorte de guerre civile entre Ukrainiens de l'Ouest et Ukrainiens de l'Est ou bien comme le commencement de la troisième guerre mondiale par proxy si on est moins optimiste) et son résultat le plus certain qui est la perte du Donbass et de quelques régions littorales pour l'Ukraine (de l'ouest) rendra de facto à notre pays le titre glorieux de plus grand pays d'Europe. Ce nouveau record sera d'autant plus facilement homologué par tous les instituts de statistiques et de correction politique que les nouvelles mappemondes figurant sur nos prochains manuels scolaires de géographie ou d'Histoire revisités par nos commissaires politiques représenteront La Russie comme un vaste espace blanc, sans nom, nouvelle terra incognita livrée aux féroces ours blancs et à la banquise, disparue corps et biens à l'image de son drapeau qui dans toutes les manifestations officielles occidentales est représenté dorénavant par un rectangle blanc, comme vous avez dû le remarquer. Mais bien sûr, sur cette carte, l'Europe ne s'appellera plus Europe mais Oceania, juste la pointe la plus orientale d'Oceania, en vérité presque insignifiante.

Autres articles parlant de la Russie nouvelle vue de l'Ouest : ici et .

samedi 2 juillet 2022

Sept Cercles De L’Enfer : Livres II, III et VI version "de luxe"

 

Peinture pour la couverture du livre

Ce volume agrémenté d'une dizaine de mes illustrations, comme la peinture montrée plus haut, rassemble toutes les novellas de la série Sept Cercles De L’Enfer qui comprend quatre romans de tailles inégales et donc ces trois novellas. Chaque livre de la série est conçu pour pouvoir être lu séparément. Il n’y a pas de continuité de l’intrigue, des personnages, du cadre et de l’époque de l’action au travers des différents tomes, seulement une récurrence dans le thème général, celui du cercle infernal, qu’il soit spatial ou temporel. Les livres sont numérotés selon leur ordre de publication, ordre généralement indépendant de la volonté de l’auteur, sans considérations d’ordre de lecture préférentiel (excepté pour le septième et dernier cercle qui voit le cercle se briser et devrait donc, si on aime les fins qui se terminent bien, être lu en dernier). Dans le cadre de cette présentation, il nous a donc paru licite d'ordonner les livres chronologiquement, de commencer donc par le premier écrit et terminer par le plus récent, qui est aussi l'avant-dernier de la série, paru en 2022, mais libre au lecteur de commencer par le livre de son choix.

Kólassy, la naufragée de l’espace, est la version personnelle de l’auteur, selon ses propres mots, du Pays De La Nuit de W. H. Hodgson, ce « plus grand roman raté de la littérature de l’imaginaire ». C’est à coup sûr l’histoire la plus dépaysante des trois, située dans le plus lointain futur. Il n’y a pas de cité pyramidale comme dans le roman de l’Anglais mais l’épave d’un immense vaisseau aux voiles d’or qui semble de toute évidence plus apte à utiliser les vents solaires pour traverser le cosmos qu’à voguer sur les flots. Néanmoins, à cette époque éloignée, la distinction semble s’être effacée et l’héroïne du récit, une fois remise de son amnésie, se considère comme une sorte de matelot. Comme dans le Pays De La Nuit, on trouvera ici beaucoup de monstres épouvantables, un étrange sauveur muet au pouvoir fantastique et une histoire d’amour romantique transcendant l’espace et le temps, et même, semblerait-il à bien y regarder, la barrière des espèces.

Outreterre se situe à des années lumières de la Terre, plus probablement à des dizaines, et donc dans un futur assez lointain selon toutes vraisemblances. De pareils voyages spatiaux sont terriblement risqués, il va sans dire, quel que soit l’avancement technologique des voyageurs, car on n’a aucune raison de supposer compte tenu de notre expérience passée que la psychologie humaine évoluera beaucoup. Ces voyages seront en effet presque certainement des billets aller simple et en tout cas d’une durée très excessive pour la psyché d’un humain. Et le pire est qu’il est impossible d’être assuré qu’au bout du compte on tombera sur la bonne planète, l’idéale, la seule pouvant accueillir la vie, le tirage parfait au sein d’un milliard de milliard de combinaisons possibles. Un tout petit hic dans n’importe quel paramètre et la vallée d’abondance se transforme en désert plus aride que l’Antarctique, le rêve se change en cauchemar et le paradis en enfer. Ici, l’élément fantastique, très inhabituel dans le cadre de la science-fiction dure, est une fée. Eh oui, elle possède même ce qui ressemble à une baguette magique !

Jeu de Mort est des trois textes le plus ouvertement fantastique, même si la première solution de cette intrigue semble pouvoir appartenir à la science-fiction. D’une manière générale, On trouvera toujours une dimension fantastique dans ces textes, à savoir au moins un événement de l’intrigue ne rentrant pas dans le cadre de la « Science » ni dans celui, plus large, de la raison, même dans une époque future lointaine, censément être beaucoup plus avancée que la nôtre, et permettant donc en principe un certain nombre de libertés narratives. L’époque ici est approximativement la nôtre et L’ODI (Objet D’Intérêt) a l’apparence d’une grande coquille semi sphérique apparue un beau matin au bord de la mer par une nuit très sombre. Toutes les hypothèses sont envisagées par les agents gouvernementaux autorisés qui enquêtent sur l’événement jusqu’au jour où un inconnu, qui se fait appeler Mordor, entre en contact, réclamant de parler au Chef de l’État, son Excellence Tommy. Et il semble en effet que ce soi-disant Mordor, habitant ou créateur de l’ODI, ait un goût très vif pour les flammes, virtuelles ou non, et soit très doué pour souffler le chaud et le froid.

Le livre est disponible ici, en version brochée pour le moment, grand format.