samedi 12 octobre 2024

Sanctions, sanctions, sanctions et autre inepties Eurozonées

 

Usine géante de traitement du bois dans le merveilleux pays du Père Noël (on me dit qu'ils y croient) 

    Parmi les milliers de sanctions prises contre la Russie, il en est une qui a attiré particulièrement ma sympathie, sans doute parce que la sylviculture est ma principale (et à peu près seule) compétence, quoiqu’à dire vrai très loin derrière l’écriture, et aussi parce qu’on peut y trouver toutes les marques inimitables du ‘travail’ toujours inspiré de la Commission Européenne (CE). Depuis l’été 2022, les heureux pays de l’Euro zone, parfois appelés les Zonards, ont en effet le devoir de n’importer aucun produit bois de Russie. Très peu notée en France, puisque le secteur bois y est plutôt un boulet et qu’il est très difficile de faire la part de l’effet des sanctions de l’inefficience ordinaire régnant ici, elle a été très fortement ressentie dans un autre grand pays de ce club chanceux qu’on appelle l’UE, un pays très forestier, c’est-à-dire où le poids du secteur forestier est considérable dans l’économie nationale, surtout si on la considère depuis l’amont jusqu’à l’aval (de la fabrication de la tronçonneuse jusqu’à la grume brute, ou plutôt l’inverse) un pays boisé pour plus de 70% de sa surface, un pays qui commence par un F et finit par un e… et non ce n’est donc pas la France.

Bien, grâce à ma phrase serpentine, vous avez eu le temps de réfléchir et de deviner que ce pays en question est la Finlande. La Finlande dispose, comme je l’ai dit, de ressources forestières considérables par rapport à sa taille, très modeste. Néanmoins ce qui est encore plus considérable, c’est sa capacité de production qui excède de loin sa ressource domestique disponible. Ah, mais comment est-ce possible ?! En effet, une des lois les moins mystérieuses de la sylviculture est de ne pas couper plus de bois que ce que les forêts produisent si vous ne voulez pas rapidement vous retrouver à sec. Et quand une forêt nordique est à sec, c’est pour très très longtemps (les arbres mettent en effet beaucoup, beaucoup plus de temps à pousser que, disons, en Guyane).

D’abord, précisons quelques points utiles pour la compréhension de cet article. Comme les Français sont bien placés pour le comprendre, le volume de bois disponible n’est pas du tout égal au volume de bois existant dans un pays. Une partie plus ou moins grande est de fait indisponible, c’est-à-dire en fait non rentable, soit en raison de reliefs trop escarpés, soit en raison de terrains trop marécageux, soit tout simplement parce que les essences disponibles dans ces forêts n’ont pas vraiment d’intérêt économique (en dehors d’un petit usage local en bois de feu et autres menus produits de sorcellerie en vogue) et vous avez alors tout à fait raison de me donner l’exemple de nos forêts méditerranéennes. La Finlande n’est pas dans le cas de la France. Bénéficiant d’une platitude à peu près parfaite, ses forêts de type taïga (ce qui n’est jamais qu’un mot d’une langue barbare pour dire… forêt) sont intégralement peuplées par trois essences principales toutes d’un grand intérêt économique (là-bas, pas forcément chez nous) : l’épicéa, le pin, le bouleau. En dehors des marécages, le pays ne présente pas de difficultés d’exploitation. Ainsi donc ce pays a la très rare chance d’avoir la double particularité de posséder un ratio surface boisée/surface totale et un ratio surface boisée exploitable/surface boisée totale tous deux tournant autour de 2/3, ce qui est énorme, surtout pour un pays soi-disant riche. En fait, même si je n’ai pas vérifié ce point, je ne serais pas étonné que la Finlande soit le pays au monde qui possède le ratio de surface de bois exploitable/surface totale le plus élevé au monde. Et ne me parlez pas des forêts équatoriales, type Guyanes, dont le même ratio est ridiculement faible. En chiffres absolus, on estime que la surface boisée totale de la Finlande est de 26 millions d’hectares pour une surface disponible de17 millions, dernier chiffre qui est exactement la surface boisée ‘totale’ de la France. Et comme les forestiers finnois sont des roublards (mais rassurez-vous, nous faisons la même chose ici), ils se sont assurés que la majeure part de leurs forêts protégées (donc sans aucune coupe) se situe précisément dans la partie marécageuse ou en lisière de toundra, de toute façon inexploitable.

Eh bien malgré tous ces avantages, la Finlande a néanmoins besoin d’importer de grandes quantités de bois, soit sous forme de grumes entières, soit sous forme de sciages, soit sous forme de bois de feu (pour faire divers combustibles que vous utilisez peut-être sans le savoir), pour faire tourner leurs scieries et usines de traitements du produit bois. Et c’est de la bonne économie. Un des meilleurs moyens connus de s’enrichir rapidement est de faire venir des matières peu ou pas transformées pour obtenir une forte valeur ajoutée avant de revendre les produits finis. La France rêve depuis longtemps de le faire sans jamais y être parvenue (dans le secteur bois, c’est principalement la lointaine Chine qui nous rend ce ‘service’ inestimable). Il suffit d’en avoir la capacité industrielle et il se trouve que la Finlande l’a.

Donc, il n’y a pas si longtemps, la Finlande importait des volumes industriels de bois russe (puisque la Russie possède tout de même 800000000 ha de surface forestière, oui, vous avez bien lu : huit cents millions d’hectares boisés selon la définition internationale d’une surface boisée, soit une quinzaine de France ou une grosse vingtaine de Finlande mises bout à bout, en faisait des produits à plus haute valeur ajoutée et les revendait. Un très bon deal pour le pays scandinave, comme on voit. À la suite de la décision de la CE, les industriels finlandais pourtant habitués à la créativité sans égale de nos législateurs Eurozonés se sont retrouvés avec le choix simple suivant : soit trouver des fournisseurs de rechange, soit réduire fortement leurs capacités de production. Faire venir du bois de pays tiers non-sujets à cette sanction comme la Turquie ou la Chine qui continuent évidemment d’importer du bois russe était trop cher puisque chaque intermédiaire prend sa commission au passage, d’autant plus élevée quand on sait que l’acheteur est coincé, aux abois ; quant aux voisins scandinaves qui ont eux aussi un peu de taïga, ils ne voulaient ni ne pouvaient de toute manière fournir dans les quantités demandées. La première solution s’étant donc avérée impossible, je vous laisse deviner le temps d’un autre paragraphe instructif quelle a été leur décision.

Je rappelle dans ce paragraphe à toute fin utile que le but de la sanction de l’Euro zone est en principe d’affaiblir davantage l’économie russe que celles des heureux pays membres du club des 27. Les résultats de l’opération antirusse se sont soldés fin 2023 (et ce n’est que le début) par le bilan suivant : en l’espace d’un an, on a assisté à la diminution d’un tiers, au minimum, des importations de la Finlande, ce qui naturellement induit une diminution correspondante dans sa production de planches, charpentes, pâtes et autre produits dérivés dont la plus grande partie était destinée à l’exportation ; cette diminution sur le marché induit à son tour une explosion des prix du produit bois, en particulier les produits vendus par la Finlande, comme on a pu s’apercevoir très récemment en France (mais naturellement, aucun officiel n’a fait le lien entre cette brusque hausse et l’opération antirusse). Exactement dans le même laps de temps, un an au plus, la Russie a non seulement retrouvé son niveau d’exportation d’avant 2022 mais l’a augmenté et pas de l’épaisseur d’une brindille, hein, de 30% : il lui a suffit pour cela de rediriger ses exportations vers d’autres pays demandeurs (et ceux-ci ne manquent jamais pour des produits basiques) : Turquie, Egypte, Kazakhstan, Kirghizstan, EAU, Corée du Sud (celle-là, bon toutou pourtant, n’a pas dû recevoir le mémo de Washington) et bien sûr Chine. Actuellement, les revenus de la Russie liés au bois sont en hausse d’un tiers par rapport à 2021, dernière année avant sanction, pour une balance commerciale nette positive de 8,4 milliards de dollars en 2023 et la tendance est à la hausse rapide pour 2024, chiffre à comparer, par exemple et au hasard, avec le déficit chronique de la filière bois française qui a atteint 9,5 milliards d’euros en 2022 (je n’ai pas les chiffres de 2023, inévitablement horribles).

Ce retour de boomerang peut être retrouvé dans pratiquement n’importe quel autre secteur où la CE a sévi avec ses innombrables sanctions antirusses. Le résultat est toujours le même. Et bien que le résultat soit toujours le même, le processus est sans cesse renouvelé, dans l’espoir sans cesse différé mais jamais éteint que la même cause ait enfin un effet différent. J’aurais pu si j’avais le temps et je ne l’ai pas, je ne l’ai plus, prendre le merveilleux exemple de la sanction visant les compagnies aériennes russes où la seule lecture d’une carte, la simple connaissance la plus basique de la géographie de l’hémisphère Nord aurait dû faire comprendre aux inégalables cerveaux en charge de nous guider sur la voie du bien, de la justice et de la vertu que la sanction ne pouvait que se retourner contre leurs propres compagnies aériennes et favoriser indûment toutes celles qui peuvent continuer à traverser l’espace aérien russe (hé oui, c’est grand la Russie, 9 ou 10 fuseaux horaires, cela en fait du chemin en plus pour la contourner !) : c’est de la géopolitique à la portée d’un enfant de six ans jouant dans une cour de récréation.

C’est un secret de polichinelle pour quiconque veut bien se débrancher un moment de la Matrice, que les décisions de la CE sont inspirées, voire fortement soufflées par Washington, tout spécialement concernant les sanctions antirusses. Ces sanctions ne sont en effet pas trop impactantes pour notre grand ami de l’Ouest, d’autant moins qu’il est le premier à ne pas les appliquer quand ça l’arrange (l’an passé, les USA ont encore importé pour 1,5 milliard de dollars de bois russe pour ne parler que de ce sujet). Le problème pour l’Europe est qu’elle n’a ni la situation géographique ni les ressources de son grand ami pour pouvoir se livrer à ce type de chantage sur la Russie. C’est elle qui dépend vitalement de la Russie et pas l’inverse (elle est la seule à ne pas le savoir). En plus de sa pauvreté en ressources, elle est en cours de désindustrialisation rapide (ayons une pensée émue pour la grande baisée d’outre Rhin) et maintenant commence à boire la tasse du côté de l’agriculture (et pas seulement à cause d’une météo défavorable). Et cela continue. En effet, on m’annonce que ces sanctions qui ont eu de si puissants effets (quoique dans le sens inverse du mouvement appliqué) vont être implémentés contre cette fois… la Chine, sous forme de barrières douanières. Ah ! un vrai coup de maître cette fois. Ainsi l’UE au comble de sa puissance devenue incommensurable va s’attaquer à la première puissance industrielle mondiale (et de très loin) sur le terrain… industriel. C’est exactement ce qu’elle a fait avec la Russie sur le terrain des matières premières où celle-ci est sans rivale. Je le répète : même un enfant en primaire sorti de la cour de récré sait que cela ne peut que très mal se terminer quand un nain attaque un géant : c’est une simple question de connaître l’équilibre des forces et ce n’est vraiment pas difficile de le savoir dans ce cas. Tous ces effets des sanctions, qui vont du minable au catastrophique avec une moyenne tirant plutôt nettement vers le dernier que le premier, et l’obstination à persister dans le schéma perdant, indique un découplage à peu près total du réel de la CE et des autres politiciens en charge de cette (minuscule) partie du monde. On a affaire à des gens plongés dans la Matrice et qui ne veulent surtout pas être débranchés. Mieux, tout leur travail, comme celui de l’agent Smith de la Matrice, est de s’assurer que tout le reste du bon peuple (bon peuple : novlangue pour ramassis à base d’abruti et d’idiot congénital) reste sagement branché, absorbant avec délectation le monde fantastique mais rassurant que leur présente leur petit, moyen ou grand écran. Il faut bien réaliser ceci : dans notre Océania, les politiciens comme les gens des médias au service de l’oligarchie au pouvoir sont tous des agents Smith, pas Winston hein, juste Smith, rien de plus et rien de moins.

Au sommet de sa gloire, qui n’est éloignée que de quelques années, le secteur bois de la Finlande employait 15% des travailleurs industriels du pays, contribuait pour 18% de sa production industrielle et pour 20% de ses exportations en euros. Il est inutile de dire que cette époque est dans un passé révolu et ce ne sont pas les derniers événements en cours qui peuvent inciter à l’optimisme pour les prochaines décennies ou le prochain siècle… s’il y en a un. En avril de cette année, Merikarvia, une des plus grosses scieries du pays mettait la clef sous la porte, l’usine de pâte à papier Joutseno licenciait à tour de bras, le tout nouveau port à sec de Kouvola, qui avait coûté des dizaines de millions d’euros, se retrouvait… à sec, après avoir fonctionné seulement six mois.

Et ce n’est que le commencement.

À bientôt… peut-être. 


Autres articles sur le grand basculement en cours : ici et .


dimanche 22 septembre 2024

Le parti de l’Extrême-Cintre—Marx, un soixante-huitard très précoce—Les quatre cavaliers de l’Eurocalypse

    

    Comme on peut le deviner au titre hétéroclite, cet article est en fait un florilège de nos réflexions géniales, certes, mais pour une fois très modestes et sans grand lien entre elles. Ceci n’est donc pas un article, pour paraphraser Magritte.

    Le parti de l’Extrême-Cintre
    Le parti Centriste, en politique, peut se définir par le fait qu’il vise toujours le cadre (le but comme on dit chez les footballeurs). Ce sont des gens de bon sens puisqu’il est incontestable que si on veut marquer des buts, il faut viser à l’intérieur du cadre. Ou pour le dire autrement, on ne peut espérer marquer si on tire à côté ou trop haut. Néanmoins, l’excès de bons sens chez des gens qu’on pourrait appeler les Extrêmes-Centristes fait qu’ils visent toujours le centre du but, ni à gauche ni à droite ni en haut ni en bas, c’est-à-dire qu’ils visent là où se trouve généralement positionné le gardien. Notez qu’ils ne visent pas l’espace situé entre ses jambes, ce qui fait souvent mouche, mais bien à mi-hauteur, en pleine poitrine. Si on ajoute ce fait à l’absence totale de surprise qui les caractérise, il ne faut pas s’étonner que les Centristes marquent rarement de but. Toutefois, leur bon sens a raison sur un point : si le gardien se troue (chose rare à se niveau) ou s’il est parti momentanément à la buvette et que le but est vide, alors ils vont marquer.
    Macron, Von Der Layen et leurs semblables ainsi que que tous leurs prédécesseurs — et on peut remonter au moins jusqu’à Chirac et ses dream teams consécutives — sont réputés appartenir au camp du Centre. On se demande bien pourquoi. En effet leurs politiques se distinguent précisément par le fait qu’elles sont à peu hermétiques à tout bon sens. Ce sont des gens qui non seulement visent en dehors du cadre, trop haut ou à côté, mais réussissent bien souvent à tirer dans leur propre but. Il faut admettre que leurs actions sont parfois, souvent en fait, absolument spectaculaires, des lobs parfaitement dosés sur leur propre gardien, des retournées depuis le milieu du terrain, des coups de billards si savants que même les calculs des supercalculateurs échouent à les reproduire, des trajectoires de boomerang qu’on croirait physiquement impossibles avant de les avoir vues. Comme tout spectateur de foot le sait, les buts les plus beaux, les plus incroyables, les plus prodigieux sont des buts contre son camp. Néanmoins, comme ces buts prodigieux sont comptés pour l’adversaire, cela leur enlève beaucoup d’intérêt, surtout si on est supporter de l’équipe qui marque régulièrement ces buts contre son camp. On pourrait même qualifier ces rois de l’inversion d’insensés et ce sans aucune exagération. C’est pourquoi nous proposons d’appeler dorénavant le parti unique de Macron, Von Der Layen, Scholz, Starmer et Cie le parti des Extrêmes-Cintrés.

    Marx, un soixante-huitard très précoce
    Le soixante-huitard type se caractérise par son état d’éternel étudiant, son absence de goût et de compétence pour le travail, je veux dire le vrai travail qui produit quelque chose de concret au bout du compte, et son absolue conviction qu’il peut et doit néanmoins apprendre la vie à ceux qui travaillent pour de vrai. C’est un donneur de leçon né. Enseigner la classe laborieuse, grâce à leur longue expérience de l’étude du travail, tel est le but général de ces grands allergiques au travail. Marx répond parfaitement à cette description qu’on résume souvent sous le terme évidemment laudateur de bourgeois bohème, bobo pour les intimes. Il avait seulement un gros siècle d’avance sur tout le monde. Marx n’a jamais franchi le seuil d’une usine, même en tant que visiteur, et encore moins — faut-il le préciser — en tant que travailleur. Il n’a jamais fréquenté ni de près ni de loin un spécimen d’humanité pouvant rentrer dans la case prolétaire ; sa seule connaissance avérée du sujet lui a été fournie par ses lectures de Proudhon. Cela ne l’a nullement empêché de passer l’essentiel de sa vie à prêcher pour la classe laborieuse, à enseigner quelle politique, quelle économie sont bonnes pour elle. Marx est l’archétype du philosophe du pont dunette qui parle de (et non pas à) l’homme du fond de la cale. Il est aussi une sorte de reflet inversé de Rousseau, qui tout aussi bizarrement, et plus masochistement, s’était mis dans la tête d’enseigner la vie à la grande bourgeoisie et à la noblesse, lui qui était pourtant indéniablement fils de travailleur et qui est resté prolétaire jusqu’au bout (car lorsque vous prenez le même prix à la page pour vos essais philosophiques que pour vos copies de partition musicales, le vrai métier de Rousseau, on peut dire que vous êtes un écrivain prolétaire). Le trait commun de ces deux philosophes politiciens est qu’ils enseignent tout particulièrement les sujets pour lesquels ils n’ont justement aucune pratique reconnue, le travail pour l’un, l’éducation des enfants pour l’autre, et en plus à des gens qu’ils connaissent très mal ou pas du tout. Notre conseil de prudence : ne prenez les bonnes paroles des gens concernant des sujets où ils n’ont pas de ‘skin in the game’ qu’avec les plus longues pincettes.
    Bien, voilà qui est dit, mais nous n’en avons pas encore tout à fait terminé avec Marx. Pour les raisons que nous venons d’énoncer trop lapidairement, Marx est un génial usurpateur en politique, en économie, et peut-être même en Histoire. Il n’est pas le seul qui a connu ce succès bien mérité. Toujours chez les Allemands, Nietzsche est lui le génial usurpateur de la philosophie mondiale. Et Freud, grand analyste littéraire nous dit-on, est le génial usurpateur dans le domaine de la médecine. Avec Darwin, autre usurpateur grandiose de la science, nous obtenons les quatre cavaliers de l’Eurocalypse actuelle. Cela leur a pris un peu de temps pour répandre leur vague en ondes concentriques de plus en plus en plus grandes et transformer la culture et la société européenne en champ de ruine mais ils sont maintenant sur le point d’accomplir leur glorieuse mission. Bravo à eux. Nous tenions à les féliciter, nous qui sommes pour une forte réduction des populations, surtout de celles qui travaillent, et donc des gaz sataniques afférents.

    PIB, l’indic aux tuyaux pourris.
    Dernièrement, nous écoutions une émission où un jeune agent de la Matrice, branché et cloué a vie sur son fauteuil probablement troué (on espère pour lui) interviewait Alasdair Macleod. Macleod est Britannique, ce qui en général est un mauvais point, pire encore s’il est Ecossais, mais qui lorsqu’on cause de finances au niveau international (et non de vos économies sous votre matelas dont nous nous contrefoutons) est un gros avantage vu que personne ne peut mieux connaître les rouages de la finance mondialisée que ceux qui en sont à l’origine. C’est toujours la même histoire : si vous voulez un vrai bon flic, embauchez un ancien gangster ; si vous voulez un vrai bon ami des bêtes, embauchez un ancien braconnier ; si vous voulez un vrai connaisseur en capitalisme sans foi ni loi, embauchez un ancien banquier anglo-saxon. Macleod ne paie pas de mine, surtout comparé à son jeune interviewer qui semble sorti d’un salon de beauté : il est vieux, il n’a plus guère de cheveux, il a un gros nez rouge qui sent l’alcoolique non repenti et il est à peu près aussi beau que Mister Magoo. Mais c’est quelqu’un qui a appris à réfléchir il y a sans doute des décennies de cela et qui a gardé le bon réflexe. De plus, comme je le sous-entendais, c’est un ancien banquier, un ancien trader aussi, c’est dire qu’il réunit toutes les compétences du gangster financier international. Eh bien dans cette émission, il expliquait en termes simples comment et pourquoi le PIB est devenu une mesure pour le moins inadéquate, une simple fiction, mais une fiction très utile pour le monde occidental. Le PIB nominal est l’indicateur préféré de ces économistes agents de la Matrice que vous pouvez régulièrement apercevoir dans votre écran TV (le PIB par parité de pouvoir d’achat est un peu mieux mais on continue d’ajouter des vides avec des pleins comme si les vides étaient des pleins). Cela se comprend car il permet à ces doctes escrocs de vous assurer qu’un vide est un plein, qu’une soustraction est une addition, qu’un signe moins est un signe plus. En gros, Macleod estime qu’on peut égaler la taille du PIB d’un pays occidental à la quantité de dettes ou de crédits qu’il détient. Et comme ces crédits ne sont nullement alloués à des investissements productifs mais servent à augmenter encore plus de dépenses improductives et enfler toujours davantage les cours de la Bourse pour le (gigantesque) bénéfice de quelques-uns, son rapport avec la puissance économique réelle d’un pays est dangereusement proche de zéro. Par puissance économique réelle, il faut entendre tout ce qui sert à produire un bien matériel ou intellectuel utile à la société. Basiquement, il s’agit de l’agriculture (sans quoi il n’est même pas utile de discuter du reste), de l’extraction de matières premières (le fait de posséder des matières premières n’a aucun intérêt si elles ne sont pas extraites et tous les pays ne sont pas capables d’extraire leurs matières premières — suivez notre regard), de la production d’énergie, de la production industrielle et enfin de la capacité militaire. Certains à l’esprit plus fin que nous avanceraient même que le dernier indicateur suffit puisqu’il implique les quatre autres. De même, il n’est pas utile de rajouter dans ce calcul les poids des infrastructures, de l’Administration, de l’Éducation (en réalité, Instruction serait plus correct) ou de la Santé puisque ces domaines sont nécessairement impliqués par les cinq premiers (les guerres sont souvent à l’origine des plus grands progrès en médecine). L’idée que l’on peut atteindre un grand savoir-faire technologique sans médecine ou instruction de niveau comparable est une fantaisie scénaristique digne de ‘La Guerre des Mondes’, où des extraterrestres capables de voyager à travers la galaxie et possédant des armes surpuissantes ignorent qu’il existe des vilaines bêtes microscopiques porteuses de maladies, en particulier pour les organismes étrangers. D’une certaine manière, on peut dire que la guerre est l’étalon ultime pour mesurer les vraies forces d’une nation (ou d’une planète dans le cas du roman de Wells), de son économie, de ses liens sociaux, de ses politiques, de sa population, de sa culture. Il est évidemment dommage qu’il faille en arriver là pour remettre les pendules à l’heure mais il semble que ce soit le seul moyen efficace en ce bas monde.

    Le ‘peak oil’ que personne n’a vu venir.
    Nous disions ci-dessus que le premier pilier d’une économie était l’agriculture. En effet, il n’est pas utile, je pense, de démontrer cette affirmation que si vous avez le ventre vide, toutes les autres questions deviennent quelque peu futiles et pour tout dire inintéressantes. On nous prédit depuis au moins un demi-siècle le peak oil pour nos sociétés très gourmandes en énergie, de préférence bon marché, et il n’y a pas d’énergie en ce monde plus idéale que le pétrole. Son surnom d’or noir est absolument mérité. Nous aimons dire d’ailleurs que le pétrole est la huitième merveille de l’univers, juste un peu après l’eau. Eh bien ce peak oil sans cesse annoncé n’a pas eu lieu. En revanche un ‘peak oil’ qui n’a pas été annoncé et qui est bel et bien arrivé, dans l’indifférence quasi générale, tout du moins des médias de la Matrice, est celui de l’agriculture. Notre agriculture, à nous les ‘riches’, pas celle du Sud Global qui semble loin de l’avoir atteint. Peut-être avez-vous entendu parler des ‘petits’ problèmes qu’ont rencontrés les agriculteurs français cette année, ce qui les rend très tristes, nous voulons dire un peu plus que d’habitude. Peut-être, sûrement, vous a-t-on dit que c’était de la faute de la météo exécrable, ou plutôt en novlangue, la faute du dérèglement climatique. Et certes la météo pluvieuse de cette année (depuis la mi-octobre 2023 en fait) a été très préjudiciable pour les céréaliers en particulier mais ce n’est que le catalyseur d’un phénomène en cours beaucoup plus vaste et beaucoup plus durable. Tous les pays occidentaux, y compris les USA, sont en train de voir leur production totale ou leurs exportations en volume de dollars ou même les deux, diminuer régulièrement depuis quelques années. Et ce n’est que le début. Nous parions que tous les secteurs de l’agriculture vont être impactés dans les années qui viennent : céréales, oléagineuses, maraîchage, vergers, élevages, lait, viande, œufs. La météo ou le climat n’aura rien à voir avec le phénomène, si ce n’est d’atténuer ou d’accélérer la tendance selon les années (qui se suivent et ne se ressemblent pas). Et naturellement, les fermes vont fermer. Dans dix ans, nous, habitants de la France, pays d’agriculture s’il en est, devrons acheter à l’étranger les produits de base pour nourrir la totalité de la population. Ou bien nous revendrons nos terres arables à des étrangers, ce qui revient peu ou prou au même. Cela s’est passé et cela continue à se passer en Ukraine aujourd’hui. Vous croyiez que c’est une spécificité de ces slaves si demeurés ? alors repensez-y.

    Un grand pas pour la planète
    Comme notre sous-titre l’insinue, nous allons conclure ce pot-pourri de nos commentaires actuels et inactuels par un peu de prospective science-fictionnesque mais à peine. Nous devons avouer que nous avons été bien aidé par la dernière idée géniale de nos grands amis des services secrets israéliens pour réduire les populations à la taille congrue, à savoir diviser ces dites populations par dix, puisque, rappelons-le pour ceux qui n’auraient toujours pas appris par cœur notre manifeste, tel est le but premier de l’Homocidaire engagé et éco-responsable. L’idée de piéger des milliers de téléphone portable est évidemment géniale dans cette optique. Bien sûr il ne faut pas se contenter d’appliquer cette mesure contrer les méchants Palestiniens ou les méchants Libanais ou les méchants Syriens, bref les méchants arabes ; il faut évidemment étendre cette mesure de Justice aux méchants Perses, aux méchants Chinois, aux méchants Russes, aux méchants Cubains, aux méchants Vénézuéliens, aux méchants Brésiliens, aux méchants Nigériens, aux méchants Maliens, aux méchants Turcs, aux méchants Indonésiens, aux méchants Guatémaltèques et pour faire bonne mesure aux Indiens (ceux d’Inde), même s’ils ne sont pas aussi méchants que les autres, de sorte que nous devons arriver non loin de 90% de la population mondiale, ce qui est le but final. Pour mieux atteindre ce noble objectif (et plus rapidement) nous conseillons d’étendre ce dispositif à d’autres appareils munis de batteries comme les postes TV, les PC ou Mac (nous ne sommes pas sectaires), les tronçonneuses électriques, les machines à laver, les postes de radio, les brosses à dent électriques, les machines à calculer et bien sûr les voitures, bus et camions, électriques ou pas. Notons que les téléphones et les ordinateurs sont particulièrement intéressant parce qu'il est certainement possible de les programmer pour déclencher l'étincelle fatale lorsque des paroles non sanctifiées par la Matrice sont prononcées ou écrites par leur intermédiaire, ce qui permettrait en plus un tri souhaitable entre le bon grain et l'ivraie (toujours beaucoup plus nombreuse) Nous ne voyons qu’un petit défaut dans le procédé mais tout à fait véniel. En effet, il serait possible que des méchants pas encore morts aient l’idée très méchante de copier cette merveilleuse innovation (comme ils ne font que copier nos belles 
idées) et nous retournent le cadeau.
    La moralité de cette histoire est évidente, à savoir que nous avons bien raison de ne toujours pas posséder à ce jour de téléphone portable personnel.

Un autre pot pourri, sans ironie : ici.


vendredi 6 septembre 2024

Les grands maîtres du fantastique : Poe, Le Fanu, Maupassant, Borges

'L'île des morts' de Böklin, version III

    En guise d’introduction à ce court essai, je vais d’abord paradoxalement dire un mot des auteurs célèbres ou pas que j’ai exclus, après plus ou moins d’atermoiements, de cette liste des grands maîtres du fantastique. La première raison de cette exclusion et la plus évidente est que je n’ai évidemment pas lu tous les bons auteurs fantastiques qui existent de par le monde, même si je pense avoir fait à peu près le tour de que notre littérature occidentale a proposé de mieux dans le genre. Le processus de sélection a été à peine moins rapide concernant Tolkien, ce qui peut surprendre, puisque je n’ai jamais réussi à lire plus du quart d’un de ses romans. Quoique d’un style plus agréable pour mes goûts, je n’ai guère été plus loin avec CS Lewis et son Narnia. Il est plus que probable que ce sont des auteurs extraordinaires pour des enfants ou pour des ados éventuellement mais il se trouve que je parle ici des maîtres de la littérature adulte.
    Par « grand maître », j’entends un auteur ayant principalement œuvré dans le domaine qui non seulement est particulièrement intéressant mais qui aussi écrit particulièrement bien, dont les meilleurs textes atteignent une force qui ne le cède en rien aux meilleurs auteurs de littérature générale. Ce sont des écrivains qui ont un sens inné du mot et de la phrase, du rythme et de la sonorité justes, qui les font chanter ou qui leur donnent la froideur acérée d’un couteau. Disons-le donc simplement : le principal critère qui m’a servi à dégager ces quatre-là et seulement eux du gros de la troupe est que ce sont tous des littérateurs fantastiques, au sens premier du terme, on pourrait aussi dire merveilleux. Ce critère m’a fait éliminer presque d’emblée Hodgson et Lovecraft, malgré leur qualité unique et le fait que je les apprécie d’un point de vue plus personnel, à cause de leurs aptitudes littéraires de second ou même troisième ordre. Machen est lui un littérateur admirable en revanche mais je ne trouve pas l’intensité, ou le niveau d’intérêt dans sa production, qui pourrait en faire un auteur de premier plan. J’ai également écarté Hoffmann, mais de peu, pour un mélange des deux raisons ; disons qu’il est brouillon quand il est le plus intéressant et qu’il est moins intéressant quand il écrit le mieux (par exemple son conte ‘Le marchand de sable’. Cependant, les quatre premières parties des « Élixirs du diable » méritent absolument d’être lues pour leur originalité, leur ton parfois dostoïevskien avant l’heure, tout à fait étrange dans le cadre de cette espèce d’opéra sabbatique. James écrit admirablement bien lui aussi mais ses meilleurs textes dit fantastiques ne le sont pas vraiment selon moi, y compris « Le tour d’écrou ». Personnellement, je classe ce livre, de même que le remarquable ‘La bête dans la jungle’ dans le genre ‘études des psychoses ordinaires et extraordinaires’ ; c’est également le cas du ‘Double’ de Dostoïevski. Avec Kafka et Gogol, j’ai presque toujours l’impression de lire quelque sorte d’allégorie ou de fable satirique plutôt qu’un récit fantastique au sens français du terme (« l’irruption de l’inadmissible dans le cours inaltérable de la légalité quotidienne »). C’est encore plus flagrant dans les cas de ces monstres littéraires que sont Dante, Cervantès et Melville. Wells tire quant à lui trop sur la science-fiction. Pour Stevenson, dont j’apprécie pourtant beaucoup Olalla Des Montagnes, sauf la confession finale qui sonne aussi faux qu’un dialogue de Flaubert, je n’ai pas d’autre raison que mon arbitraire. Enfin, j’ai écarté Gene Wolfe à regret mais il faut laisser le temps à la postérité de faire son œuvre avant de l’intégrer dans un palmarès de grands maîtres : dans un demi-siècle, si ce monde existe encore, on en reparlera…

    Pour changer, je vais remonter le temps et donc commencer par le dernier né, Borges. Certains pourraient arguer que l’Argentin est tout aussi allégorique que Kafka dans une bonne part de ses textes et je me suis fait d’ailleurs cette réflexion (comme c’est bizarre !) avant de la balayer devant l’évidence : quand je lis les meilleurs récits de cet auteur, contenus dans ses deux premiers recueils, ‘Fictions’ et ‘L’aleph’, leur qualité et leur ambiance fantastique ne me laissent aucun doute. En fait, la personnalité incroyablement glacée et hautaine, disons-le surnaturelle, de son narrateur-auteur suffit selon moi à ranger tous ses premiers textes dans le rayon fantastique. J’irai même jusqu’à affirmer que le seul personnage de fiction réussi de toute la carrière littéraire de Borges est ce personnage de l’auteur invisible, en partie fictionnel, qui donne ce halo surnaturel aux deux recueils cités. Le sentiment le plus fort dans la majorité de ces textes est la haine, en particulier dans le premier recueil, sentiment peu présentable dans la bonne société, que Borges masque donc habilement sous les dehors de l’érudition la plus savante et du dilettantisme dandy. Je recommande la lecture intégrale de ce recueil malgré les nombreux fruits empoisonnés de belladone qu’il contient : c’est une expérience sans pareille. Un antidote pour les lecteurs les plus atteints, les nauséeux et les migraineux, se trouvera facilement dans les romans les plus mélodramatiques de Dickens, ou éventuellement, ceux de Miss Austen. En revanche, une forte contre-indication thérapeutique est la lecture de Lolita ou de tout autre livre de Nabokov après ou en même temps que ces deux recueils de nouvelles : ce serait ajouter le mal au mal et il n’y a rien d’homéopathique dans ces doses-là.
Outre le recueil Fictions, je recommande chaudement du même auteur la première et la dernière nouvelle du recueil suivant, L’Aleph. Toutes les fictions postérieures sont dispensables, mais bégnines et sans grand danger. Parmi les autres réussites de l’auteur, mais on n’est plus dans le fantastique, je citerai « Le Livre des Préfaces » ainsi que « Une Histoire de l’Infamie ».

    J’ai consacré un article à Maupassant ici. Je ne reviendrai pas trop donc sur le Horla, son chef d’œuvre, qui d’ailleurs tire plus selon moi sur la science-fiction que le fantastique. Je sais qu’il est traditionnel de minorer l’aspect fantastique d’une part importante de l’œuvre de cet auteur, importante au moins sur le plan de la qualité, et d’exagérer son aspect relevant de la psychiatrie. Il y a un courant d’interprétations qui font en effet de ses meilleurs récits fantastiques un simple symptôme de l’aliénation mentale du narrateur. Dans ce cadre d’idées, tout ce qui est surnaturel dans ces récits serait en en fait des délires de fou. Et il est très probable que Maupassant a joué là-dessus pour créer un malaise chez le lecteur due à l’ambiguïté. Néanmoins, outre que ça n’a pas grand intérêt, on trouve presque à chaque fois un caractère objectif aux visions ou mésaventures du protagoniste de ces récits, même lorsqu’il en est le narrateur, qui en font à mon avis de vrais textes fantastiques. On peut, à mon avis, expliquer rationnement tous les événements mystérieux du Tour d’Écrou de James par la maladie mentale de la protagoniste mais c’est beaucoup plus difficile pour les textes fantastiques de Maupassant. Et je répète ce que j’ai dit ailleurs* : le fait incontestable que l’auteur a terminé sa vie irrémédiablement fou n’est pas la preuve que ses protagonistes le soient. Il y a un abîme entre la folie clinique et l’état mental assez banal de ses personnages.
La qualité qui saute le plus aux yeux de ces textes, souvent parmi les meilleurs de l’auteur, est, paradoxalement, le naturel. En fait le terme de naturaliste colle bien mieux à Maupassant qu’à Zola ou à Flaubert. Ce n’est pas seulement le type de récits et de personnages qui donnent cette ambiance mais le style même, tellement plus naturel (et disons-le talentueux) que celui de ses deux confrères. Quant à ses qualités de conteur, elles sont très supérieures également aux deux cités. Sa capacité à évoquer tout un monde en quelques lignes est d’ailleurs sans égal chez les romanciers et nouvellistes francophones. Naturellement, quand vous avez un tel don, pourquoi écrire de gros romans ? Pourquoi écrire des romans tout court ? Maupassant a dû se poser la question bien des fois. Mais évidemment, il y a toujours une bonne raison pour ça : pour l’argent, la reconnaissance, la gloire, etc. C’est un point commun qu’il partage avec l’auteur précédent, ce goût et cette capacité à la concision, de même que sa virtuosité stylistique. C’est à peu près les seuls d’ailleurs, le monde de Maupassant étant diamétralement opposé à celui de l’Argentin, qui, comme on sait, détestait tout ce qui ressemblait à de la psychologie, à du réalisme, sans parler de naturalisme.
Les meilleurs récits fantastiques de Maupassant sont faciles à trouver, réunis presque sans faute dans diverses compilations : ‘Le Horla’, ‘Qui Sait ?’, ‘La Nuit’, ‘La Chevelure’, ‘Lui ?’, ‘Apparition’, ‘L’auberge’.

    Le seul lien tangible que je peux trouver entre l’écrivain français et l’auteur suivant, Le Fanu, est la nouvelle plus mineure de Maupassant, intitulée La Main (faisant elle-même suite à un premier essai sans doute moyennement concluant aux yeux de l’auteur, intitulé La Main d’Écorché) dont l’argument est clairement repris d’un conte fantastique inclus dans le roman de Le Fanu ‘La Maison Près Du Cimetière’ (ce conte, excellent et terrible, a aussi inspiré la nouvelle fameuse de William Harvey ‘La Bête À Cinq Doigts’). On pourrait aussi noter chez ces deux auteurs un certain goût commun pour les choses de la nature, dans leurs notations précises révélant une réelle connaissance du terrain, mais chez l’Irlandais, l’ambiance est nettement plus brumeuse et romantique sinon victorienne.
Le Fanu n’est pas l’écrivain anglophone de fantaisies typique. Contrairement à l’immense majorité de ses pairs, il est bien plus focalisé sur les personnages que sur l’intrigue. Et cette caractéristique lui vaut aussi bien des chefs d’œuvre aussi peu contestables que ‘L’Oncle Silas’ que des demi-ratages comme ‘The Evil Guest’, pas traduit en français à ma connaissance, ou de longs textes plutôt dépourvus d’événements comme ‘Le Baronnet Hanté’. Mais dénué d’événements ou à demi-raté ne veut pas dire inintéressant. En fait ces deux derniers textes sont très intéressants et personnellement, je mettrai certainement le second parmi les plus marquants de l’auteur. Ceci dit, Le Fanu est aussi l’auteur de romans ou de novellas fourmillant d’intrigues et de coups de théâtre. Le roman déjà cité ‘La Maison Près du Cimetière’, hors norme et rétif à toute classification, en contient à profusion et une année de la vie de la malheureuse héroïne de ‘L’Oncle Silas’ comprend plus de mésaventures que toute une vie du quidam moyen. C’est aussi vrai du protagoniste malchanceux de ‘La Chambre Du Dragon Volant’, dont le récit se déroule en quelques jours. Tous les textes que je viens de citer sont excellents. Néanmoins ce n’est pas ici que l’inspiration de cet auteur est la plus centrale, si je puis dire. Les récits les plus personnels de Le Fanu, souvent les plus émouvants, pour une raison assez mystérieuse, sont des récits de fantômes ou de revenants. Ce thème apparemment cher aux Irlandais semble assez mince à première vue mais chez cet auteur, il prend une diversité de formes et atteint parfois une intensité digne des plus grands écrivains. Un vampire est à coup sûr une sorte de revenant et donc le célèbre Carmilla fait partie de ces réussites.
Le Fanu est encore plus atypique pour un écrivain anglophone dans sa prédilection pour les personnages féminins et l’exactitude de leur rendu. On peut à cet égard le comparer sans exagération à James. Le fait qu’il n’ait eu que des filles en tant que père n’y est probablement pas pour rien mais ne suffit pas à expliquer la qualité et le charme de personnages plus mûrs comme la gouvernante française d’Oncle Silas, Madame Crowl, ainsi que nombre de personnages contenus dans Le Baronet Hanté.
Contrairement aux deux écrivains précédents, Le Fanu n’est pas moins à l’aise sur les longues distances que sur les courtes et il est l’auteur d’excellents romans, comme les deux que j’ai déjà cités. Leur seul défaut, si on peut dire, est que ce ne sont pas des livres fantastiques mais des « mystery novels », un genre anglo-saxon très victorien qui n’a pas d’équivalent exact en langue française (même les romans de Gaston Leroux et ses disciples sont différents dans la forme comme dans le fond). Ses grandes qualités stylistiques se remarquent autant dans sa narration que dans ses dialogues, particulièrement brillants dans La maison près du cimetière, qui ont de toute évidence inspiré son compatriote Joyce pour son fameux monologue d’Ulysse (tout le livre, ou du moins la grande partie que j’ai lue, est un monologue géant).
Néanmoins, si je ne devais garder qu’un seul livre de cet auteur, ce serait ‘Les Créatures Du Miroir’, traduction libre de ‘In A Glass Darkly’, un recueil de novellas publié un an avant sa mort. Tous les textes contenus dedans sont remarquables. Ils présentent de plus une palette très large des talents littéraires de l’auteur, que ce soit le récit un peu sec, presque naturaliste de ‘Thé Vert’ ou du ‘Familier’, les aventures échevelées de ‘La Chambre Du Dragon Volant’, l’univers poétique boschien, très haut en couleurs donc, du ‘Juge Harbottle’ ou le gothique flamboyant teinté d’érotisme de ‘Carmilla’.
Les autres récits non encore cités de Le Fanu que je ferais rentrer dans un best of sont ‘Shalken Le Peintre’, ‘Le Mystérieux Locataire’ (bien que ce soit clairement un récit de jeunesse) à ne surtout pas confondre avec ‘The Evil Guest’, ‘Le Fantôme De Madame Crowl’, ‘Le Marché De Sir Dominick’ et ‘Le Sacristain Mort’. En revanche, malgré ma prédilection, je n’inclurais pas ‘Le Baronet Hanté’, qui semble très peu fait pour le goût moderne.

    Des quatre, Edgar Poe est le plus complet des auteurs fantastiques. Il aura pratiqué tous les tons, tous les sous-genres du fantastique. Il aura aussi largement dépassé les frontières du genre. En fait, ce qu’on range maintenant dans ses prétendus contes fantastiques peut être divisé en quatre genres au minimum : l’enquête plus ou moins policière, le conte ou l’aventure épouvantable, l’allégorie, le grotesque (pour reprendre la dénomination de Beaudelaire).
Des histoires d’enquête, celles où le héros doit résoudre une énigme, je vais dire tout de suite laquelle est ma préférée et en fait la seule que je rangerais parmi les chefs d’œuvre de l’auteur, bien qu’elle soit rangée ordinairement dans les articles de non-fiction : c’est "Maelzel's Chess Player". Selon moi, il s'agit d'un des meilleurs contes de Poe et à coup sûr la meilleure enquête policière, la plus convaincante, la plus impressionnante que j'ai lue sous sa plume. Je ne dois pas être le seul car Gene Wolfe a repris l'idée pour en faire une nouvelle de fantasy ou de SF (j'hésite encore) intitulée "The marvellous Brass Chessplaying Automaton", très bien écrite et distrayante mais quelque peu inférieure à la sèche démonstration de l’originale. J’ai toujours aussi du plaisir à relire ‘The Gold-bug’. En revanche, je ne suis pas fan de Dupin. On pourra me dire certainement avec raison qu’il est le précurseur de tous les célèbres héros détectives qui viendront après lui, cela ne les rend pas plus crédibles. Même ‘The Purloined Letter’, la meilleure de ses histoires et la mieux écrite, me laisse dubitatif. Poe ignore visiblement ou veut ignorer comment fonctionne véritablement la police. Cette absence complet de réalisme n’était sans doute pas un problème pour le lecteur du début du dix-neuvième siècle, c’en est devenu un pour le lecteur moderne. Ce genre qui a peut-être plus contribué que tout autre à sa célébrité, au moins dans les manuels d’histoire littéraire, est d’ailleurs le moins représenté dans son œuvre, pas plus d’une demi-douzaine de nouvelles sur un total de soixante-treize, ce qui signifie peut-être qu’il n’était pas essentiel dans l’esprit de Poe.
Les contes allégoriques et/ou métaphysiques sont des contes où l’essentiel est plus ou moins caché et où le lecteur doit faire un effort s’il veut en tirer toute la substantifique moelle. Ce ne sont évidemment pas les plus populaires de l’auteur. On peut dire que Poe est aussi un précurseur pour ce genre de contes qui verra plus tard œuvrer à l’intérieur des gens de grande qualité comme Dunsany, Borges ou plus récemment Gene Wolfe. On peut citer ‘The Masque Of The Red Death’, ‘The Fall Of The House Of Usher’ ou ‘William Wilson’. Ce genre exige la concision et le format court si on ne veut pas abandonner le lecteur en route et il se trreouve que Poe n’est jamais aussi bon que lorsqu’il est concis et bref. Ma préférée dans le genre, de loin, est ‘Ligeia’ : c’est ce que Gérard De Nerval aurait voulu écrire, je crois bien, mais sans jamais y réussir, faute de concision sans doute mais surtout d’efficacité narrative.
Le genre dans lequel Poe a le plus œuvré au final est le grotesque, dans lequel je range ses nouvelles humoristiques ou satiriques. Curieusement, c’est le genre pour lequel il est le moins connu. C’est bien dommage car Poe est un des conteurs les plus drôles qui soient ; à peu près toutes les gammes de l’humour sont à son répertoire, du canular à la satire féroce en passant par la farce simple et le loufoque le plus débridé. Difficile de citer toutes ses réussites dans le genre tant elles sont nombreuses mais je ressortirais plus spécialement ‘Never Bet The Devil Your Head’, ‘Why The Little Frenchman Wears His Hand In A Sling’, ‘How to Write A Blackwood Article’ ou ‘The System Of Doctor Tarr And Professor Fether’.
Néanmoins, là où Poe donne son meilleur, ce qui se traduit par une agréable simplification de son style (qui parfois tend vers la préciosité) est le conte ou l’aventure horrifiante. Son texte le plus long, qu’on le qualifie de longue novella ou de court roman, ‘Narrative Of A Gordon Pym’, est un mélange d’aventures horrifiantes (très horrifiantes même, tant Poe se plait à empiler toutes les horreurs imaginables dans le cadre d’un voyage clandestin en bateau). Le narrateur parvient même à être enterré vivant, ce qui sur un bateau, tient de la malchance la plus insigne. Les derniers chapitres, les plus révérés à juste titre, ceux où le héros entre dans le pays du géant blanc, appartient plus à ce que j’ai nommé le conte métaphysique ou allégorique. Toutefois, le texte souffre à mon avis premièrement de sa longueur excessive, secondement d’un parti pris bizarre de Poe, qui nous délivre tous les dialogues sous forme indirecte. Sur la longueur d’une nouvelle assez courte, cela peut passer mais pas sur la longueur d’un roman. De plus, comme je l’ai laissé entendre, il y a un empilement d’anecdotes toutes plus horribles les unes que les autres qui lasse un peu. Pour les histoires de vaisseaux fantômes, par exemple, William Hope Hodgson est nettement plus convaincant.
C’est donc sous la forme de ses histoires courtes, qui sont aussi ses plus effrayantes, que Poe a donné ses plus grands chef d’œuvre de fiction puisque la grandeur en art n’est pas proportionnelle au nombre de pages (je le rappelle à toutes fins utiles) : ‘The tell-tale Heart’, ‘The Black Cat’, ‘The Pit And The Pendulum’.

Autre article sur Le Fanu: ici.

dimanche 18 août 2024

Kursk : l'Opération Euh... de Volodomyr Z, son coup de génie testamentaire

Colorée en bleu: "positions" ukrainienne,vers le 10/08; en rouge: position armée russe; cercle blanc: centrale nucléaire de Koursk


    Encore un coup de génie de ce genre et il n’y aura plus d’armée ukrainienne.
    Cet article est pour ainsi dire la continuation logique de mon précédent sur le même sujet (voir ici) où je me demandais ce que les Otasuniens allaient nous concocter dans leur guerre par proxy contre la Russie : des négociations imminentes ou la guerre éternelle. Eh bien, l’option A vient d’être repoussée aux calendes grecques. 
    Néanmoins, l’option B n’est pas envisageable. Si le but avait été d’accélérer l’éradication des dernières forces vives de l’armée kiévienne, je ne vois pas ce que les Otasuniens auraient pu décider de mieux, mis à part peut-être attaquer de nouveau la Crimée avec fanfares, fantassins et matériels lourds. Pour un bénéfice très faible et de courte durée, et pour la joie extatique (mais également de courte durée) des commentateurs encartés à Télé Propaganda, l’Etat-Major russe tout ébaubi de sa chance incroyable est en train d’assister (dans tous les sens du terme) à la destruction minutieuse et méthodique de plus beaux fleurons de l’armée ennemie : soldats d’élite, Himars, tanks Challenger (c’était donc pour ça qu’ils les réservaient !), système Patriot, Iris-T, des milliards qui partent en fumée chaque jour. J’ai lu quelque part (oui, je lis aussi) que c’était un vrai bonheur pour l’Occident de voir cette opération si bien menée, de main de maître, si bien combinée avec tous ces commandos surentraînés, tous ces blindés dernier cri, tous ces canons, tous ces missiles, tous ces drones, tous ces satellites pareils à l’œil du Mordor filant dans l’espace inaccessible. Et c’est vrai qu’ils ont envoyé tout le gratin de l’armée, tout l’équipement high-teck : Hourah ! Quel spectacle ! Quelle réussite ! Bravo !Les Russes qui se donnaient tant de mal ces derniers mois pour aller chercher les soldats ukrainiens au fond de leurs trous, pour repérer les armements de prix de l’Otasunie le long de ce front immense, ont vu soudain tout cela débouler dans leur cour, sous leurs yeux ébahis, pour leur servir de cible à peu près aussi facile que dans un ball-trap.
    Ah oui, ils ont été surpris, les Russes : quelle créativité tout de même chez ces Otasuniens ! La population du sud de la région de Koursk n’a pas autant apprécié l’insouciance des autorités, quelque peu répréhensible de leur point de vue et on les comprends bien. Mais mettez-vous aussi à la place d’un général, d’un maréchal, des gens qui sont rarement réputés pour être de grands sentimentaux : quelle aubaine incroyable ! quel cas de figure idéal ! On vous rassemble ici dans un petit périmètre, essentiellement composés de forêts, de marécages et de minuscules villages, donc relativement désert, toute la crème de l’armée mercenaire pour être détruite ou au mieux emmené pour exhibition à Moscou. Mettez vous à leur place aussi. Ils cachent leur joie en public, certes, par décence, mais ils sabrent le champagne dès qu’ils ont fermé la porte de leur casemate.
    On me dit qu’il y avait bien un but stratégique à cette Opération Euh*. Ou peut-être deux. Ou même trois (ça dépend des jours). Examinons ça. Le premier aurait été de divertir (dans tous les sens, je crois) les forces russes occupées alors comme aujourd’hui à décimer au sens moderne du terme les mercenaires otasuniens du côté du Donbass. Est-ce possible ? Il y a un point sur lequel au moins l’OTAN a incontestablement une supériorité et c’est le renseignement aérien, satellitaire. Ils savent que l’armée russe a des centaines de milliers d’hommes en réserve, prêt au combat, dans la région de l’Ukraine ou pas très loin et ils auraient eu l’idée fantastique que l’envoi de quelques milliers de soldats en excursion vers Koursk allait forcer l’Etat-Major adverse à dépeupler le front du Donbass ? Ils auraient enlevé encore quelques brigades du Donbass où, disons-le clairement, leurs affaires vont de mal en pis, pour cette opération ? Pour défendre dix village et une bourgade de cinq mille habitants qui avaient de toute façon pour la plupart déserté le coin bien avant. Ils prennent les généraux russes pour des enfants de chœur ou quoi ? Non, pour croire ça, il faudrait admettre que les chefs militaires otasuniens vivent eux aussi dans la Matrice, dans un univers virtuel, et je ne le crois pas. La guerre a tendance à vous remettre les idées en place si vous ne les avez plus, à vous mettre dans le concret pour ne pas dire un vilain mot, au ras des pâquerettes, quand il reste de pâquerettes. Le second objectif invoqué serait de s’emparer de la centrale nucléaire de Koursk (en fait située à l’ouest de Koursk, effectivement dans la direction prises par les forces otasuniennes au tout début de l’Opération, voir la carte ci-dessus) afin de procurer à l’état mercenaire de Kiev un meilleur rapport de force dans l’optique de négociations futures. J’aurais tendance à le croire davantage en effet, faute de meilleures explications. Mais alors imaginons que la bande de mercenaires payés et armés par nos pays ait capturé la centrale : c’était quoi la suite du scénario ? Un chantage à base de nucléaire ? Dangereux, non ? Peut-être même cinglé, digne du cerveau du docteur Folamour !?
    Bon, je n’ai pas parlé de l’objectif numéro 3 parce qu’il tient plus de la fantaisie hollywoodienne, matrixienne en fait, totalement découplée de la réalité : renverser (encore !) Poutine en montrant à son bon peuple (novlangue pour ramassis à base d’abruti et d’idiot congénital) quel incapable il est en plus d’être un voleur d’enfants (hé oui, c’est le chef d’inculpation officiel qui lui a été trouvé).
Reste enfin l’objectif le plus probable et de loin, qui lui n’a rien de stratégique, jamais avoué mais toujours présent : faire la une des journaux durant quelques jours, quelques semaines, alimenter encore et toujours la machine énorme, dévoreuse d’âmes, la Matrice.
    Cet épisode estival me conforte dans l’idée que nos gouvernants, ou les oligarques qui les possèdent, ne sont en-dessous de rien. Eux aussi sont clairement dans la Matrice. Et dans la Matrice, on ne craint rien bien sûr puisqu’on sait que tout peut être arrangé par un agent Smith. Le problème c’est que la guerre nucléaire, elle, sera bien réelle.
    Décidément, les étés sont terribles pour Zelensky, sa bande de mercenaires et l’armée de zombies qu’ils envoient manu militari — c’est le cas de le dire — au casse-pipe. Après la contre-offensive de l’an passé, on a droit à l’offensive de Koursk, qui, je le prédis sans grand risque, ne finira pas mieux et probablement pire.
    Je vais maintenant devoir faire un effort considérable pour me mettre dans le cerveau de l’Etat-major de Kiev, en supposant que l’Ukraine soit un état souverain et que cet Etat-major ait gardé de la compétence, ce qui est beaucoup supposer, puisque la corruption, le seul fait d’être payé par une puissance étrangère vous ôte la possibilité même de la compétence. Mais essayons quand même. Réfléchissons sérieusement une minute, ou deux peut-être, à ce qu’un tel Etat-Major devrait avoir pour objectif vu la situation sur le terrain et les forces en présence. 
    Les forces russes ont annoncé qu’elles pratiquaient une guerre d’attrition, qui consiste à privilégier la destruction de l’armée ennemie (hommes et équipements, usines militaires, infrastructures pouvant servir à la logistique, etc.) sur le gain de territoires. Et c’est bien ce que nous observons : elle fait ce qu’elle dit. Les petits gains territoriaux réguliers que les forces ennemies obtiennent dans le Donbass sont pour ainsi dire des effets secondaire de leur médication : forcément quand il n’y a plus d’adversaire en face de vous, il faut bien avancer pour continuer les opérations d’attrition. Et pourquoi les Russes ont-ils choisi l’attrition (après une brève mais fructueuse guerre de manœuvre au tout début de l’Opération Militaire Spéciale) ? Parce qu’ils sont sûrs de la gagner et que cela économise en même temps leurs propres forces. Vous ne pouvez gagner une guerre d’attrition contre un adversaire possédant une population beaucoup plus grande, une puissance logistique supérieure qui découle d’une industrie militaire et d’une industrie tout court plus élevée d’un ordre de magnitude. C’est impossible. Même avec toute l’aide de l’OTAN, même si l’OTAN nous envoyait tout le nec plus ultra de ses armements merveilleux, cela resterait impossible. Stratégiquement, nous avons déjà perdu la guerre. Nous, l’Etat-major ukrainien le savons, même si nous sommes corrompus, même si nous sommes incompétents. L’Etat-major de l’Otan le sait lui aussi même s’il est corrompu, même s’il est incompétent. Les idiots de l’UE ou de Washington l’ignorent peut-être, ils vivent dans la Matrice, mais nous, militaires, nous le savons. Nous devrions donc adopter une stratégie adaptée, visant à ne jamais mettre notre armée en position où la guerre d’attrition que mène l’adversaire — qui est du genre méthodique et minutieux — est facilitée. En gros, nous devrions nous abstenir de toute opération offensive d’importance. Si vous attaquez, vous sortez de votre zone de sécurité, de vos fortifications, vous vous exposez, vous faites le jeu de votre adversaire qui n’attend que ça. (Je ne suis pas en train de sous-entendre que L’offensive de Koursk est un piège tendu par les Russes — c’est impossible en la circonstance, pour des raisons politiques (et non militaires) — mais que l’Etat-major russe a bien vu et saisi une opportunité encore plus belle que les précédentes). Nous savons aussi, pour les mêmes raisons indiquées plus haut, que nous ne reprendrons ni la Crimée ni les quatre oblasts réclamés par Moscou. C’est impossible, militairement et politiquement. La bonne stratégie pour nous est donc de nous efforcer de conserver le maximum de ce qui peut l’être encore, à savoir, pourquoi pas toute l’Ukraine hormis les cinq régions citées. C’est le mieux que nous pouvons espérer. 
    Je suis d’accord (évidement) avec tout ce qui vient d’être dit par nos grands chefs ukrainiens. On peut penser en effet que la Russie s’arrêtera si ses objectifs territoriaux annoncés sont remplis. Je doute beaucoup que les Russes aient envie de continuer la guerre ‘éternelle’ promise par certains occidentaux tranquillement assis dans leur canapé. La bonne stratégie, pour l’Ukraine, est donc d’économiser au maximum ses forces, ses meilleures unités, ses meilleures armes en se retranchant et en reculant petit à petit, car ce recul progressif est inévitable dans cette guerre d’attrition déséquilibrée, de façon à garder au maximum un pouvoir de dissuasion, c’est-à-dire la capacité de faire passer l’envie à l’ennemi de continuer le combat. Je suis convaincu que si l’Ukraine faisait cela, et elle le fait par séquences, mais sans esprit de suite, la Russie serait beaucoup plus encline à négocier et à se contenter si on ose dire des quatre régions déjà citées en matière de gains territoriaux.
    Mais voilà dans l’ensemble, l’armée ukrainienne fait tout le contraire. Sans doute qu’il est très difficile de se résigner à une stratégie perdante mais il est clair qu’on a ici d’autres raisons bien plus saumâtres, à chercher du côté de l’argent. Par ses actions inconsidérées, insensées du point de vue militaire, visiblement des opérations comm’, elle ne fait que hâter l’attrition, elle ne fait que hâter sa propre fin : la vraie, cette fois, où il ne reste plus qu’un champ de ruines autour de soi et une signature à apposer au bas d’un document qui porte en haut le très gros mot de reddition.
    L’Ukraine gaspille ses chances les unes après les autres de se conserver un futur, plus modeste dans ses limites certes, mais enfin un futur. Et plus elle s’enferre dans des buts inaccessibles, plus elle perd. Elle le sait. Il est impossible que L’Etat-major à Kiev (ou ailleurs, dans quelque bunker profondément enterré) ne le sache pas. Mais elle est tellement corrompue, tellement pourrie que ce savoir n’a plus aucune importance. Ses maîtres tout aussi corrompus n’ont aucun intérêt pour elle, juste le mépris habituel d’un pourri envers un autre pourri : ils la pousseront toujours plus loin, toujours en avant, mais ils ne la sauveront pas quand la fin arrivera. Oh non, ils n’enverront pas des troupes par centaines de milliers pour la sauver : ils ont trop bien vu ce qui est arrivé aux soldats ukrainiens : les champs de tombe dans le pays, à perte de vue, ça n’est pas une bonne comm’, hein ? Et c’est difficile à cacher, même pour tous les agents Smith de ce monde.


*L'opération Euh et autres aventures de Chourik est un des films russes comiques les plus populaires, facile à trouver, même avec sous-titres français, ici, par exemple. 

 

dimanche 4 août 2024

La septième merveille de Russie : la cathédrale de fer

    J’ai placé cette vidéo avant le corps de mon article car j’aimerais que vous la visionniez en totalité — dix petites minutes — avant de revenir ici. Mieux vaut en effet en savoir le moins possible sur le sujet pour en apprécier la beauté. Moins il y a de préjugés, plus l’impression est grande. La vidéo ne pouvant s'imbriquer dans Blogger (choix du propriétaire), je vous invite donc à la regarder sur Youtube, à l'adresse indiquée ci-dessous:

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https://www.youtube.com/watch?v=3sHavfEbzcc

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Bien, vous avez fait la visite grâce à nos deux guides d’occasion et vous savez maintenant à peu près de quoi il est question, même si vous n’êtes pas très fort en langues étrangères. Vérifions.
    La cathédrale de la Résurrection du Christ de Kubinka, village dans la région de Moscou, a été inaugurée en 2020, il y a donc seulement quatre ans. Ce qui me frappe plus que tout autre chose, y compris sa splendeur externe et interne, est précisément le fait de sa contemporanéité. L’esprit qui l’habite et qui a présidé à sa construction me rappelle de façon saisissante l’esprit qui se dégageait (et qui se dégage encore, parfois, si on arrive à faire abstraction de tout le reste) des grandes réalisations architecturales d’inspiration chrétienne du Moyen-âge, tout particulièrement en France. Les différences entre l’architecture orthodoxe et l’architecture gothique sont nombreuses dans la forme mais l’esprit général est très proche (c’est vrai en fait de la plupart des architectures sacrées) : une communion des savoirs et de l’excellence, une émulation des talents, où tous, architectes, ingénieurs, tailleurs de pierre, charpentiers, maîtres verriers, sculpteurs, peintres, fondeurs de cloches et dans ce cas, dans le rôle des principaux solistes, les métallurgistes, sont déterminés à donner le meilleur de ce qu’ils savent faire dans le cadre d’une réalisation unique et monumentale, destinée à demeurer longtemps dans la mémoire des hommes. Bien sûr, ce genre d’édifices grandioses et ‘inutiles’ coûte très cher mais ce n’est pas une raison pour s’en priver. D’une certaine manière, cela agit sur l’esprit humain comme les fusées qui vont sur la Lune ou sur Mars : ça n’a pas d’utilité pour la science et pourtant cela en vaut la peine. L’Homme ne vit pas que de pain, a dit quelqu’un. Et croire que la construction d’un tel monument ou le lancement de la mission Apollo a été un fardeau financier pour les Russes comme pour les Étasuniens serait une forme d’œillère où l’on ne voit que la colonne dépense. Souvent, on entend dire que ces monuments grandioses sont des vanités de rois, de pharaons, de tsars, égoïstement destinés à entretenir leur légende dorée et que tout cela finira dans le sable comme Ozymandias. Peut-être. Quelquefois sûrement. Peut-être qu’ils croyaient se bâtir une statue, les Ramsès, Périclès, Artaxerxés. Mais alors ils se trompaient. La véritable fonction de ces œuvres démesurées, quand elles sont réussies, est de montrer de la façon la plus concrète et la plus saisissante qu’il existe en ce monde quelque chose de bien plus grand que l’Homme, que l’Homme n’est pas la mesure de toutes choses, qu’il soit roi ou simple ouvrier.
    Sur le plan simplement architectural, je note que cette basilique sort des sentiers battus par les architectes ‘orthodoxes’. Les Russes, comme les orientaux en général, ont tendance à privilégier les formes arrondies sur les angles contondants, les arabesques sur les droites et les pointes. Ils ont aussi un goût presque excessif (à mes yeux du moins) pour les dorures, les émaux, les couleurs vives et claires. Je vous épargne ici une longue thèse de doctorat sur le lien entre l’hiver russe, long et gris, ou blanc, et cette prodigalité de couleurs, de brillance et de lumière. Mais comme on peut le constater dans le cas de cette nouvelle cathédrale, les matériaux ont été choisis dans des teintes particulièrement sombres, qui évoquent (et parfois sont) le basalte, le schiste vert, le marbre noir, le bronze et l’acier passé à la flamme. Dans ce paysage enneigé, le contraste est particulièrement saisissant et, je trouve, émouvant (d’une manière générale, l’architecture russe est encore plus émouvante par ces météos hivernales).
    Les métaux, de façon également très inhabituelle, ont été employés en placages sur les murs extérieurs ou pour d’autres ornementations architecturales, y compris le bas-relief central, d’or pur dirait-on, représentant le Christ : il s’agit là d’une vraie originalité puisque le travail du métal, l’art de la ferronnerie sont rarement utilisés à cette fin, si ce n’est pour produire quelque figure sommitale anecdotique, qui dans un certain pays non imaginaire peut prendre l’apparence d’un coq.
    Le métal est d’ailleurs le lien principal entre l’extérieur et l’intérieur radicalement opposés de la construction, que ce soit le fer, le bronze ou le cuivre aux reflets verts. Le vert est d’ailleurs la teinte dominante de l’édifice, plus encore que le noir. Autant l’apparence extérieure est sombre, froide, sévère, funèbre même, presque hostile et barbelée, autant l’intérieur est clair, coloré, doré, joyeux, inondé de lumières naturelles et artificielles. On pourrait ajouter en caricaturant un peu que ce contraste entre extérieur froid et dur et intérieur plus chaleureux décrit bien aussi l’homme russe (c’est moins vrai pour les femmes, qui ici comme ailleurs, ont une tendance à la sociabilité plus développée, ce qui implique généralement de sourire). Seul le pavement de métal sombre, très beau d’ailleurs, et pas seulement pour le contraste, rappelle l’extérieur. Comme le précisent nos guides, ce curieux carrelage a été réalisé en fondant une partie des innombrables trophées de guerre issus des années 1941-45, divers armements de la Wehrmacht, en particulier les blindés avec ses tonnes de ferraille. Voilà une utilisation joliment ingénieuse, esthétique et opportune des présents involontaires laissés par l’ennemi.
    Admettons-le si ce n’est pas déjà fait, je suis particulièrement sensible à l’architecture de cette cathédrale, par son contraste puissant entre l’apparence extérieure très sombre et très dure avec l’intérieur tellement plus clair, plus doux et chaleureux. Cette balance, que l’on retrouve d’une autre manière dans l’architecture gothique française, par son mélange d’ombre et de lumière (avec toutefois un net avantage pour cette première) me séduit par sa beauté mais aussi par sa vérité métaphorique de la vie et de la psyché humaine. En Russie, ce mélange d’ombre et de lumière, du jour et de la nuit est rare. Les architectes russes privilégient très nettement la lumière sur l’ombre, le connu sur l’inconnu, le connaissable sur l’inconnaissable, le réel sur l’irréel, à l’image de Tolstoï, l’écrivain le plus typique de ce pays avec son ambition forcenée d’éliminer le moindre coin d’ombre de la création ; eh bien ce n’est pas le cas ici.
    Bien sûr, il faudrait être particulièrement bouché pour ne pas percevoir le symbolisme de cette architecture, sans même parler des peintures et mosaïques. Il s’agit de la cathédrale consacrée aux forces armées, en premier lieu donc à l’armée soviétique, l’armée rouge, celle qui a payé si chèrement sa victoire contre le troisième Reich. Cette idée peut choquer dans un cadre religieux, plus spécialement chrétien. Il faut alors comprendre que le sens profond de cette construction est littéralement inscrit sur la façade de son portique d'entrée (qui sert de clocher) : « Nul n’est oublié, rien n’est oublié ». La cathédrale de la Résurrection est donc littéralement un monument aux morts géant, à mon avis d’une splendeur extraordinaire, comme il n’en existe nulle part ailleurs. C’est un hommage à tous les soldats inconnus mais aussi à tous les autres, hommes, femmes, enfants qui n’ont pas de fleur ni de plaque ni de nom sur leur tombe de cendre et de terre. Et il y en beaucoup : rappelons que les morts lors de la seconde guerre mondiale pour l’Union Soviétique seule sont estimés actuellement à vingt-sept millions. Imaginez : un sixième de la population disparue en cinq ans, auquel il faut ajouter les innombrables blessés, infirmes pour la vie. C’est bien plus qu’une décimation.
    Le fait est là : la guerre a été et est toujours une source d’inspiration majeure pour les Russes, écrivains, peintres, musiciens, architectes. Mais ce n’est pas un choix de leur part. Je crois pouvoir assurer sans me tromper qu’ils auraient préféré mille fois ne pas être la cible principale des grands massacreurs en chef, Napoléon, Hitler et ces Otasuniens de malheur. Mais il y a un bon côté dans toute chose. Citez-moi un seul monument de ce calibre, un seul édifice architectural mémorable que la France, que l’Occident dans son ensemble, aurait créé depuis 1945. Vous pouvez essayer mais vous risquez de me faire rire.
    En France, on peut dire que l’art, le grand art (j’excepte les arts « mineurs » comme la chanson, le ciné ou la BD) est mort en I945, à quelques très rares exceptions près (Messiaen, Dutilleux ont encore produit quelques chefs d’œuvre de musique ‘savante’ après). À une époque, le plus grand génie de la France ou plus justement de l’esprit français s’est incarné dans son architecture, que l’on pourrait qualifier de paysagère, non pas seulement dans ses édifices les plus imposants mais aussi et surtout dans ses réalisations les plus modestes, qu’elles aient été en pierre, en brique, en bois ou en torchis. Cette époque est terminée ; au mieux on refait maintenant ce qu’on a déjà fait, et en moins bien. En Russie, non seulement l’inspiration architecturale ne s’est pas tarie mais elle est repartie de plus belle.

Pour finir en beauté, quelques photos du site qui ne figurent pas dans cette courte vidéo.

Vue d'ensemble du site, en fin de construction, qui révèle les grandes verrières sur les toits



Autre vue aérienne montrant le plan en cercles imbriqués



Parvis: scultpture monumentale représentant une femme le visage dans les mains




Vue de face, plus impressionnant

mercredi 17 juillet 2024

Comment faire d’une pierre deux coups : Trump down, Biden out




    Stupéfiant comme l’Histoire peut s’accélérer à certaines périodes données dont celle-ci. D’une certaine façon, on pourrait croire qu’il s’agit d’un réajustement de la vitesse d’écoulement du temps faisant suite à une lenteur tout aussi anormale et sur une période beaucoup plus longue. En effet, on pourrait arguer si on avait du temps (et on n’en a pas, on n’en a plus) que la vitesse de l’écoulement du temps ressenti sur une période donnée est liée entièrement à la quantité, ou mieux la densité, d’événements mémorables qu’elle contient.
    L’événement mémorable dont il est question dans cet article est donc la tentative d’assassinat de Trump. Il faut noter qu’elle fait suite aux tentatives d’assassinat très récentes sur Robert Fitso, le leader slovaque, Orban un peu avant et sur Vladimir Poutine (admises sans façon mais avec sa vantardise habituelle par son auteur, le chef des services spéciaux kiéviens Kyrill Boudanoff). Une tendance commence à se dessiner, qui devrait pousser tous les services de sécurité des politiciens ‘populistes’ à redoubler de prudence.
    Il faut avouer tout de suite que dans l’Empire US finissant, deux secteurs restent toujours très créatifs et ne déçoivent pour ainsi dire jamais le grand public : la ‘comm’ et les services spéciaux.
    Le meeting qui a servi d’occasion à cette tentative de meurtre était presque idéalement situé pour permettre une sécurité maximale. On est très loin de Dallas et ses gratte-ciel aux innombrables postes de tir possibles, toits d’immeubles et milliers de fenêtres béant sur le passage du convoi présidentiel. Pour un Président américain, la sécurité est maximale : il a droit à sa propre sécurité rapprochée, à la police locale et, supervisant tous les autres, le ‘Secret Service’ qui est apparemment une division spécialisée du FBI. En tout, ce sont des centaines de personnes qui sont dédiées à la sécurité d’un ancien, actuel ou futur président étasunien lors d’un meeting, et cela seulement pour la sécurité du périmètre rapproché. Tout était donc réuni dans ce site de Pennsylvanie, très plat et sans point haut notable à part un château d'eau pour que « le plan se déroule sans accroc » (voir photo ci-dessus).
    À la place, un homme armé d’une carabine AR 15 et d’une lunette dernier cri est tranquillement monté à l’échelle pour rejoindre le toit d’un des bas bâtiments donnant sur le podium, en plein jour, tout cela sous les yeux de tout un tas de monde dont au moins un policier, plus un tireur d’élite, et a commencé à tirer sur Trump, lui traversant une oreille, blessant deux spectateurs derrière et tuant un troisième, tous il est vrai des criminels présumés puisqu’il avaient sûrement voté pour Trump en 2016, 2020 et s’apprêtaient visiblement à récidiver en novembre prochain.
    Il y a trois hypothèses possibles pour expliquer l’inexplicable, cette incompétence 
des services de sécurité tellement grotesque qu’elle en devient suspecte, qui rappelle le niveau d’incompétence de ceux chargés de veiller sur Epstein dans sa cellule haute sécurité. L’hypothèse A est tellement fantaisiste, tellement hollywoodienne, que je ne la mentionne que par esprit d’exhaustivité : toute l’opération ne serait qu’une mise en scène destinée à faire briller le candidat Trump. Le fait est que Trump a montré dans l’occasion une grande présence d’esprit qui lui a valu une photo magnifique (voir plus bas), un véritable rêve d'affiche publicitaire pour toute campagne électorale aux USA et qui devrait lui permettre de monter en flèche dans les sondages. Bien sûr, quand vous avez au tableau un mort et deux blessés plus un crâne éraflé qui sans la chance insigne de l’homme orange aurait éclaté comme une noix, il ne peut s’agir d’une opération ‘comm’ou alors c'était Alec Baldwin metteur en scène. Mais Baldwin était occupé à son propre procès; nous rayons donc A. L’hypothèse B est que le tueur n’était qu’un pion dans un complot d’un certain service spécial en trois lettres qui avait toute raison de craindre de sérieuses représailles une fois que le candidat Trump serait (re)devenu le Président Trump. Une Variante de B serait que Trump portait sur lui une cible d’homme à abattre parce qu’il serait un adversaire de l’oligarchie. Mais le simple examen de ses actions lors de son précédent passage à la Maison blanche suffit à réfuter cette idée. Trump ne s’est sûrement pas montré l’ennemi de l’oligarchie. Il est possible que cette nouvelle Internationale des Oligarques ait quelque doute sur la maniabilité ou la présentabilité du personnage mais sûrement pas au point de vouloir l’éliminer. Et certainement pas de cette façon-là, dans un plan si foireux que même les services secrets du Luxembourg auraient fait mieux !

    Reste donc l’hypothèse C qui devrait donc être la bonne : la négligence. Ah, ah ! j’adore ce terme des médias mainstream quand on parle d’une incompétence aussi générale, éclatante et assumée (la chef du Service Secret chargé de la protection du Donald a répondu aux journalistes après coup que tout avait été fait selon les formes et que si c’était à refaire, eh bien elle referait pareille !).
    Avant de conclure et de donner mon avis pour ce qu’il vaut, je vais rappeler quelques points importants à prendre en compte.
    D’abord, l’assassinat d’hommes politiques ou chefs militaires éminents est une spécialité reconnue des USA et de leurs divers services spéciaux : elle s’exerce aussi bien à domicile (avant Trump et pour rester dans l’époque moderne, on a eu les deux Kennedy puis Reagan), qu’en visite. La pratique est cruciale dans ce domaine comme dans bien d’autres et la pratique ne manque pas pour les agents spéciaux de ce pays ! L’entraînement en conditions réelles est constant : songez seulement au nombre de coups d’États, d’assassinats, de destructions en tout genre, type gazoduc, qui sont orchestrés et réalisés presque quotidiennement par les dits services. Il est donc difficile d’avaler le fait qu’un service secret dédié à la protection du citoyen numéro 1 des USA ne puisse pas être plus compétent (on ne peut pas trouver meilleur agent de sécurité qu'un tueur professionnel de même qu'on ne peut trouver meilleur garde-chasse qu'un (ancien) braconnier).
    Revenons maintenant à l’hypothèse B que j’ai abandonnée un peu vite. Imaginons qu’un service, Le FBI tiens justement, ait vraiment très envie que Trump disparaisse du paysage et ait de bonnes raisons pour ça (il a en effet tout fait depuis huit ans pour que Trump passe 287 ans sous les barreaux -- on n'est jamais trop prudent -- et tout le monde le sait, à commencer bien sûr par le principal intéressé). Bien qu’ils ne soient pas au-dessus de ça, les chefs du FBI ne peuvent organiser un attentat contre Trump en embauchant quelque(s) cerveau(x) brûlé(s) : c’est beaucoup trop risqué ; trop de monde devraient être dans le coup et on ne peut tout de même pas éliminer tous ces gens après coup comme le tireur Crooks, pour les empêcher de parler. Cela finirait forcément par se savoir et au lieu de perdre leur emploi (ce qui est en effet très probable au vu des sondages actuels) ils risqueraient fort de perdre beaucoup plus. Mais ces gens savent survivre dans leur marigot à défaut d’être compétents dans leur job. Ils n’ont pas réellement besoin de faire le travail, ils savent qu’il y a dans ce pays (les USA) des milliers de volontaires armés, chauffés à blanc par les grands médias, le parti Démocrate et l’ambiance générale qui est maintenant clairement à la guerre civile, et qui pensent sincèrement qu’il est de leur devoir de bon Américain d’arrêter Trump, quel que soit le moyen utilisé pour ça. Biden a récemment déclaré qu’il était temps de mettre une cible sur Trump (une gaffe de plus à son actif même s’il n’entendait pas la sorte de cible que lui a mis le tireur Crooks). Les termes les plus aimables qu’utilisent les médias pour qualifier Trump sont : tyran, antidémocrate, bandit, menace pour la nation et bien sûr fasciste. Pire, la veille de l’attentat, Biden lui-même a ânonné son texte disant que Trump et ses supporters étaient une menace pour l’âme même de la nation (« threat for the very soul of the nation ») : peut-on être plus clair ? Ces gens du FBI savent que des gens partout dans le pays ont en ce moment le doigt sur la gâchette et n’attendent qu’une occasion favorable. Eh bien, offrons-leur-en une, se disent-ils. Mettons les moins qualifiés, les plus incompétents de nos membres pour assurer la protection du Donald : ce serait bien le diable si un de ces pauvres types n’en profitaient pas pour lui loger une balle dans le crâne ou ailleurs durant un de ces innombrables meetings que cet odieux démagogue se croit obliger d’organiser.
    Cette hypothèse que je baptise B2 est selon moi la plus probable. Naturellement je n’ai pas de preuve, il n’y en aura d’ailleurs probablement jamais et en fait il est très difficile d’imaginer comment il pourrait y en avoir puisqu’aucun lien ne peut être établi entre le tireur et les responsables véritables, qu’on pourrait qualifier de facilitateurs. Il s’agit en effet dans ce cas non pas de faire mais de ne pas faire et il est très difficile de prouver que vous n’avez pas fait tout ce que vous auriez dû faire. Il s’agit donc en effet de négligence, oui, mais d’une négligence volontaire et organisée dans un but ou une intention précis. Et c’est pourquoi je ne le range pas dans la catégorie C mais B.
    Remarquons une dernière chose. Le FBI et les autres services plus ou moins secrets à la solde de l’oligarchie washingtonienne ont deux problèmes intérieurs immédiats sur les bras qu’ils ne savent comment résoudre : empêcher Trump d’arriver au pouvoir et pousser Biden dehors dans les plus brefs délais. Trump parce qu’ils le détestent comme on déteste les gens à qui on a fait beaucoup de mal et qui persistent à résister (il faut au moins reconnaître au Donald une tenacité et un courage peu communs au milieu des balles qui sifflent et des poursuites incessantes des juges pendeurs), Biden parce que son état de sénilité avancée commence à transformer chacune de ses apparitions en festival de marionnette grotesque, ce qui est de moins en moins apprécié par le bon public et surtout par les bons donneurs. Avec un tout petit peu plus de chance, ou si cet imbécile utile de Crooks avait été plus adroit, ils réalisaient un rêve presque inespéré : Trump abattu définitivement, Biden discrédité par l’incompétence étrangement suspecte de ce Service Secret, sans compter que beaucoup, probablement en fait 50 % des électeurs US, y verraient la main directe du parti Démocrate.
    Ainsi donc dans ce plan sans accroc, cela faisait d’une pierre, ou d’une balle, deux coups : Trump down, Biden out, c'était un bon plan... Ah, on me signale des grands cris dans le 
bureau du directeur du FBI : "caramba, encore râté!" 

PS1: il faut noter que bien que la première partie du plan, 'Trump Down' est ratée, d'un cheveu (mais c'est partie remise), la seconde, 'Biden Out', n'étant pas vraiment déterminée par le succès de la première, coure toujours et plus que jamais.

PS 2 : je suis toujours étonné du choix des Démocrates qui semblent dans leur majorité continuer à préférer l’option Biden pour la prochaine élection, malgré ses sorties de plus en plus calamiteuses, que l’option Kamala Harris. Même en admettant que ce soit une idiote incompétente et corrompue, ce qui est possible et même probable vu que c’est précisément le genre de gens que recherche l’oligarchie internationale pour la servir, il n’en reste pas moins qu’elle doit être capable de lire ou de réciter un texte mieux que son compère, de se déplacer sur une scène sans se prendre les pieds dans le tapis. Et quand on sait que le poste de Président des USA consiste à 95% à serrer des mains, à lire des textes préparés sur un prompteur, à descendre la passerelle d’Air Force One en agitant sa menotte et à tenir lieu de tête de gondole, je n’arrive pas à comprendre comment on peut préférer ce pathétique débris de Biden à Harris. Mais bon, comme on dit au foot, cela ne nous regarde pas.


Un bon article sur le sujet de Scott Ritter, qui prouve qu’on peut être ancien commando Marine (US), ancien agent spécial, et écrire très bien, mais en anglais : ici.




mercredi 3 juillet 2024

Élections en France : une occasion en or pour la résistance à l’oligarchie mondialisée

Un événement imprévu vient d’offrir une occasion en or pour dynamiter les forces de l’Empire, représenté en France par M. Macron et sa bande de suppôts de l’oligarchie internationale. Mais les partis d’opposition ont-ils réellement envie de prendre la place et de se retrouver ainsi avec la patate chaude ?

Cet événement imprévu a été la dissolution de l’Assemblée Nationale par M. Macron, illusionniste de son métier. Certains commentateurs y voient une erreur politique coupable. D’autres, dont je suis, suspectent plutôt un désir de se ménager une porte de sortie moins déshonorante que ce qui s’annonce avant pourquoi pas de revenir en sauveur de la nation dans un an, deux ans au plus, quand le chaos sera complet. Il est en effet clair maintenant que la France se dirige, quoi qu’il arrive, même dans le cas le plus optimiste, vers une période bien sombre. Et je ne parle pas de semaines ou de mois mais bien d’années. La différence entre l’hypothèse pessimiste et l’hypothèse optimiste est que dans la seconde, on aurait des années sombres avec une petite lumière au loin, une lueur d’espérance qui ne ferait que croître au fur et à mesure alors que dans la première, on aurait les années sombres sans lueur aucune. Et dans cette dernière hypothèse, ces années risquent de se transformer en décennies.

Pourquoi l’occasion est-elle en or et comment les choses devraient se dérouler si les résistants auto-proclamés étaient sincères ?

Pour la vraie gauche comme la vraie droite, la difficulté principale pour arriver au pouvoir est l’establishment en place, qui détient à peu près tous les leviers de pouvoir : politiques évidemment, médiatiques, industriels, financiers, et même culturels pourraient-on dire avec l’aide plus ou moins enthousiaste de l’Éducation Nationale. Le but de l’establishment est bien sûr de rester au pouvoir et donc de maintenir ce statu quo, coûte que coûte, bien qu’il perdure depuis des décennies avec des résultats que nous qualifierons aimablement de médiocres. Le but des ‘résistants’ est d’arriver au pouvoir et donc de dynamiter les pouvoirs en place. Le génie particulier de M. Macron vient de leur offrir cette occasion presque inespérée. En effet, si la résistance joue bien sa carte, si elle fait ce qu'elle devrait faire, elle est pratiquement assurée de la victoire, que ce soit dimanche prochain ou dans quelques mois, au pire dans trois ans.

Imaginons que dans un pays et une situation non imaginaires, je m’appelle Jean-Luc et que je sois le représentant supposé de la vraie gauche. Je crois très fort en mon programme et je pense donc que le programme le plus opposé au mien, celui de la vraie droite, est sûr de conduire le pays droit dans le gouffre. Je suis aussi un vrai politicien — je n’ai d’ailleurs jamais fait d’autres métiers — et donc je ‘sais’ que le plus dur n’est pas d’arriver au pouvoir mais de neutraliser les forces en place. Mon premier but est donc de me débarrasser de ce parti des oligarques mondialisés qui accaparent le pouvoir depuis des décennies. Ensuite seulement, je m’occuperai de la vraie droite, le seul adversaire qui me restera. Et donc dans un second tour d’une élection ou le parti des oligarques associés est arrivé troisième, ce qui est une très mauvaise place, mon premier soin devrait être de lui maintenir la tête sous l’eau. Jamais je n’appellerais à faire barrage contre la vraie droite pour la simple raison que la tâche la plus urgente et de loin est de réduire le pouvoir de l’oligarchie. Et surtout, je sais que si j’appelle à faire barrage contre la vraie droite, cela revient à faire voter pour le parti des oligarques, ce qui prouvera aux yeux du peuple que je suis un faux résistant et un autre pion de l’Empire. Bien sûr je n’appellerais pas à voter pour la vraie droite dans les cas où je ne pourrais remporter une circonscription car c’est mon ennemie et que ‘mes’ électeurs ne le comprendraient pas. Il suffirait en somme de me taire. En favorisant ainsi mon adversaire naturel, je lui fais un cadeau empoisonné. Il va devoir former un gouvernement dans ces circonstances catastrophiques, sans avoir véritablement les pleins pouvoirs, et comme de toute façon, je suis sûr que son programme est très mauvais, il va se décrédibiliser aux yeux des électeurs en moins de deux. Alors, à la prochaine élection, qui aura lieu dans quelques mois ou un an ou deux ans ou trois ans au plus, je serai élu dans un fauteuil avec une majorité écrasante puisque je n’aurais alors plus aucun adversaire dangereux, ni les oligarques usurpateurs ni la vraie droite. Et je pourrai donc appliquer mon programme. Tout cela n’a rien de mystérieux et va pour ainsi de soi.

Imaginons maintenant que dans ce même pays non imaginaire, je m’appelle Marine et que je représente la vraie droite. Je crois très fort en mon programme et je sais parce que je suis une vraie politicienne — je n’ai jamais rien fait d’autre dans ma vie — que le plus dur est de se débarrasser du pouvoir en place, ces oligarques aux couleurs arc-en-ciel. Plus tard, je m’occuperai de mon opposant naturel, la vraie gauche. Or, j’ai l’occasion rêvée, peut-être même pas entrevue en rêve, d’atteindre ce but dans quelques jours. Naturellement, je ne devrais pas concentrer ma puissance de feu sur la vraie gauche, puisqu’elle fait elle aussi partie de la résistance, mais sur le pouvoir en place. Il ne s’agirait pas que l’hydre ré émerge à cause d’une bêtise de ma part. Jamais je n’interdirais à mes électeurs de voter pour la vraie gauche (même si je me garderai d’appeler à voter pour, pour ne pas froisser mes fans) dans le cas où je ne peux pas gagner la circonscription puisque tout ce qui affaiblit le pouvoir en place est bon pour moi. Et parce que je ne veux surtout pas en les appelant à faire barrage à la vraie gauche que le peuple pense que je suis de mèche avec le parti des oligarques, le seul véritable obstacle à mon arrivée au sommet de l'Etat. Si la vraie gauche est amenée ainsi à devoir former le nouveau gouvernement, forcément faible dans la situation catastrophique actuelle, tant mieux je me dirais. Car je sais que le programme de la vraie gauche est le plus mauvais qui puisse être et qu’il sera décrédibilisé aux yeux du peuple en moins de deux. Alors, m’étant débarrassé de mes adversaires, je serai élue dans un fauteuil à la prochaine élection, qui sera présidentielle, avec une majorité plus que confortable et je pourrai enfin appliquer mon programme.

Naturellement, Jean-Luc et Marine savent tout cela puisque ce sont de vrais politiciens depuis des décennies, qu’ils sont intelligents et qu’ils sortent de bien meilleures écoles que moi (ce qui n’est pas difficile).

Mais dans le pays non imaginaire dont j’ai parlé, ce n’est pourtant pas ce qu’ils ont dit et pas ce qu’ils font. Pourquoi ? La réponse est évidente : parce qu’ils ne croient ni l’un ni l’autre à leur programme. CQFD.

On se trouve donc dans un exemple magnifique de course à qui perd gagne.

Winter is coming comme on dit dans la maison Stark.