Suivant toujours notre désir d’éduquer le peuple et de
lutter contre « l’Empire du Mensonge », nous donnons ici (donner veut
dire céder gratuitement) l’entière explication des derniers faits et gestes du bébé
géant Trump. Grâce à nos canaux d’information ordinaires et extraordinaires,
nous savons en effet non seulement ce qui s’est passé, ce qui se passe mais
aussi ce qui va se passer (jusqu’à un horizon des événements généralement
estimé de 3 ans dans le futur).
Le danger que représentent les manigances du bébé géant —
entre 3 et 17 m de haut selon les témoins — n’est plus à prouver. Ses
piétinements, son arrogance juvénile, ses explosions de colère ou de joie
malsaine, son incapacité à mesurer sa force ainsi que son ignorance totale du
monde extérieur et de ses usages ont déjà provoqué, directement ou
indirectement, la destruction de nombreuses villes et même pays entiers. On
signale des morts par millions sur son passage, et tout ceci en six mois
seulement. Rien ne semble pouvoir l’arrêter, hormis sans doute une bombe
atomique mais quel serait l’intérêt de remplacer un fléau par un autre encore
plus grand ? Rien ne semble pouvoir l’arrêter excepté un certain M.
Poutine.
Witkoff, le représentant officiel préféré du bébé géant, tel
le hérault de Galactus, argenté lui aussi mais moins joli, est arrivé
dernièrement dans son petit vaisseau à Moscou pour l’avertir de sa destruction
imminente. Du mois, c’est ce que les attachés de presse du bébé géant (chacune
de ses bottes en contient environ mille) ont raconté. Ces menteurs triés sur le
volet ont aussi prétendu qu’un certain habitant de Moscou, professeur de judo dans la vie civile, M. Poutine, aurait aussitôt remis les clés de la ville au
hérault et présenté ses offres de service à son maître Gal… Trump. De façon
encore plus grotesque, ils ont assuré la main sur le cœur que c’est M. Poutine
qui avait demandé un entretien avec le bébé géant. Enfin ils lui ont prêté
divers projets plus fantaisistes les uns que les autres.
Nous devons donc ici rectifier quelque peu la
« narrative » comme on dit outre-Atlantique.
Naturellement M. Poutine n’a rien demandé de tel. La seule
raison pour laquelle Witkoff est venu à Moscou est justement de demander à M.
Poutine de cesser de contrarier le bébé géant et de bien vouloir rencontrer son
maître G… Trump. Pour ne pas contrarier davantage le bébé géant (et provoquer
par là quelques millions de morts de plus) M. Poutine a donc finalement accepté.
Ici nous donnons verbatim l’essence de l’entretien de M.
Poutine avec Witkoff (la seule partie substantielle), et nous en profitons pour
annoncer que ce sera également la substance de la future réunion entre M.
Poutine et le bébé géant qui aura lieu comme chacun sait maintenant chez les
esquimos et les ours blancs.
« Écoutez, a dit (et dira) M. Poutine après les
cérémonies et bla-bla d’usage, nous savons que vous ne souhaitez pas la paix en
Ukraine mais un cessez le feu suivi d’un gel du conflit. Eh bien ça tombe bien
car cela nous convient.
« Pour atteindre ce but commun donc, il existe deux
scénarios. Dans le scénario A, qui est le plus rapide et le moins douloureux,
vous cessez de fournir armes et argent au pouvoir bandériste de Zelensky, vous
persuadez vos « amis » européens de faire de même, ce qui ne sera pas
trop difficile après deux ou trois bons coups de pied au cul (ils adorent ça). L’armée
bandériste se retire de Zaporojia, Hrerson et ce qui leur reste du Donbass.
Cela peut se faire en quelques mois. Pour la suite, libre à nous de constituer
une zone démilitarisée le long des nouvelles frontières de facto (que vous les
reconnaissiez ou non n’a guère d’importance). Nous vous laissons l’initiative
pour la suite. Si vous voulez déclarer Victoire, si vous voulez entonner des
louanges à la gloire du bébé géant, pas de problème, cher ami, nous ne vous le contesterons
pas. Et M. Trump aura son prix Nobel de la paix comme prévu à la fin de
l’année.
« Scénario B. Vous ne voulez pas ou ne pouvez pas
arrêter de fournir armes et argent pour quelque raison au sous-Reich de Kiev.
Alors nous continuons. Nous allons prendre Zaporojia, Hrerson et ce qui reste
du Donbass. Cela prendra bien sûr un peu plus de temps de cette façon mais nous
ne sommes pas pressés, comme vous avez dû vous en apercevoir. D’autant que tout
compte fait, nous continueront jusqu’à Sumy, Hrarkoff et Dniepropetrovsk,
histoire d’agrandir notre zone tampon. Cela vous coûtera d’ici là encore plus
d’argent, de temps et rien ne dit que les électeurs du bébé géant trouveront
cela à leur goût… Ah, et on me signale qu’il y a une élection par chez vous l’an
prochain, comment dites-vous ?... les midterms… Notez bien, cher ami, que le résultat sera presque le même quel que
soit le scénario. Bien sûr, vous pourrez toujours alors crier Victoire, créer
avec notre concours une zone démilitarisée et envoyer la candidature du bébé
géant pour le prix Nobel de la paix mais quelque chose me dit que vous aurez
plus de mal à convaincre…
« Les deux scénarios A et B nous conviennent, faites
votre choix. »
Voilà ce que M. Poutine a très exactement dit à Witkoff
après le bla-bla-bla d’usage et qu’il répétera au bébé géant de vive voix.
Naturellement, ce que M. Poutine sait et ne dit pas (car
dans le métier de M. Poutine, il est impossible de dire uniquement et toute la
vérité : question de légitime défense nationale) c’est que la future zone
démilitarisée ne sera qu’un autre nom pour sa « zone tampon », qui
empiètera de facto un peu plus sur la colonie ukrainienne restante. Quant au
fait, probable, que les Otasuniens voudront profiter du gel du conflit pour
réarmer et réorganiser une armée ukrainienne, M. Poutine en sourit sous sa moustache
(qu’il n’a pas) car il sait bien que dans deux, trois, cinq, dix ans,
l’Otasunie aura cessé, de facto, d’exister et que le bébé géant sera redevenu
minuscule. Ce que M. Poutine ne dit pas non plus, c’est que sur le papier
réglant les conditions du cessez-le-feu et autres minutiae, papier que devront
signer M. Zelensky (ou un autre gouverneur appointé du sous-Reich) et M. Trump,
on aura juste omis de marquer en gros caractères rouges : ACTE DE REDDITION.
*The Attack of the Giant Baby : nouvelle de science-fiction de Kit Reed.
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