Le tableau (il s'agit bien d'un tableau et non d'une fresque, comme souvent à cette époque) le plus sinistre, le plus noir, le plus labyrinthique, le plus fermé, le plus sépulcral de l'histoire de la peinture occidentale n'est pas à chercher chez Goya, Grünewald, Bosch, Böcklin ou Friedrich mais chez ce peintre léger et poétique : le voici.
La Chasse de Paolo Uccello
Notez que la scène ne peut se dérouler la nuit; on ne chasse pas à cour la nuit. Et cependant l'impression, comme dans à peu près toutes ses peintures, que les motifs ont été peints sur fond noir est irrésistible. Je vous défie de trouver la moindre lueur de jour (d'espérance) dans ce tableau. Les hommes, bêtes, fleurs et arbres semblent briller d'eux-mêmes par un effet de luminescence nocturne. Les chiens en particuliers sont d'étranges créatures phosphorescentes, fantastiques, dorées et semblent servir à diriger le regard du spectateur vers le centre de gravité du tableau, le point le plus sombre, une sorte de puits noir sans fond. Les arbres pareils à des poteaux, curieusement élagués pour une forêt, renforcent la perspective qui donnent sur un néant progressif. La disposition des personnages ne donnent pas la sensation d'une chasse dirigée, organisée, mais plutôt d'un bazar hétéroclite, et quelque peu grotesque, typique d'Uccello .
La géométrisation de l'espace, qu'on pourrait juger excessive, ainsi que la stylisation exacerbée du trait, figent les personnages dans leurs postures, même les plus dynamiques. C'est une véritable chape qui s'abat sur la scène. Par ces différents moyens, Uccello parvient à donner cette scène champêtre, relativement innocente (la chasse à cour est plus un sport qu'une méthode efficace de tuer du gibier), le caractère fondamentalement pessimiste, noir et désespéré de toute son oeuvre connue. Suite de cet article sur ce peintre étrange et mal connu : ici.
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