lundi 6 mai 2019

Battlestar Galactica : dix ans déjà !


       Battlestar Galactica, la version qui s’est achevée il y a dix ans, en 2009 donc, est considérée par beaucoup, dont moi-même, comme la meilleure série de SF de tous les temps. Même comparée, ou plutôt surtout comparée aux films de SF de son époque, elle est largement au-dessus en termes d’audaces et même d’innovations scénaristiques. Dans ses meilleures parties – par exemple la minisérie de 2003, les premiers épisodes des séries 1 et 3 – l’écriture est d’une précision, d’une intelligence et d’une efficacité exceptionnelles. Les acteurs, quels que soient leurs talents respectifs, semblent littéralement portés par l’histoire : on sent de leur part une adhésion rarement observée à ce niveau. Et une fois n’est pas coutume dans l’industrie actuelle de l'Entertainment, le talent a été reconnu.
   Néanmoins, comme toutes les séries, et comme le vaisseau qui donne son nom à la série, Battlestar traverse des hauts et des bas. Avec Battlestar c’est un peu : l’enfer ou le paradis, quand ce n’est pas les deux ensemble. Les scénarios ne sont pas de valeur égale au fil des épisodes, loin de là, et il est très clair que la qualité est souvent étroitement liée au degré d’implication du re-créateur de la série et principal scénariste Ronald Moore. Certains épisodes ne sont guère plus que des digressions par rapport au fil rouge de l’histoire, des bouche-trous ou des justifications pour faire disparaître des acteurs de la série, peut-être pour des raisons contractuelles. Certains acteurs n’ont pas non plus le talent de James Callis, littéralement possédé par son rôle de Gaïus Baltar (le personnage le plus admirablement écrit de la série). Grace Park (Sharon Valerii et autres Eights), par exemple, qui est un de mes personnages préférés de la série, est excellente dans l’affliction et la déréliction de même que dans le bonheur et l’amour mais semble littéralement incapable d’incarner les parties sombres de son ou plutôt ses personnages. En bourreau, en froide cylon, en meurtrière, en terroriste assoiffée de sang, on a bien de la peine à la croire. D’ailleurs, elle ne peut s’empêcher de sourire en disant son texte de “bad girl” comme si elle n’arrivait pas à y croire elle-même. Katee Sackhoff (Kara Thrace) a des moues et des tics parfois irritants. Le personnage féminin le plus impressionnant et sans doute le plus emblématique de la série, Six, est jouée par une actrice presque débutante à l’époque et malgré ses limites assez évidentes, elle réussit un vrai tour de force quand on considère toutes les nuances qui colorent les différentes Six (car ce n’est pas seulement la couleur de leur robe qui change). Madame la Présidente est excellemment joué par Mary Mac Donnel qui n’a pas toujours été aussi inspirée ; il suffit de la voir dans Danse Avec Les Loups, complètement égarée à tous les sens du terme. Le casting masculin souffre de très peu de défauts mais je signalerais néanmoins le personnage bizarre, mal cernable et sans doute mal cerné de Jamie Bamber (Lee Adama). Ce n’est pas son talent d'acteur, indiscutable, qui est en cause. Lee est l'homme à tout faire de l'histoire : pilote, second, amiral, boxeur, garde du corps, détective policier, avocat, politicien : il est bon partout; le problème est que ça enlève beaucoup de crédibilité au personnage. Il semble d'ailleurs parfois mal à l’aise, peu convaincu par son personnage et on peut le comprendre tant les scénaristes le soumettent à d’incessants changements de cap moraux, professionnels et physiques. Le plus drôle et le plus réussi est certainement son considérable empâtement à la fin de la saison 2 et durant tous les premiers épisodes de la saison 3, même si ce n’est pas une des raisons principales de la grande force de ces épisodes. À mon avis, Bamber a eu la malchance de tomber sur le personnage le moins cohérent de la série parmi les – disons douze personnages principaux. Très curieusement, Richard Hatch qui tenait son rôle dans la série originelle de 1980, est très convainquant ici dans le personnage du révolutionnaire Tom Zarek (malgré un tic bizarre mais possiblement involontaire). Enfin, pour en terminer avec les acteurs, je citerai les performances de grand style de Kate Vernon en tant qu’Ellen, l’insupportable moitié de ce pauvre vieux colonel Tigh (on est presque heureux lorsqu’il l’exécute) et Dean Stockwell en maléfique éminence grise des Cylons (Number One) aussi nihiliste et acharné à arracher la moindre parcelle d’espoir qui pourrait rester dans ses semblables comme dans l’humanité que Six est acharnée à inculquer son Dieu d’amour aux récalcitrants, si besoin étant à grand coup de poings dans la figure.
   Baltar devait avoir son paragraphe pour lui tout seul tant ce personnage est riche. Dans toutes ses métamorphoses morales, je crois que Callis aura réussi l’exploit de rester presque complètement convainquant. Il a, il est vrai, un excellent guide dans le monde parfaitement chaotique qui est le sien, à savoir Head Six, en plus de son increvable désir de vivre. À mon avis, son ascension politique rapide est le point le plus discutable du personnage. Qui peut croire que des gens normaux vont voter pour un type aussi littéralement et visiblement anormal que Gaïus Baltar ? Je comprends le souci des scénaristes de faire de Baltar le président des Coloniaux, les 50000 survivants, événement nécessaire pour planter le décor de l’excellente saison 3 (sans doute la meilleure, malgré quelques inévitables bouche-trous) mais il fallait trouver autre chose pour l’asseoir sur ce siège.
   Jusqu’ici, je n’ai mentionné que les petits défauts de la série, disons ses péchés mignons. Je vais maintenant passer aux réels problèmes.
   D’abord, commençons par rire un peu. Dans le registre comique, on doit signaler l’invraisemblance absolue de ces douze modèles humanoïdes Cylons si parfaitement humains qu’on ne peut les percer à jour qu’au prix de très savants examens biologiques et qui ont pourtant des propriétés cybernétiques comparable à celle de mon PC : où sont donc les fils, les prises et les puces ? Et on peut s’amuser de l’effort d’imagination ou d’aveuglement que cela demande pour croire, même un instant, que ce sont en fait des machines, voire des grille-pains, même alors qu’on a passé des années ensemble, copains comme cochons. Il n’y a pas besoin d’être un génie comme Baltar pour s’apercevoir de l’erreur flagrante de classification. Je vois bien dans cette incapacité totale et universelle à reconnaître l’humanité dans ces humanoïdes l’analogie que les scénaristes ont dans le crâne mais elle est rendue caricaturale et franchement risible par son aspect systématique et sans nuance. Du point de vue de la physique, il est aussi très drôle de voir les gens marcher, manger et se doucher dans l’espace profond comme s’ils bénéficiaient toujours de la pesanteur de Caprica. On peut aussi trouver hautement burlesque les incessants bombardements et accrochages auxquels sont soumis les divers vaisseaux de la flotte coloniale, dommages qui sont généralement réparés en trois coups de clé à molette et deux points de soudure. Souvent, tout se passe comme si on était dans l’atmosphère avec de vieux coucous qui vont à deux à l’heure. Aucun essai de réalisme de ce côté : les vipers, sorte de chasseurs spatiaux, font des figures comme s’ils étaient dans un meeting aérien au-dessus de chez moi (il y en a beaucoup par ici, hélas !), battent des ailes, virevoltent, effectuent des virages à 180°, freinent en coupant leur moteurs et même parviennent à faire du sur-place ! Ils bousculent allègrement vaisseaux et météores qui gênent le passage d’un coup de museau tandis que les pilotes éjectés dans leur petite combinaison ignorent visiblement que la température extérieure est d’environ – 274°C ou stoppent net une fuite d’oxygène en mettant un doigt dans le trou. Je pourrais multiplier les exemples. Bon, on peut mettre ces invraisemblances sur le compte des conventions jugées nécessaires pour l’économie générale de la série au même titre que le fameux moteur FTL (Faster Than Light), ingrédient presque inévitable de tout voyage spatial excédant le cadre d’un seul système solaire.
   (À ce sujet, je vais faire une brève digression, tout à fait dans l’esprit d’une série, qui nécessite toujours des rallonges. La solution la plus souvent vue au cinéma ou à la télé pour éviter le problème que je signalais plus haut et tâcher de respecter la physique est de faire tourner sur eux-mêmes les vaisseaux spatiaux. On en a une première illustration, à ma connaissance, dans 2001, Odyssée de l’Espace. On pourrait aussi envisager un vaisseau si colossal qu’il génère sa propre gravité mais il devrait alors avoir la taille d’un planétoïde, ce qui n’est pas facilement acceptable par la quantité de crédulité disponible d’un spectateur moyen. Donc, on imagine un cylindre ou une roue ou une fronde en rotation continue, sauf peut-être lors des phases d’accélération ou de freinage où la gravité artificielle se génère d’elle-même, et a tendance même à être tout à fait excessive. La fronde est le mieux indiqué puisque la force centrifuge qui va servir de substitut à notre gravité est proportionnelle à la distance qui sépare l’espace-vie de l’axe de rotation, à condition bien sûr que l’espace-vie en question soit organisé de façon à ce que ses habitants marchent sur la coque intérieure qui se trouve en opposition exacte au sens de la force centrifuge. Outre le fait que ce ne doit pas être bien facile à organiser, il est clair que ça revient à passer des jours, des mois, des années dans un manège géant. Je ne suis pas sûr que ce soit une perspective bien exaltante, si même humainement possible. Mais les vaisseaux de la flotte conduite par le Battlestar n’étant pas soumis à une rotation, hormis une grande roue qui n’a d'ailleurs d'autre utilité dans l'histoire que décorative, les scénaristes ont recours apparemment au vieux truc de la gravité artificielle magique, plus digne de contes de fées tels que la Guerre des Étoiles.)
   Certains jugeront que ce n’est pas très grave. Néanmoins cette désinvolture envers la science, typique de Battlestar, qu’elle soit le résultat d’une indifférence ou d’une réelle inculture scientifique, est à mon avis problématique dans une série dont l’objectif de départ clairement affiché est de donner à un genre habituellement farci de poncifs et d’invraisemblances en tous genres (du moins à la télé) le réalisme le plus cru. Je sais bien que des deux mots composant science-fiction, le seul vraiment important est le second, mais en ce qui me concerne, ma capacité à la suspension de l’incrédulité, le facteur clé pour apprécier une fiction, est notablement affectée par ces anomalies à répétition.
   La force de Battlestar est évidemment à chercher dans son traitement des questions sociales, psychologiques, historiques, politiques et religieuses. Certains épisodes sont impressionnants d’efficacité à cet égard. Si la société fasciste du Pegasus est dans l’ensemble assez grossièrement rendue, mais non sans talent et efficacité, la description des dérives du gouvernement démocratiquement élu vers l’autoritarisme est saisissante de vérité. Quand on voit à quelles extrémités en arrive Laura Roslin, la (bonne) Présidente, pour se maintenir au pouvoir et garder le (bon) cap, on est saisi par la similitude avec le comportement de nos (bons) gouvernements actuels essayant de contourner de toutes les façons possibles (encore légales pour l’instant, contrairement à celles de Roslin) la volonté de ces peuples qui votent de plus en plus mal. Tout ce qui concerne les descriptions de New Caprica soumise à l’envahisseur est également de la meilleure eau. Le cas le plus emblématique est encore celui de Baltar. Bien sûr, il va être jugé pour haute trahison et nul doute que dans la réalité, cela se serait passé ainsi. Mais à sa place, vous auriez fait quoi ? C’est toute la question de son procès. Soit il se rend au nom de son peuple (il est alors le Président) soit il refuse toute coopération et les Cylons n’ont plus guère qu’une option : on sait déjà qu’ils ne sont pas effrayés par l’idée d’un génocide. Est-ce qu’il a tort de collaborer en restant à son poste ? Peut-être. Pas sûr. De toute façon, les Cylons l’auraient éliminé en cas de refus et l’auraient remplacé par un autre encore bien plus docile. Comme le prouve Gaëta, son adjoint, par la pratique, la meilleure forme de résistance vient parfois de l’intérieur.
   Néanmoins, même dans les points forts de Battlestar, on peut trouver des faiblesses et pas des moindres. J’ai déjà mentionné l’extrême improbabilité qu’un personnage comme Baltar, ce demi fou, complètement possédé par Head Six (on le comprend), soit élu démocratiquement. Même en tant que marionnette de Roslin puis de Zarek, il n’est pas l’homme de la situation. Il n’a pas de sens politique, contrairement à Roslin et Zarek. Cette bévue est corrigée si on peut dire par une autre bévue, non moins énorme, celle de Roslin. Comment peut-elle ne pas voir que son refus d’aller sur New Caprica est une forme de suicide politique ? Elle n’est plus malade à ce moment-là et cette incroyable faute de jugement ou de flair politique ne peut donc être mise là-dessus. Bien sûr elle veut continuer le voyage vers cette fameuse treizième colonie peut-être d’ailleurs imaginaire, la Terre. Mais rien ne l’empêcherait d’envoyer un vaisseau à sa recherche et de laisser en attendant les survivants jouir de cette découverte inespérée qu’est New Caprica. Après tout quelles sont les chances de découvrir, par hasard qui plus est, une planète habitable par l’Homme ? À peu près zéro. Comment peut-elle croire une seule seconde que des gens qui ont vécu une année serrés dans des boîtes de conserve, même avec les avantages concédés par des scénaristes négligents, pourraient laisser échapper cette occasion unique de retrouver le plancher des vaches, sans vaches il est vrai, pour une terre lointaine et hypothétique ? Et en plus, ô miracle des miracles, New Caprica se trouve dans une “nébuleuse” qui la met à l’abri des détections cyloniennes.
   (Pardon : une nouvelle digression à propos de l’ascension très peu crédible de Baltar en politique. Baltar est un scientifique de grand talent, un génie multi cartes, cybernéticien de métier, démographe ou biologiste à ses heures quand il ne pratique pas l’astronomie, telle sa découverte de l’Œil du Lion – pour le compte des Cylons – qui indique le chemin de la Terre. Les grands scientifiques ont un point commun avec les grands artistes : ce sont les gens les moins faits qui soient au monde pour la politique. La science tout comme l’art véritable n’a que faire du compromis et du consensus. Soit vous avez tort soit vous avez raison, soit vous êtes dans le vrai soit vous êtes dans le faux, soit vous sonnez vrai soit vous sonnez faux, pas de moyen terme possible, et le domaine du vrai, dans les deux cas, est incroyablement plus étroit que celui du faux. La politique, en démocratie au moins, demande au contraire une souplesse d’esprit extrême, une capacité de contorsion digne d’un désossé. Et même si Baltar démontre une grande souplesse à certains égards, essentiellement quand ça touche à sa survie, et est assurément capable de savoir ce que je viens d’affirmer, cela ne veut pas dire qu’il peut modifier sa nature sur commande, pas à ce point.)
   Passons à la thématique religieuse, très présente dans Battlestar mais à mon sens un peu plus superficielle. Les gens des douze colonies ont pour religion centrale un polythéisme que l’on qualifierait aujourd’hui d’antique, avec oracles, pythies et prêtresses. Aucun besoin d’aller chercher une allégorie là-dedans; les Dieux sont nommés d’après la nomenclature gréco-romaine : Athéna, Jupiter, Apollon, etc. J’ai lu ici et là que les Cylons seraient quant à eux une métaphore pour désigner les extrémistes de l’Islam, poseurs de bombes. Et bien peut-être que l’un d’entre eux, Five, qui se fait exploser, est un adepte d’Allah sans le savoir. Et il est vrai qu’Allah ou Yahvé sont des Dieux de colère avant tout. Problème : les Cylons, quand ils croient à quelque chose, croient en un Dieu unique, un Dieu d’amour. Il faudrait être singulièrement bouché pour ne pas voir le rapport avec le Dieu du Christ (si Caprica Six est une vraie disciple du Christ, Leoben (Two) est plutôt un personnage dostoievskien qui cherche le Dieu du Christ sans jamais le trouver). Néanmoins, pour compliquer les choses un peu plus, leur leader intellectuel, sinon spirituel, est Cavil (One), un nihiliste au militantisme athée très vocal qui trouve un malin plaisir à se faire passer pour un prêtre de type chrétien. Est-ce vraiment un problème ? Pas vraiment. Ces différences profondes chez les Cylons expliquent bien leurs divergences de vues qui vont conduire à leur séparation finale et leur propre auto-destruction. Leur société, malgré les apparences, est beaucoup moins homogène que celle des survivants humains.
   Il y a néanmoins un sérieux problème pour concilier une prêcheuse d’amour telle que Six avec le génocide qui précède, d’autant qu’elle en est la pièce maîtresse. Je soupçonne cette fois une analogie chez les scénaristes avec le nazisme et sa détention du titre de plus parfait génocide réalisé à ce jour (record qui peut toujours être battu, n’en doutons pas). Mais les nazis, leurs chefs tout du moins et Hitler en particulier ne se présentaient pas comme des évangélistes que je sache. Il y a là une confusion embarrassante quoique probablement involontaire de la part de Moore. La raison de ce raccourci pour le moins discutable est certainement à chercher dans l’économie du récit. Moore avait besoin d’une apocalypse et donc d’un génocide pour justifier la fuite éperdue des survivants de toutes les colonies. Mais il avait besoin aussi de personnage(s) pour s’opposer au nihilisme des uns et à la superstition des autres (Roslin et Three, alias D'anna, en sont clairement des représentantes). Et Moore, qui est agnostique mais est issu d’une famille catholique, a naturellement pensé à la religion qu’il connaît le mieux. Pourquoi a-t-il choisi Six pour l’incarner est un mystère que je peine à percer. En fait, je ne vois pas d'autre raison que la relation très particulière entre Six et Baltar, incontestablement une des grandes réussites de la série. Mais pour ce qui est de l’articulation entre les deux états d’esprit, c’est incompréhensible moralement et psychologiquement, à moins de voir là une sorte de Paul au féminin qui après avoir été un adversaire du Christ ou du moins de ses disciples, se mue soudainement sur le chemin de Damas en son plus infatigable apôtre. Honnêtement, après un tel massacre des innocents, cela me fait penser, en terme de crédibilité, aux virages à 180° exécutés à toute vitesse par les vipers du Battlestar.
   Le sens général de la série est à chercher du côté de la foi en général plus que d’une religion en particulier. C’est incontestablement la foi qui permet aux survivants de se souder après la catastrophe, autour de la prêtresse des Dieux de Kobold, et suite à la révélation d’Adama. Dans un cas pareil, l’espérance ne suffit pas, ou pas longtemps : quelque chose de plus fort, de plus grand, doit être trouvé. Le livre sacré de Kobold fournit un véhicule pour cette foi. Il faut remarquer ici qu’on est bien plus ici dans la ligne de la foi juive et sa confiance absolue dans l’Ancien Testament (il suffit juste de savoir interpréter la parole contenue dans les rouleaux pour connaître les desseins de Dieu) que dans la religion greco-romaine. Et plus tard, avec l’influence toujours grandissante de la foi de Six et de quelques autres Cylons convertis, ce sera le tour de la foi chrétienne de prédominer, ce qui est évidemment une transposition de l’évolution de nos civilisations occidentales. Son aveu le plus spectaculaire est cette photographie réalisée pour l’ultime saison, que j’ai choisie comme illustration, où douze des principaux personnages de la série reprennent les postures de la Cène : si c’est évidemment un clin d’œil amusé et un moyen publicitaire quelque peu tape à l’œil, ça n’en est pas moins un aveu limpide de l’évolution de la série. À noter que sur les douze personnages représentés, sept sont des Cylons et une n’est ni humaine ni Cylon.
   Je ne vais pas parler  ici de la fin de la série pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte pour ceux qui n’auraient jamais vu Battlestar. De toute façon, les épisodes du dénouement, la découverte des « Final Five », les cinq derniers Cylons inconnus, y compris de leurs congénères, et le double épisode final méritent un article à part entière que j’écrirais peut-être un de ces jours. Si ces épisodes sont en effet loin d’être entièrement satisfaisants sur le plan artistique – terminer une série est toujours le plus difficile, surtout aussi complexe et enchevêtrée que celle-là – Ils sont en revanche particulièrement propices à la réflexion, aussi bien pour les réponses qu’ils donnent que pour celles qu’ils ne donnent pas.
   Pour conclure, et malgré tous les défauts petits ou grands de la série, je voudrais insister sur le contraste majeur qu’elle offre avec l’industrie audiovisuelle contemporaine. Battlestar Galactica ne cède jamais au politiquement correct qui est littéralement en train de miner les arts et les sciences dans leur ensemble après avoir sapé, depuis belle lurette, le cinéma. C’est en bonne partie grâce à ce refus du consensus et de la réduction au plus petit dénominateur commun que les personnages de BSG nous semblent si vivants et que les histoires qu’ils habitent sont si palpitantes.

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