dimanche 19 décembre 2021

Jeu De Mort : préface pour une édition future

 

Couverture du livre d'après une peinture de l'auteur


D’une manière générale, on ne devrait lire les préfaces qu’après avoir lu les livres dont elles parlent. Et donc on devrait les appeler des postfaces. Ou bien ne lire que les préfaces des livres qu’on n’a de toute façon aucune intention de lire, soit parce que le livre est trop gros (Une préface à la Critique de la Raison Pure me semble largement suffisante par exemple) soit que le propos nous intéresse mais que le style est indigeste (le pavé philosophique de Kant est toujours un très bon exemple), soit pour les deux raisons à la fois (et le livre précédent fait encore un meilleur exemple). Personnellement, il y a des livres célèbres, de gros romans surtout, que je ne connais que par la préface écrite par Borges ou par un autre préfacier de talent.

Après cette légère digression, venons-en au sujet. Jeu de mort est le sixième livre de la série des Sept Cercles De L’Enfer qui en compte, ou plutôt en compterait dans un avenir toujours plus incertain, un total de sept comme vous l’aurez probablement deviné. Comme souvent, ce livre est plutôt court, de la taille d’une longue novella, distance qui me convient particulièrement, que je peux courir presque les yeux fermés. La vérité est que je ne crois pas à l’enfer ni au diable. Mais il n’y a pas besoin de croire aux fées ou aux extra-terrestres pour écrire de bonnes histoires de fées et d’extra-terrestres. Je ne veux pas dire par là que je ne crois pas que les méchants n’aient pas de soucis à se faire quant à la question de la survie de leur âme mais que leur châtiment éternel n’est pas positif, si vous voyez ce que je veux dire par là. L’enfer est un vide et non un plein. Mais l’Enfer traditionnel n’est pas devenu mythologique pour rien : il est plus parlant et – d’un point de vue extérieur – nettement plus divertissant que le néant. Aussi ai-je choisi, sans avoir besoin de longtemps réfléchir, d’ignorer mes conceptions habituellement privilégiées pour cette série.

Néanmoins, un châtiment éternel, comme celui de Sisyphe, pris au pied de la lettre, a quelque chose d’excessivement absurde et c’est pourquoi, dans cette série, l’enfer a plutôt les caractéristiques généralement attribuées au purgatoire. Un purgatoire dur. C’est un genre de bagne, disons, mais sans qu’aucune clause de perpétuité vous soit signifiée : on ne sait juste pas combien de temps ça va durer ni si ça s’arrêtera un jour (contrairement à la vie) mais rien ne nous prouve non plus le contraire. Dans la série, Kólassy est clairement un exemple de ce type de purgatoire. Jeu de mort en est un autre.

Habituellement, le cercle de l’enfer en question était une planète, un satellite ou un vaisseau, plus ou moins sphérique, voire cylindrique. Ici, ce n’est rien de tout ça mais un O.D.I comme il est baptisé par les personnages du récit, un Objet D’Intérêt, apparu par une nuit très sombre en bord de mer, notre mer, ou disons celle des Américains, une sorte de bathyscaphe ou d’énorme coquillage, plus ou moins sphérique.

Le personnage central du récit est le Président de la première puissance mondiale, dont le nom n’est pas précisé, mais comme l’action se déroule à notre époque ou peu s’en faut (quelques détails peuvent mettre le doute), et qu’on n’est visiblement pas en Chine, le lecteur ne devrait pas avoir beaucoup de peine à combler ce vide d’information. Son Excellence Tommy est sur le point d’entrer dans sa campagne pour sa cinquième réélection, si tant qu’il en soit jamais sorti, et l’apparition de l’O.D.I pourrait se révéler fort néfaste dans cette perspective, qui est la seule qui compte pour un politicien. Imaginez : c’est un peu comme si une nouvelle épidémie, aux effets inconnus, vous tombait dessus alors que jusqu’ici le plan se déroulait sans accroc. Ces imprévus peuvent être parfois très contrariants. Et quand l’imprévu en question se révèle enfin sur son écran, flamboyant tel l’œil du Mordor, il ne fait plus aucun doute que la contrariété de Tommy ne va faire qu’empirer.

Mon ton ici est un peu trompeur car Jeu de mort n’est pas une comédie, pas même satirique. Une tragi-comédie à la rigueur. Mais elle est surtout tragique, pas très loin de l’horreur. Elle est aussi probablement morale mais j’ignore quelle est sa leçon ; comme je le laissais entendre plus haut, il est toutefois possible que ce soit une histoire de rédemption. 

Voilà, vous êtes prévenu.

Le livre est disponible ici.


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