samedi 2 juin 2018

InvasionS

Illustration pour le livre "InvasionS"

La veille, il avait oublié de fermer les volets de sa chambre. Durant la nuit, il avait eu un long rêve, et aurait aimé qu’il dure encore plus longtemps. Maintenant, un flot de lumière pâle mais agréable se déversait par la grande et haute fenêtre jusqu’à la tête de son lit. Il essaya de se renfoncer dans le sommeil et retrouver ce rêve merveilleux mais c’était trop tard, celui-ci le fuyait comme les ombres de la nuit devant le jour naissant. Les yeux mi-clos, il tâtonna pour trouver le vieux radioréveil mais malgré ses efforts, celui-ci refusa de produire autre chose que d’inaudibles grésillements. Ça aussi, il devrait le réparer. Plus tard, comme le grille-pain et le chauffe-eau (celui-ci se trouvait tout en haut de sa liste) auxquels il avait promis une réparation depuis des semaines. Ces objets avaient une sorte d’âme, se disait-il vaguement, une âme élémentaire probablement mais une âme quand même. En revanche, il n’aimait pas les choses neuves et retardait au maximum le moment d’aller au magasin. Pas parce qu’il n’avait pas les moyens de se les payer ou par avarice — du moins il aimait à se le dire — mais par un des rares principes philosophiques qui guidaient sa vie et pour le plaisir qu’il éprouvait à chaque fois qu’une machine se ranimait entre ses mains. Quand c’était possible, il préférait toujours une bonne occasion, et parfois même une mauvaise.
On était au début de l’été et le jour se levait grosso modo à cinq heures. C’était un lever très précoce, même pour lui. Tant pis, il finirait plus vite ce qu’il avait à faire, avant les fortes chaleurs. Aujourd’hui et pendant plusieurs matinées encore, il serait de corvée de bois. Il était déjà bien en retard sur son programme. En fait il n’avait pas de programme et c’était bien ça le problème.
De toute façon, il avait rendez-vous avec la fille Maëva à midi. Une drôle d’heure pour visiter son atelier mais ça ne l’étonnait pas. Les copines de son ami Stan avaient en commun l’absence de tout sens pratique et l’ignorance des heures de repas pour les vraies gens, les besogneux, les gens normaux comme lui, songeait-il en souriant intérieurement. Et c’est pourquoi, supposait-il, faisaient-elles si régulièrement appel à ses services. Pour ça et parfois pour autre chose, réfléchit-il en se sentant émoustillé par quelques souvenirs agréables.
Pieds nus, il se rendit dans la grande cuisine baignée par la même lumière douce — la plus belle pièce de la maison avec son atelier — et se mit à tâtonner à la recherche de la boîte de café dans ce demi-jour. Il versa les dernières miettes qui restaient puis ouvrit un nouveau paquet et tassa une double dose au fond du filtre. Ce serait le seul bon café qu’il prendrait durant les deux ou trois semaines à venir ; il avait intérêt à le savourer. Il alluma la cafetière électrique mais celle-ci refusa de s’allumer. Il tripota le bouton un moment mais le voyant resta éteint. Décidément, songea-t-il, ce n’était pas son jour. Sa liste s’allongeait à vue d’œil.
En attendant, il fit chauffer une casserole d’eau sur la gazinière. Il se consola en pensant que le café était meilleur quand on le passait à la main. Quand l’eau commença de frémir, il éteignit le feu puis versa très lentement l’eau sur le café, très méticuleusement, tout en savourant l’arôme qui se dégageait. Puis il prit sa tasse de café et s’empara d’une lampe torche. Il voulait vérifier le tableau électrique qui se trouvait au fond du garage. Tout était normal. Les pannes de secteur étaient assez courantes par ici et il se trouvait en bout de ligne, ce qui en soi est déjà un handicap. Il se promit que son prochain achat d’importance serait pour un groupe électrogène, d’occasion il va de soi.
Enfin, après avoir farfouillé ici et là, il ouvrit la porte du garage pour se rendre sur la véranda, dans l’idée de profiter des premiers rayons du soleil car celle-ci était orientée vers l’est. Et c’est seulement alors qu’il s’aperçut qu’il faisait nuit. Une nuit plutôt sombre qui plus est, sans lune.

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