Je vais ici présenter plusieurs peintures ou dessins dont je
n’ai pas trouvé d’utilisation. Mon objectif en matière picturale est toujours
utilitaire. Une création graphique est toujours destinée à l’illustration de
mes récits même si je ne sais pas toujours au moment où je le fais auquel d’entre
eux il s’adaptera le mieux. Et n’ayant que peu de temps à consacrer à cet
aspect de ma production littéraire, si on peut dire, je déteste le gâchis,
particulièrement quand l’illustration me paraît bonne, voire excellente, ce qui
m’arrive de temps en temps.
Une bonne illustration selon moi nécessite de remplir
plusieurs objectifs que je classerai par ordre d’importance de cette façon :
qualité artistique, résonnance avec le récit illustré, sens du mystère.
Explicitons un peu ces trois critères. Le premier n’a guère besoin de précision,
même s’il est évidemment subjectif et discutable… jusqu’à un certain point
(celui qui prétendra, même avec des arguments brillants que Mozart est un compositeur
très surfait, ou que Monet est un peintre du dimanche amélioré, deux artistes
que je n’apprécie pourtant pas beaucoup, n’a aucune chance d’obtenir ma pleine
et entière attention). Le second critère, pour être rempli, ne nécessite pas
que l’illustration soit une description fidèle d’une scène en particulier du
récit. Je dirais même : au contraire. Une description trop fidèle de la
lettre est une sorte de redite, une lourdeur souvent inutile. Elle risque de
manquer l’essentiel – pas toujours mais souvent – qui est l’esprit du texte.
Des exemples de ce que je considère comme des bonnes couvertures peuvent être
consultés ici : vous noterez que plusieurs sont illustrées de dessins ou
peintures réalisés bien des années, voire des siècles avant le livre et
n’avaient donc pas ce but particulier. Elles ont été choisies à juste titre par
la maison d’édition, peut-être pour des raisons de droit et donc d’économie,
mais surtout parce qu’elles collent merveilleusement avec le livre en question.
Disons qu’une bonne illustration doit au minimum refléter l’un des thèmes
centraux du récit et permettre au lecteur de se faire une idée assez juste de
ce qu’il a entre les mains ou sous les yeux (s’il fait ses achats, comme moi,
par internet). Une bonne illustration donne donc plus qu’une simple
description : elle ajoute le propre regard de l’artiste sur le récit, elle
ouvre de nouvelles perspectives plus hardies à l'imagination du lecteur, elle
enrichit le texte, elle l’illumine, ce qui était, je crois, le sens primitif du
terme illuminations. Le troisième critère est sans doute le plus personnel des
trois et donc le plus discutable. Par mystère, je n’entends par un de ces mystères
anecdotiques que l’auteur de “mystères” se propose généralement de résoudre
dans les dernières pages de son histoire mais cette sorte de mystère auquel ni
moi ni vous ni personne ne peut apporter de réponse. La poésie, la musique,
l’art pictural comme on en a ici quelques exemples plus ou moins réussis, sont sans
doute plus aptes à en suggérer une, au-delà de la raison, que toute autre
méthode.
Comme donc je déteste le gâchis et que je ne voyais pas à lequel de mes récits pouvaient convenir ces peintures, j’ai pris le problème à l’envers. Et si j’inventais une histoire pour illustrer ces peintures. Voici quelques-unes des ébauches, très succinctes, qui m’ont été suggérées par ces objets graphiques non identifiés, ces peintures ou ces dessins.
Pour être franc, j’ai déjà utilisé cette peinture pour la couverture d’un recueil fantastique. Mais je n’ai aucun récit qu’elle illustre en particulier. C’est l’avantage des recueils de nouvelles (entre autres choses) : la couverture peut être beaucoup plus lâchement reliée à son sujet. Son titre qui fournit le thème principal, Amour & Lycanthropie, est pourtant une indication précieuse. Incontestablement, cette scène domestique entre ombre et lumières est pour moi teintée de danger, un danger imminent, en plus d’avoir une charge érotique certaine, et ce danger vient à coup sûr de la femme. Son étrange visage, pas vraiment régulier, son demi-sourire, son air lupin me font immédiatement penser qu’elle n’est pas ce qu’elle paraît. Dans ce cas, pourquoi ne serait-elle pas une louve-garou? Bizarrement, les loups garous sont toujours mâles ou presque, et bien qu’il y ait sans doute une bonne raison à ça, il n’y a sûrement rien qui empêche que dans des cas exceptionnels, il puisse se révéler de l’autre sexe. Donc la femme est un loup-garou. Qui est l’homme dans ce cas ? De toute évidence, il est inconscient du danger qui rôde dans cette pièce. Son attitude dénote de la satisfaction, de la fatuité même, devant le devoir accompli, ce qui signifie probablement que la femme n’est pas sur le point de se coucher mais qu’elle vient au contraire de sortir du lit. Elle dénote aussi un calme et une relaxation qui confirment le précédent point. Pourquoi est-il si confiant ? Probablement parce qu’il a déjà été dans cette situation un grand nombre de fois et qu’il ne s’est rien passé de grave. Ce n’est pourtant pas son mari. Les mains de la femme sont à contrejour mais il est certain qu’elle ne porte pas d’alliance ni de bague à la main gauche, pas en tout cas à l’un des doigts conventionnels. Elle n’est donc pas mariée. Clairement, c’est une chasseuse, une prédatrice à l’affût que nous voyons : il suffit de considérer son expression de ruse et de férocité. Celle-ci est dissimulée au regard de l’homme mais non à celui du spectateur, en raison du miroir qu’elle utilise pour épier son compagnon au moins autant que pour vérifier l’état de sa chevelure qu’elle est en train de peigner. Il y a aussi de la moquerie dans cette expression. Elle sait qu’elle a réussi, encore une fois, à tromper sa victime. Elle a obtenu tout ce qu’elle attendait de lui maintenant, excepté une chose, le plaisir indicible qu’il y a à lui planter ses crocs dans la nuque. Elle sait que le moment est maintenant idéal. L’homme est parfaitement détendu et prêt pour le sacrifice. Peut-être va-t-elle se transformer mais d’une manière qui échappera probablement à l’attention de sa victime. Je doute qu’elle devienne soudain poilue et hirsute, sinon pourquoi mettrait-elle tant de soin à se coiffer avant l’acte final. Je pense même qu’elle va revêtir une tenue plus compatible avec l’idée que se fait cette chasseresse de ses hautes œuvres. Elle doit avoir en effet une sorte d’idéal, ou de motivation non vénale, délirante sans doute, mais assez forte pour accepter le sacrifice d’une robe ou de cet uniforme qu’elle s’apprête à enfiler.
Cette illustration-là n’est pas pour une publication avec
Amazon. Les règles édictées par les gens d’Amazon sont beaucoup trop puritaines
à cet égard, ce qui ne les empêchent pas de publier des quantités de livres
érotiques qu’on est censé ne pas voir mais quand même acheter (allez
comprendre !). La précédente pouvait passer, à la rigueur, parce que c’est
sombre et qu’on ne voit rien en dessous de la taille. Mais les fesses, non, surtout
celles-là, c’est ce qu’ils ne sauraient voir.
Personnellement, je la trouve bien jolie et pas choquante du
tout, surtout pour une démone. Ses cornes lui prêtent même un petit air de
jeune fille sage, comme si c’était un ruban noué dans ses cheveux. Mon avis est
qu’elles sont fausses. Peut-être revient-elle d’un bal costumé.
Un vaisseau spatial au-dessus d’un lac de montagne embrumé.
Un lever de soleil rose, aveuglant, mais laissant apercevoir des étoiles ou des
planètes ici et là. Plus intéressant, deux petits personnages en noir, assis
sur un débarcadère, qui semblent regarder le vaisseau (d’ailleurs que
pourraient-ils regarder d’autre ?). C’est l’automne, il fait frais,
presque froid. Plus personne ou presque ne monte jusqu’ici.
Je ne vois aucune raison de penser que nous sommes autre
part que sur Terre, en altitude, là où le ciel est plus bleu, plus sombre. Le
vaisseau spatial, ou disons pour l’instant la machine volante, doit venir d’un
autre monde. Son origine pourrait être terrestre si le récit se situait dans le
futur mais pourquoi passerait-elle alors si bas, dans un endroit aussi désert,
où il n’y a clairement pas d’astroport envisageable ? Non, il s’agit d’une
machine extraterrestre et donc, comme je l’affirmais au début, un vaisseau
spatial. Les deux personnages spectateurs sont aussi des extraterrestres, tant
leur attitude paraît incompatible avec celle de randonneurs ou de pêcheurs terriens
voyant passer un aéronef aussi étrange juste au-dessus de leur tête. Leur habit
noir pourrait être un uniforme mais je crois plus probable qu’il s’agisse d’une
combinaison de plongée. Le couple a été largué au-dessus du lac comme d’un
hélicoptère volant en rase-mottes et le vaisseau est en train de repartir vers
sa base, sur la face cachée de la lune peut-être. Cela explique l’endroit
isolé, loin des regards.
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