Voici pour commencer l’année un article très bref mais à la haute valeur ajoutée, sous forme de futures et imminentes royalties, grâce à mes brevets.
Le
podomètre est une très belle invention. Sa portabilité, son utilité, sa
nécessité oserais-je dire même, ne sont plus sujets de discussion puisque tout le
monde connaît quelqu’un qui possède et parfois
même, notez bien la nuance, utilise cet article indispensable. Dans cette série d’innovations
géniales et pourtant si simples qu’on se demande comment on n’y a pas pensé
soi-même le premier, je propose le momètre®. Très
simple donc, et portable à la boutonnière de préférence, il comptabilisera
vos mots réellement prononcés, et donc audibles par le micro miniaturisé en
forme de fleur ou de coquillage ou de tête de mort ou encore, pourquoi pas, de
vulve, si vous tenez à afficher votre courageux militantisme pour un progrès
social toujours plus vertueux (et vous faites bien). Naturellement, si vous êtes du genre comme moi, pour l'essentiel, à parler
tout seul et tout haut, il faudra penser à déduire tous les mots prononcés dans
des plages horaires où vous étiez manifestement seuls et où votre téléphone n’a
enregistré aucune conversation. Il faudra donc dans l’avenir que j’implémente
un logiciel supplémentaire capable de repérer, grâce à quelques mots-codes, nos
conversations par portable, skype ou zoom, afin de les ranger dans la bonne
catégorie, à savoir, conversations virtuelles et leur attribuer un coefficient
différent, inférieur selon moi, ou peut-être supérieur après tout (les Experts
jugeront), puisque cela risque à relativement court terme de devenir la norme. Et
voilà, c’est fait.
Vous
pourrez ainsi mesurer objectivement votre sociabilité et votre sens de la
convivialité. Pour certains, il sera très faible. Mais il sera donc d’autant plus
facile d’augmenter votre score. Prenons mon exemple puisque j’ai des données
très fiables à ce sujet. Mon score non seulement n’augmente pas mais a tendance
à diminuer. De par mon métier, forestier, ma région d’activité (vous me direz
que les deux ne doivent pas être complètement indépendants) et mon caractère,
mes scores en la matière sont généralement extrêmement décevants, mais avec des
pointes journalières ou horaires aussi imprévisibles qu’impressionnantes. Je peux
dire que certains jours, mon score est inférieur à cent, en comptant
rigoureusement tout, y compris les saluts et les s’il vous plait et les
passe-moi le sel sans s’il te plait, y compris en incluant les conversations
virtuelles dont je parlais plus haut. Et je n’ai pas besoin de l’excuse d’être
de mauvaise humeur ou d’être ermite sans femme ni enfant pour atteindre, si je
peux dire, un score aussi éminent. Dans notre future Grande République de Chine, mon score social ne présage pas d’un brillant et long avenir en ce qui me
concerne mais ce n’est qu’un détail insignifiant face à l’immense progrès qui s’annonce.
Une
autre utilité incontestable de mon invention sera de vérifier la fausseté de l’idée
courante, si tenace et si malheureuse, que les femmes parlent plus que nous,
les hommes, et paraît-il même, beaucoup trop. Naturellement, comme nous en
informe déjà régulièrement une source autorisée à la TV, je ne doute pas un
instant du résultat qui sera que les femmes ne parlent pas plus que les hommes
et peut-être, surprise ! beaucoup moins. C’est en effet à cela qu’on
reconnaît un vrai scientifique comme on les aime dans notre Nouvelle Chine, à
savoir qu’il connaît le résultat avant même de faire l’étude. Néanmoins, quelques
chiffres sont toujours utiles et plaisants à la fois pour publier ses résultats
ornés de tableaux ou graphes dans les revues sérieuses, c’est-à-dire revues par
les pairs.
Ma
seconde invention de l’année est le déconomètre®.
Celle-ci demande une technologie beaucoup plus évoluée et disons-le carrément, c'est de l’IA très haut de gamme. Mais cela ne me fait absolument pas peur. Et d’ailleurs
voilà, c’est fait. Il s’agit en effet de traiter les données brutes fournies
par ma première invention, le momètre® et de traquer les conneries
incontestables que vous avez prononcées en une journée. Cette invention est particulièrement
intéressante et propice à l’amélioration individuelle continue. Bien sûr les
critères fixés pour évaluer la catégorie dans laquelle tombe chacune de nos
phrases ou expressions pourront et devront être définis par les Experts de
notre Nouvelle République Démocratique Progressiste (NRDP, le F a été jugé de
trop, dépassé, ringard pour prendre un langage populaire dont on sait que je ne
suis pas coutumier). On pourra tirer de plus des informations autrement
impossibles à réunir. Car l’essentiel n’est pas le nombre moyen absolu de
conneries que vous prononcez dans une journée ; c’est le ratio entre le
nombre de mots prononcés/jour et le nombre de conneries prononcées/jour. Il
serait trop facile en effet d’échapper à la juste accusation d’être un con en ne
prononçant de toute la journée que des phrases sans risque, du style de celles
que j’ai énumérées plus haut : merci, bonjour, au revoir, s’il vous plait,
un vrai temps de chien ce temps, etc. Ce serait donner une prime à des individus de mon
acabit, et donc totalement immoral, et donc totalement contre-productif. Il sera
donc nécessaire d’associer mes deux inventions à l’échelle mondiale et je me
figure déjà l’étendue astronomique de mes futures royalties. Mais naturellement,
rassurez-vous, tout finira par être reversé au Parti, je veux dire au Peuple.
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