Fille des Étoiles est
un titre kitsch. Je l’ai néanmoins préféré à La Fille de Lucifer, qui aurait
été tout aussi kitsch et en plus lourdement gothique. La lourdeur du gothisme
ne me convenait pas, encore moins un gothisme lourd. Bien que Fille des Étoiles
est un roman sombre dans l’ensemble — même la fin n’est pas si rose si vous y
réfléchissez à deux fois — il est plutôt léger, presque éthéré à certains
moments.
Toutefois, le titre que je me suis refusé aurait eu le
mérite de la clarté. Le roman raconte effectivement les tribulations de la
fille de Lucifer, ce qui paraît tout indiqué pour commencer une série portant
le titre de Sept Cercles De L’Enfer.
J’ai renouvelé la vieille mythologie à la sauce SF. Lucifer est devenu un
extraterrestre métamorphe quasi immortel, dont le nom est Drev, transformé en
Andreï Tcherniev pour les besoins de sa naturalisation (mais on peut supposer
qu’il a dû avoir bien d’autres noms avant celui-ci). Andreï Tcherniev peut
d’ailleurs se traduire par L’Homme Noir. Pourtant, ce n’est pas tant la
noirceur du diable qui m’occupe ici que le sens premier de ce nom :
Lucifer = porteur de lumière. C’est donc lui, grâce à un savoir venu d’ailleurs
et au nombre gigantesque de ses années, qui apporte la clé des étoiles à
l’humanité. Néanmoins, comme c’est Lucifer, il ne le fait évidemment pas pour notre
bien mais seulement par intérêt personnel. Comme a dit Hugo, Satan est celui
qui toujours fait le bien en voulant faire le mal (le toujours étant peut-être
de trop mais allez savoir avec ces poètes). Drev a comme dans la légende été
chassé, exilé de son monde, déchu de ses droits et possessions, rendu incapable
de voyager à nouveau dans l’espace. Et bien entendu, il désire se venger. Dans
ce cas, sa vengeance sera un plat qui se mange très froid, qu’il ne mangera en
fait pas du tout puisque si elle a lieu, elle ne pourra se faire que par
procuration.
Dans mon récit, il commet un autre genre de bien involontaire
en faisant une fille, à sa plus grande surprise, sûr que rien ne pourrait
sortir de l’union d’un extraterrestre et d’une terrienne. Mais le fait que Drev
soit métamorphe joue sûrement un rôle là-dedans. Peut-être que ses gènes
eux-mêmes se sont métamorphosés pour convenir à ceux de la terrienne aimée (car
il est capable d’aimer dans mon histoire), ce qui expliquerait qu’il perde
aussi son immortalité à la naissance de Nat, la Fille des Étoiles en question,
la clé pourrait-on dire (peut-être aurais-je dû appeler ce livre La Clé des Étoiles :
trop tard).
Nat ressemble à son père physiquement : elle est donc
très belle, blonde, lumineuse, et vieillit plus lentement que ses compagnes de
voyage sans être éternelle. Elle a aussi quelques pouvoirs de métamorphose,
beaucoup plus réduits que ceux de son père. Ainsi, dans un moment d’émotion
extrême, elle peut reconfigurer sa main pour s’enlever une lame plantée dedans,
entre les os, ou changer de sexe quand elle dort et rêve, probablement. Pour le
caractère, elle doit ressembler à sa mère, suppose-t-on. Elle déteste son père
ou dit le détester. Mais on notera au cours du roman des points communs entre
la fille et le père, comme un air de famille, en particulier sa faculté pour
raconter des histoires. Elle n’est en tout cas certainement pas diabolique. C’est
plutôt une fille assez ordinaire, accablée par son diable de père, plongée dans
une situation qui ne l’est pas du tout.
Ne pouvant voyager plus loin que l’atmosphère terrestre, et
encore grâce à un stock de médicaments, sans doute de sa propre fabrication
(Andreï Tcherniev porte le titre de Docteur), il envoie donc sa fille vers les
étoiles avec d’autres camarades de son âge, issues d’un programme d’amélioration
génétique, accompagnée d’un psy humain, à la solde du père, et d’une bande de
robots humanoïdes formant l’encadrement de l’équipage. L’amélioration est
évidemment très relative. Elle n’est conçue que pour leur permettre de
supporter les rigueurs inhumaines du voyage spatial. Certains jugeraient qu’elles
sont des monstres. Leurs frères sont également améliorés mais dans un objectif
différent, celui d’être des sortes de super-guerriers, destinés à conquérir et
subjuguer ceux qui ont condamné Drev à l’exil. Comme ils sont incapables de
supporter les rayons cosmiques, ils sont enfermés durant tout le trajet dans
des caissons de sommeil : on les appelle les Dormeurs.
Mais tout cela arrive bien trop tard. La civilisation qui a
condamné Drev n’existe plus et sans doute depuis longtemps quand le vaisseau,
La Matriochka, arrive enfin à destination (mais pas à bon port, ce serait
vraiment trop dire). Drev ne le saura jamais mais il n’aura pas sa vengeance :
son plan, comme toujours a échoué. Son clone, Drev Dwight-Dir (ou Drev 22, alias
commandant Andros) qui ne peut en aucun cas être une continuité de l’entité Drev
(quand vous mourez, vous mourez : point final) et le veut encore moins, le
trahira et préfèrera prendre la fille de l’air que de suivre le “Grand Destin”
que lui avait tracé son procréateur. Quant à sa fille, elle fera tout ce qu’elle
peut pour redresser le mal du père.
Et finalement, comme dans les contes de fées, elle se
mariera avec un indigène de la nouvelle planète, métamorphe évidemment, sera
très heureuse et aura beaucoup d’enfants roses et bleus.
Autre article sur ce livre : ici.
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