Comme les plus fins observateurs l’ont noté — ou ceux, presque aussi fins, qui ont lu mes vingt-trois articles parus sous le libellé "transformation de notre monde" — nous vivons un moment charnière de l’Histoire. L’Histoire de l’Humanité. Quelle chance nous avons ! Ah, bien sûr, ce serait plus stimulant et pour tout dire nettement plus revigorant à contempler depuis une datcha de Sibérie Orientale, ou la grande muraille de Chine, ou même un balcon avec vue à Téhéran. J’avais écrit il y a de cela quelques années dans l’un des articles susmentionnés que l’Empire US (dont nous sommes partie en tant qu’acolyte dispensable et parfaitement sacrifiable) semblait commencer à vaciller. Eh bien nous pouvons maintenant sans crainte nous défaire de cette prudence rhétorique et remplacer vaciller par crouler. L’Empire ne marche pas à sa perte, il court et y court de plus en plus vite. Quel spectacle stupéfiant, à peine croyable, ce doit être pour les Russes ou les Chinois d’observer cette légion de lemmings qui se pressent à qui mieux mieux pour sauter le premier dans le vide. On pensait que c’était une légende, un simple conte pour enfants, et voilà que cela se passe devant nos yeux ! On croyait que ces grands basculement se produisaient sur des siècles et on découvre que cela n’a pris qu’une petite demi-douzaine d’année. On s’imaginait qu’on avait le temps, que la métamorphose procéderait comme l’érosion des montagnes, à tout petits pas continuels, en quelque sorte par une évolution darwinienne et c’est à un bond de géant qu’on assiste, à des montagnes qui se déplacent et courent se jeter dans l’abîme !
Le premier catalyseur de cet effondrement brutal a été la
pandémie covid et la décision de l’Occident, invraisemblable à l’époque et
toujours incompréhensible aujourd’hui, de saper les fondements même de notre
société, aussi bien économiques, sanitaires que politiques, de casser les
derniers liens qui subsistaient entre les populations et leurs dirigeants.
Depuis, ces mêmes dirigeants (qui n’ont absolument pas changé) opèrent dans un
découplage total de leurs peuples qu’ils sont pourtant censés représenter.
Consternés mais plein d’un espoir naïf, ces peuples jettent et élisent à tour
de rôle leurs leaders de pacotille pour s’apercevoir que rien ne change, que
les nouveaux sont des clones des précédents et généralement pires. Un nouveau totalitarisme libre et démocratique s’y est épanoui dans toute sa
splendeur. Le second catalyseur a été la guerre d’Ukraine. A partir de ce
moment, on a assisté à un vrai concours entre toutes les incompétences
rassemblées, à un vrai feu d’artifice à l’envers, c’est-à dire celui où toutes
les fusées reviennent à l’envoyeur. Cela est particulièrement flagrant dans
l’Eurozone. Et dans ce concours, la France n’est pas loin de prendre la
première place, quoiqu’elle ait une concurrence rude juste à sa droite et juste
à sa gauche.
Il ne faudrait qu’une goutte de plus, une goutte
d’incompétence de plus, pour que la troisième guerre mondiale, qui sera la
dernière et d’évidence la plus grande, achève de détruire ce qui est encore
debout par ici. Durant ce dernier mois, nous sommes passés deux fois à un fil
de ce dénouement abrupt et définitif pour ce qui nous concerne. La première a
été quand les services spéciaux ukrainiens, payés, aidés et supervisés par les
services spéciaux de l’Empire (CIA en premier lieu) ont exécuté leur attaque de
drones sur les cinq bases de bombardiers stratégiques russes. Les bombardiers
stratégiques s’appellent ainsi car ils servent à la dissuasion nucléaire.
L’attaque n’a pas été aussi concluante que prévue et seuls quelques avions ont
été détruits. Mais que se serait-il passé si cela n’avait pas été le cas, et
que la Russie ait perdu dans l’opération la totalité ou même les trois quarts
de ses bombardiers stratégiques. Si elle avait perdu un des trois piliers sur
lesquels est assis sa dissuasion nucléaire. Et qu’aurait-elle pensé du plan
occidental ? Si vous n’arrivez toujours pas à visualiser le problème, vous
n’avez qu’à inverser protagoniste et antagoniste : mettons donc que ce
soient les Russes qui aient tentés de détruire tous les bombardiers statégiques
US ; quelle aurait été à votre avis la réaction des USA ? Cela
peut-être un préalable à une attaque massive du pays, voilà ce qu’elle aurait pensé. Rien n’assure qu’elle aurait attendu de vérifier si ses craintes étaient
fondées. Et voici un fait : la Russie a plusieurs centaines de têtes
nucléaires de plus que les USA. Pourquoi ? Parce qu’elle rajoute au nombre
des têtes possédées par les US celles possédées par l’Europe, à savoir les
roquets de France et d’outre-manche. Et une autre chose est certaine, les
premiers visés seront justement ces deux-là. Pourquoi ? Parce que cela
servira d’avertissement sans frais au géant d’outre-Atlantique et parce que ce
géant, séparé par un océan du champ de ruines, ne prendra certainement pas le
risque d’une contre-riposte nucléaire pour venger ses alliés. On le sait depuis
longtemps, tel est le destin des alliés des USA. Le second événement qui nous a
fait frôler la guerre mondiale est l’attaque israélienne des installations
nucléaires militaires (si elles existent) et civiles de l’Iran. Commençons par
noter qu’il n’y a en réalité pas plus de preuve de nucléaire militaire en Iran
que d’armes de destruction massives en Irak quand Powell venait agiter sa fiole
pleine de poudre de perlimpinpin sous les yeux ahuris de L’ONU. En fait, c’est
même le contraire, puisque le Pentagone lui-même, et l’IAEA, organisme à la
solde de l’Occident, a récemment estimé qu’il n’y avait aucun programme
nucléaire militaire en Iran. Notez qu’ils ne parlent pas de bombes mais de
programme ! Alors que ces mêmes personnages savent depuis belle lurette
qu’il existe non seulement un programme nucléaire militaire en Israël en cours
mais aussi des bombes très concrètes elles (généralement évaluées à une grosse
centaine). Une autre précision : parmi les cibles nucléaires civiles
ciblées par l’attaque israélienne se trouvait une centrale en cours de
construction. Et devinez par qui elle est construite : Rosatom. Ce qui
signifie qu’il y a obligatoirement du personnel russe sur ce site. Imaginez
encore ce qui aurait pu se passer si l’attaque avait été plus "réussie". Enfin, il y a le fait non négligeable qui rend la
situation encore plus explosive que l’Iran a signé un partenariat stratégique
et militaire avec la Russie.
Les deux événements précédemment cités ont été suivis
aussitôt d’échanges téléphoniques entre Trump et Poutine, que même le diplomate
le plus blasé ne pourrait qualifier de cordiaux. C’est mieux que rien. Dans les
deux cas, Trump a joué la carte de l’irresponsabilité. « Je ne savais pas,
les US n’étaient pas au courant, etc. ». C’est une carte particulièrement
faible à jouer pour un supposé chef d’Etat. Car pour Poutine, cela ne peut
signifier que deux choses : soit tu mens, soit tu n’as réellement pas été
mis au courant par tes services, ce qui veut dire que tu n’as aucun pouvoir de
décision. Et dans tous les cas, ta crédibilité est égale à zéro. Bien sûr que
Poutine sait que les USA sont derrière la provocation ukrainienne et la
provocation israélienne. D’ailleurs dans le second cas, Trump n’a pu s’empêcher
de se vanter sur les réseaux sociaux (quand il croyait encore que l’opération
était « big and beautiful ») qu’il savait tout à l’avance et que tout
avait été coordonné entre Israël et son grand patron. Notez qu’il n’est pas sûr
qu’il ait dit davantage la vérité la seconde fois que la première; ce genre de personnage préfère être tenu pour un
menteur et un criminel que pour un niais (vous n’avez qu’à songer à la bonne
Merkel et au bon Hollande qui ont préféré prétendre avoir menti aux Ukrainiens
du Donbass en 2014 puis 2015 lors de Minsk 1 et Minsk 2, feignant de tirer les
ficelles alors qu’ils se sont simplement aplatis devant la volonté étasunienne)
Il faut se résigner à la vérité : Trump est certainement un grand homme de
spectacle, un excellent showman, bien meilleur que Zelenski par exemple ;
il est aussi un remarquable vendeur de tapis et autres biens immobiliers, à
l’instar de son compère et confrère en escroqueries planétaires Musk, mais
c’est un homme politique incompétent, qui ne comprend pas les bases de sa
fonction. Avec Biden, on savait au moins à quoi s’attendre car nul n’est plus
prévisible que ce genre de crapules simples, dont les US nous ont habitué
depuis des lustres. Mais qui peut prédire ce que fera ou ne fera pas un idiot
incompétent et vaniteux à la tête de l’une des trois puissances
mondiales ?
L’incompétence de Trump a été selon moi amplement prouvée
durant les quatre premiers mois de son mandat, s’il nous restait un doute après
l’échec du premier, et tout particulièrement lors de ce dernier mois. Je ne
doute pas de sa sincérité. Il veut certainement faire la paix à sa manière et
faire du commerce à sa manière (des manières proches d’un businessman maffioso).
Mais peut importe ce qu’il veut, ses bonnes ou mauvaises intentions, son incompétence à ce
poste envoie son pays tout droit vers ces régions chaudes aux relents de
souffre qu’on ne peut nommer, et par voie express. Bientôt, à l’échelle de
l’histoire humaine que j'ai adoptée c’est bientôt, Les USA rejoindront à leur tour ce grand
cimetière des civilisations disparues, après les Olmèques, les Mayas, les
Aztèques, les Incas, les Egyptiens, les Babyloniens, les Perses zoroastriens,
les Grecs, les Romains, les étrusques, les Phéniciens, les Mongols, les
Ottomans, les Arabes et les Eurozonés d’Europe.
Tout l’inverse de Trump est un vrai chef d’Etat, un serviteur de son pays, un serviteur de son peuple. Il ne se soucie pas de son
image. En fait, c’est même le cadet de ses soucis. Il œuvre le plus souvent
dans l’ombre, dans l’ombre des médias et même de la postérité. Il n’a pas
d’idéologie fixe. Peu importe qu’il porte le nom de Président, Premier
Ministre, Premier Secrétaire, dictateur, roi, empereur, tsar, chancelier, peu
importe qu’il soit dit de droite ou dit de gauche, le grand homme d’Etat se
pose toujours la même question : quelle politique peut fonctionner ici,
non pas dans un monde abstrait et idéal mais maintenant, tout de suite, dans ce pays-là,
mon pays ? Qu’est-ce que je peux faire d’utile dans le temps limité où
j’ai la charge de tous ces gens qui vivent dans ce pays ? Et il se
reconnait toujours à son œuvre : l’amélioration continue des principaux paramètres
de vie du peuple qu’il dirige et donc qu’il sert. Parmi tous les grands hommes
d’Etat qui ont existé lors du précédent millénaire, l’un d’eux s’est
particulièrement distingué. En fait il a procédé à une sorte de miracle vers la
fin du vingtième siècle qui pourtant, vu d’Occident, nous a échappé pour
l’essentiel, tout occupés que nous sommes à contempler notre nombril et à nous
féliciter de notre inénarrable et incomparable démocratie. Une métamorphose
pareille n’était jamais arrivée avant, au moins avec cette rapidité
spectaculaire. Au lieu cette fois d’assister à ce spectacle grandiose mais
quelque peu accablant d’une montagne qui disparaît dans les abysses,
l’observateur fin dont je parlais au début de cet article a pu contempler
l’apparition puis le soulèvement d’une montagne devant son balcon, bientôt si
haute qu’il n’a plus pu voir son sommet, ou qu’il n’a plus voulu le voir, étant
donné la gêne qu’il ressentait dans le cou et ailleurs à devoir regarder de bas
en haut celui qu’il regardait autrefois de haut en bas.
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