Radiohead + Clive Deamer, arrivé pour The King Of Limbs |
Un principe suffisamment
démontré dans l’histoire contemporaine est que le succès d’un disque — ou d’un
livre d’ailleurs — est inversement proportionnel à la dose d’originalité qu’il
contient. En d’autres termes, un gros vendeur, disons un bon fabricant de
tubes, ou de best-sellers, ne doit s’écarter des recettes en vigueur à son
époque (s’il s’en écarte !) que dans l’optique d’ajouter une pincée de
piment, pas trop fort, à son ragoût habituel. De même, un trop haut niveau d’exigence
artistique est généralement fatal pour alimenter comme il se doit le tiroir-caisse. En résumé,
on pourrait dire qu’un produit destiné aux hit-parades et aux divers top 10 ne
doit jamais trop s’écarter de la moyenne et des conventions régnant dans le (/les) pays et l’époque où il apparaît.
Comme dans
toutes ces règles vaguement socio-économiques, il existe, par bonheur pour les
gens comme moi qui pensent que le succès devrait être à la hauteur de la réussite
artistique ou de l’originalité, quelques notables exceptions. Elles sont très
rares cependant. Je les estime personnellement à une pour cent. Comme toujours
on pourra discuter de ce chiffre que je viens de tirer de mon chapeau. Peu
importe, on a compris l’idée.
Dans cette
optique, je n’ai pas peur d’affirmer que Radiohead est un authentique miracle
moderne. Dans le monde de la musique contemporaine — oui, oui, y compris la
musique dite “sérieuse” — je ne vois pas beaucoup de musiciens aussi novateurs et artistiquement accomplis. Ici, comme
indiqué, le et est crucial ; c’est
même ce qui distingue ce groupe de nombreux autres novateurs, grands
expérimentateurs mais assez piètres praticiens si j’ose dire. En gros, avec
Radiohead, on a à faire à des trouveurs quand la plupart des autres se contentent
d’être des chercheurs.
Kid A est
probablement le plus magnifique exemple de ce que j’avance. L’audace et l’originalité
se conjuguent avec un aboutissement artistique exceptionnel, rarement atteint
dans le reste de leur œuvre (je n’excepte pas, surtout pas, OK Computer, bien
plus inégal et moins satisfaisant en tant que tout que cet ovni extraterrestre qu’est
Kid A). Même encore récemment, ils nous ont gratifiés de quelques opus
remarquables selon les critères cités plus haut. Je pense en particulier à The
King Of Limbs, plutôt mal accueilli par le public et encore plus mal, à tort de
mon point de vue, par la critique. Le reproche qui leur a été le plus souvent
adressé par cette dernière, particulièrement malavisée, est que l’album n’offrait
rien de neuf. Eh bien je ne connais rien, pas même dans leur discographie, qui
ressemble à cet album pris dans son ensemble (il faut absolument l’écouter dans
son intégralité car sa force tient précisément à son unité étrange et polymorphe).
En revanche leur dernier opus révéré par cette même critique, A Moon Shaped
Pool, quoique plutôt agréable et réussi en effet, avec même deux ou trois très
bons titres, fait clairement du neuf avec du vieux. Je dirais que c’est un autre
Hail To The Thief, en moins bon.
Sans doute
trouvera-t-on dans le monde musical actuel, en cherchant bien, d’autres
exemples de cette justice scandaleuse où l’argent et la gloire vont à ceux qui
le méritent le plus. Mais à un degré aussi anormal, j’en suis moins sûr.
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