Illustration pour La Porte, nouvelle "inspirée" par C.A. Smith |
De
nos jours, il ne fait pas bon parler d'inspiration si vous êtes
écrivain ou artiste, et encore moins si vous n'appartenez à aucune
de ces deux catégories. Vous passeriez pour un mythomane, un
inadapté, un fainéant, un parasite ou, ce qui est pire car il
réunit les quatre dans l'imaginaire contemporain, un poète. Ne vous
laissez jamais traiter de poète. Si vous ne comprenez pas pourquoi,
c'est que vous n'en êtes probablement pas un et c'est tant mieux
pour vous.
Il
n'y a pas de véritable poésie sans inspiration. Je ne vais perdre
mon temps à essayer de vous démontrer cette affirmation ;
c'est un axiome. Il n'y a pas d'art qui vaille sans poésie. Voilà
mon second postulat indémontrable. Il va donc de soi qu'il n'y a pas
d'art qui vaille sans inspiration.
L'inspiration
est ce moment magique, bref et intense où de nombreuses idées, de
nombreuses images, de nombreuses émotions se cristallisent sous une
seule forme si lumineuse, si évidente que vous ne pouvez pas vous
empêcher de penser : « Bon sang mais c'est bien sûr ! »
ou « Eurêka ! » si vous êtes grec et nettement
plus distingué. Ce n'est pas une idée, c'est un véritable monde
qui vous est donné à voir. Pour un écrivain, l'inspiration apporte
un gain de temps et de confort considérable, sans parler du reste.
Tout est si clair, si précis, si détaillé que vous n'avez presque
qu'à laisser courir la pointe de votre crayon si vous êtes adepte,
comme moi, de ces ustensiles préhistoriques, ou taper comme un pic
épeiche devenu fou sur votre clavier d'ordinateur. Eh oui, ça
n'arrive pas que dans les romans et les films.
Dans
mon cas, l'inspiration, telle que je l'ai définie plus haut, procède
de causes secondaires bien distinctes. A dire vrai, je suis
incapable de remonter à la source. Mais dans de nombreux cas, je
peux retrouver cet élément déclencheur. Souvent, il s'agit bien sûr
d'un souvenir d'une chose vue ou vécue, parfois il y a très
longtemps et parfois très récemment, parfois en apparence
insignifiante ou qui m'avait paru telle. Cela peut aussi être une réflexion, un simple fil de réflexion qui, soudain, quand vous l'avez tiré assez longtemps, se révèle appartenir à une immense tapisserie. Dans plusieurs cas, il
s'agit d'un rêve, d'un rêve fait en dormant, qui m'a presque dicté
le texte à mon réveil (dans ce cas-là, différer est une grave
erreur) même si la matière rêvée doit obligatoirement subir une
sorte de traduction pour avoir un intérêt littéraire. Dans deux
cas au moins, le catalyseur a été la lecture d'un texte — une
fiction généralement — d'un autre écrivain, qui m'a semblé
tenir une idée forte et qui ne s'en est pas servi ou de façon très
marginale, ce qui m'a visiblement fortement contrarié. Je pourrais
citer ainsi une nouvelle de Clark Ashton smith qui a eu cet effet sur
moi. Peut-être, si vous êtes amateur de fantastique et même si
vous ne l'êtes pas, avez vous lu cette belle nouvelle de lui
intitulée Morthylla, assez facile à trouver dans notre langue. Ce
n'était pas celle-là. L'histoire qui m'a inspiré, beaucoup plus
faible, s'appelait, je crois, et du moins dans sa traduction
française, Meurtre dans la quatrième dimension. Une autre nouvelle
de science-fiction, de Gene Wolfe, intitulée To the seventh (non
traduite à ce jour selon ma connaissance), m'a récemment inspiré,
pour les mêmes raisons, L'ange tombé du ciel. Je peux même
trouver un cas, celui de mon dernier petit roman en date, D'étoile en étoile, de porte en porte, qui m' a été inspiré par une
série TV, en l'occurence le début de Stargate Universe, qui aurait
pu être une excellente série si les scénaristes ou les producteurs
ne s'étaient pas pris les pieds dans le tapis au bout de deux ou trois épisodes.
Néanmoins je doute fort que si quelqu'un venait à lire ce roman
après avoir vu les premiers épisodes de la série,
sans avoir lu ces lignes, il penserait jamais à faire le
rapprochement entre les deux tant l'inspiration, justement, m'a
éloigné de ce point de départ. C'est vraiment un phénomène très
étrange et qui rappelle le rôle d'un catalyseur dans une réaction
chimique ; sans lui, pas de réaction, mais à la fin de la
réaction, il est quasi impossible à détecter.
Bien
sûr, on ne peut pas compter toujours sur l'inspiration. Elle vient
quand ça lui chante et vous me direz qu'on a besoin de manger tous
les jours. Vrai. Mais ça c'est une autre histoire et vous la
connaissez déjà suffisamment pour que je ne vous la raconte
pas à mon tour.
Liens :
Morthylla et Meutre dans la quatrième dimension : ici
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