J’ai commencé à
publier en ligne avec Amazon en 2014, ou peut-être fin 2013, je ne me
souviens plus, peu importe. Depuis, j’ai essayé pas mal d’autres plateformes
publiant des livres autoédités, francophones ou étrangères, généralement sous
forme d’e-books, histoire de m’assurer qu’Amazon était bien la meilleure
solution pour moi. En effet, elle l’était. Après donc quatre ou cinq années
d’essais divers et variés, j’ai eu envie de faire une sorte de petit bilan
provisoire, qui n’a aucune prétention à servir de règle de conduite mais dans
lequel chacun pourra sûrement trouver quelques enseignements utiles ou quelque
confirmation de sa propre expérience.
D’abord, il vaut
mieux préciser dans quelle cour je joue. J’écris essentiellement de la
science-fiction et du fantastique ; j’ai fait quelques incursions, très
peu, dans le mainstream tendance imaginative et dans la monographie de dessins
érotiques, puisque le dessin est la seconde corde à mon arc et que j’aime croquer
des filles nues sur du papier blanc à défaut de les croquer autrement, ou autre
part. J’ajoute que j’illustre tous mes livres (non érotiques mais incluant parfois
tout de même une fille nue) avec mes propres dessins. Il s’agit donc d’un
public assez particulier et disons-le, plutôt confidentiel, qui s’intéresse à mes
livres. Il y a un réel lectorat pour la science-fiction, même en France, mais
il est à coup sûr incomparablement plus mince que celui auquel vous pourriez
accéder en écrivant des thrillers glauques et diaboliques, des énigmes
policières astucieusement tarabiscotées, des romances fleur bleue ou de
l’érotisme distillé à l’eau de rose la plus pure (et parfaitement irréaliste). De plus, les lecteurs de science-fiction
sont des gens sérieux dans l’ensemble et peuvent être décontenancés par le côté
humoristique de mes récits, même si celui-ci est parfois bien caché. Ensuite,
ils n’aiment pas beaucoup les illustrations qui leur rappellent, sans doute,
les livres qu’ils lisaient enfant et comme je l’ai dit, ils sont beaucoup trop
sérieux pour lire des livres d’enfant (même si mes livres ne sont pas destinés
à des enfants). Enfin et surtout, la science-fiction est réputée davantage
comme une littérature d’hommes que de femmes, or tout le monde sait ou devrait
savoir que les lecteurs sont en réalité des lectrices (pour la plupart). Tout
cela fait beaucoup de défauts et au final, je dirais que mon lectorat potentiel
francophone, payant, doit se situer
aux alentours de quelques milliers d’individus répartis dans une douzaine
de pays. Inutile de préciser que je suis encore assez loin d’avoir atteint mon
potentiel.
Je n’ai donc pas
l’ambition de faire fortune, ni même de gagner ma vie et celle de ma famille,
avec mes productions littéraires. Dans le meilleur des cas, je peux envisager
de me procurer un complément de revenu, de quoi mettre du beurre sur les
épinards quand le temps de la retraite sera venu, à supposer que j’aille
jusque-là, à supposer qu’il y ait encore une retraite dans ces temps futurs.
Cela fait beaucoup trop de grands si.
Mon ambition, la
seule que je me connaisse, est d’écrire des livres que j’adorerais lire si ce
n’était pas moi qui les avais écris.
C’est pourquoi je
n’utilise pas forcément les méthodes et astuces habituelles de l’écrivain
indépendant (dont la caractéristique principale est généralement d’être
inconnu). Je ne fais par exemple aucune campagne promotionnelle, en dehors de
celles, sans frais, que permettent les diverses plateformes de publication.
Dans le cas de KDP select, je me contente de la promotion gratuite pour mes
livres en français et de la promotion “compte-à-rebours” pour les traductions
en anglais (je me demande d’ailleurs pourquoi cette dernière fonction, assez
intéressante, n’est pas disponible pour Amazon France). Pouvoir donner une
histoire gratuitement à lire est une fonction très utile pour un écrivain
inconnu, sans doute la plus utile. Bien sûr, vous pouvez la poster sur un blog
mais le lectorat potentiel sera sans commune mesure avec celui d’Amazon et puis
vous risquez de fâcher les gens d’Amazon, si vous avez choisi d’opter pour KDP
select et ses conditions draconiennes. Et il peut s’avérer très ennuyeux de
fâcher les gens d’Amazon pour un écrivain sans grade. Une autre forme de
promotion très simple et très efficace est utilisée par Amazon et par d’autres
plateformes, à savoir l’échantillon gratuit, de 5 à 20 % du livre selon les
cas. Certains sont plus réussis que d’autres. L’échantillon d’Amazon est très
réussi, tout du moins pour les éditions Kindle (ceux des livres brochés sont
nettement plus aléatoires et parfois franchement bizarres), de même que celui
de Smashwords ; tout le contraire de Kobo/Fnac qui présente une sorte de
trou de serrure au milieu des pages et qui ne peut donner envie de lire à
aucun être normalement constitué. Certains sites en ligne, comme Youboox,
n’ont pas besoin de cette fonction car c’est tout le livre qui est en lecture
gratuite, si vous n’avez pas coché la case Premium, ce qui n’empêche pas les
auteurs d’être rémunérés, du moins si vous être très patient ou très insistant
auprès de leur service comptable.
Une autre forme de
promotion bien connue, pas toujours gratuite, est le bidonnage de commentaires.
Sur Amazon, nous en avons des avalanches d’exemples et même si la politique actuelle
est à la traque des commentaires de complaisance, les robots policiers de Jeff
Bezos ont visiblement encore bien du boulot avant d’en avoir expurgé leur site.
Ce truc n’est d’ailleurs pas réservé aux seuls auteurs indépendants car il est
patent que des éditeurs ayant pignon sur rue ont leurs pigistes spécialisés
dans le commentaire amoureusement délirant du dernier roman de Mme X ou M. Y ;
il m’arrive même de penser que c’est parfois l’éditeur lui-même, ou l’agent
littéraire de l’auteur, qui écrit ces commentaires extatiques car qui pourrait
écrire des niaiseries aussi plates à part un éditeur ? Personnellement, je
n’en fais jamais. Et je n’en demande pas suivant la maxime “ne fais pas aux
autres ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse”. J’estime que ces faux
commentaires, cousins des fake news, parasitent non seulement l’opinion des
lecteurs, mais aussi de l’auteur en lui donnant des indications trompeuses sur
ses écrits. Recevoir un commentaire à 5 étoiles sur Amazon est certainement la
pire chose qui puisse arriver à un auteur indépendant. Cela m’est arrivé une
fois et je regrette de ne pas pouvoir le supprimer. Dans ce cas, il s’agissait
d’un malentendu avec cette personne sûrement bien intentionnée qui croyait
apparemment qu’elle me devait quelque chose (je n’en sais rien à vrai dire, je
ne la connais pas, sauf par l’entremise d’un site). Avoir un commentaire, même
formidablement élogieux, qui réalise une sorte de compilation de fragments de commentaires
d’autres lecteurs pris sur divers sites sans ordre ni idée personnelle en y ajoutant une
quantité impressionnante de fautes d’orthographes, sans doute pour faire plus
authentique, et qui n’a probablement pas même ouvert votre livre, n’a évidemment
aucune espèce d’intérêt. En fait, je suis persuadé qu’il ne m’a pas fait vendre
un seul livre. En revanche, je connais au moins un autre commentaire, très
négatif, qui m’en a sûrement fait vendre plus d’un. Ce lecteur qui n’avait de
toute évidence pas du tout aimé mon livre révélait en effet par sa critique qu’il
l’avait lu, bel et bien, et jusqu’au bout. Qui lirait un livre de 300 pages
dans sa totalité à part un éditeur, un correcteur, un professeur de français, un
élève puni, un fou ou un robot d’Amazon s’il n’y trouve pas un intérêt certain ? Mon lecteur n’appartenait visiblement à aucune de ces six catégories.
En réalité, le seul fait que votre lecteur aille jusqu’au bout de votre roman,
surtout s’il est volumineux, même ou plutôt surtout s’il déteste ce qu’il
lit, est un gage de qualité, toutes considérations de goûts mises à part. Vous
trouvez ça paradoxal ? Réfléchissez-y alors encore un peu.
Pour les livres en
anglais, il existe aussi sur Amazon une possibilité de promotion avec enchère où
vous attachez votre livre à un produit ou à un thème, des mots-clés par exemple,
où chaque clic sur votre publicité vaut une certaine somme que vous définissez
à l’avance. Donc, en principe, et si j’ai bien compris, ce qui est rien moins
que sûr, plus votre enchère de départ est basse plus vous pouvez avoir de clics
(en fonction de la somme maximale que vous êtes prêt à débourser une fois tous
vos clics épuisés), sauf que celui qui a l’enchère la plus basse passe après
celui qui a un clic de plus grande valeur, ce qui fait que vous n’avez
finalement pas intérêt à mettre une valeur trop basse à votre clic si vous
voulez que votre pub passe le plus souvent possible. C’est drôle, non ?
Oui, bon, c’est un truc pour Chinois ou Anglo-saxons. Je me trompe peut-être
mais je ne vois pas l’intérêt de cette sorte de promotion, sauf si on est déjà
un auteur reconnu. Je doute qu’un lecteur achète un livre d’inconnu simplement
parce qu’on le lui propose quand il fait une recherche sur un produit ou un
auteur qu’il aime. Je pense qu’un échantillon gratuit, à condition qu’il soit
suffisamment important et donc représentatif de votre production littéraire,
est bien plus efficace. Et puis de toute façon je ne vends pas assez de livres
en langue anglaise pour me le permettre. Mais si la fonction était disponible
en français, j’y réfléchirais à nouveau, sûrement, rien que pour voir, et parce
que c’est assez marrant ces histoires de clics et d’enchères.
Un autre moyen de promotion disponible est de
publier des histoires, courtes cela vaut mieux, sur des blogs ou sites
littéraires, des sortes de clubs. Pourquoi pas en effet. Je l’ai fait mais ça
n’a clairement pas un grand rayonnement et semble plutôt une affaire de
copinage que d’autre chose. De
plus, le problème de ces sites est qu'on y trouve beaucoup plus d’écrivains que de
lecteurs. Parmi les
francophones, Atramenta est à ma connaissance le plus intéressant de ces sites,
le plus pratique, le mieux organisé et surtout le plus lu. On peut aussi y publier
des livres papier ou électroniques contre modeste rétribution (ce n’est donc
pas gratuit contrairement à Amazon). Personnellement, je n’ai pas encore
utilisé ce dernier service mais c’est sûrement très bien fait. Désirant
réaliser une version e-pub de certains de mes livres, j’ai testé de nombreux
convertisseurs en ligne et aucun ne valait celui d’Atramenta. En fait, tous
étaient mal conçus, sauf le leur. De toute façon, il m’est difficile de publier
des livres ailleurs que sur Amazon, à partir du moment où j’ai choisi de rester
sur KDP select, puisqu’on est tenu à l’exclusivité. Ou alors il faut décocher
pendant la période où on désire publier ailleurs l’inscription à KDP select, ce
qui demande un esprit de prévoyance important puisque la réinscription est
automatique. Enfin, le problème d’avoir un prix unique pour le même livre, si
on suit la loi française, devient quasi insurmontable. Le seul moyen facile et
que j’utilise donc de temps en temps est de concocter des livres ou des
histoires spécialement pour les autres plateformes.
J’ai fini par
publier des livres brochés aussi. Sur CreateSpace comme sur Amazon, ce n’est
pas plus cher que de publier des livres électroniques, mais c’est plus
compliqué, surtout si comme moi, vous agrémentez le texte d’illustrations. En
fait, mettre des illustrations, que ce soit pour e-book ou livre broché rend
les difficultés d’édition multipliées par cinq. C’est même encore plus
redoutable pour les Kindle car vous ne savez pas quel appareil utilisera le
lecteur : liseuse ? quelle sorte de liseuse ? tablette ?
toutes ont des tailles et des résolutions différentes. Si vous n’êtes pas très
motivés par les illustrations, je vous le déconseille donc. Ceci dit, ces
difficultés étant résolues, il faut reconnaître que les livres brochés sont
d’une qualité assez remarquable si on considère que tout se passe sans aucun
contact entre l’auteur/éditeur et l’imprimeur. Pour m’être essayé au livre d’art, je
peux dire que le papier utilisé, les couleurs et la qualité d’impression (qui
dépend bien sûr de ce que vous envoyez dans la machine) sont tout à fait
satisfaisants, de qualité presque comparable aux livres d’art « grand
public » style Taschen. Personnellement, je trouve que CreateSpace a plus
de souplesse que le KDP print version bêta d’Amazon, par exemple pour les
formats de livre ; en revanche, la procédure est simplifiée sur Amazon et
les gabarits fournis sont vraiment indispensables pour ceux qui, comme moi,
veulent faire leur couverture eux-mêmes, recto, verso et tranche, et qui ne
sont pas experts dans le maniement des logiciels type Photoshop pro.
En
conclusion, j’ai publié des livres sur les plateformes suivantes : Amazon,
CreateSpace, BoD, Smashwords, Xinxii, Kobo, Youboox ; aucune ne m’a semblé
aussi performante qu’Amazon, et de très loin pour les dernières citées. C'est évidemment très regrettable. On peut juger
Amazon tyrannique, radin, puritain, secret et surtout hégémonique mais le fait
est que, malheureusement, pour le moment et à ma connaissance, ils sont les meilleurs.
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